Versailles, une ville zéro phyto

Cathy Biass-Morin

La Ville de Versailles a progressivement supprimé les produits phytopharmaceutiques depuis 2004. Aujourd’hui, c’est le résultat de plus dix années d’expérience collective que nous relate Cathy Biass-Morin.

Fleurissement printanier incluant des vivaces et des bulbes, Hôtel de ville de Versailles
Fleurissement printanier incluant des vivaces et des bulbes, Hôtel de ville de Versailles – © Ville de Versailles

 

Versailles, ville nature, est composée de 86,5 ha d’espaces verts public dont 34 ha de pelouses sous les arbres des rues arborées de 1,4 ha de massifs fleuris et de 4,5 ha de cimetières. La beauté de la ville est non seulement due à son patrimoine architectural mais également à son patrimoine arboré remarquable avec plus de 8 500 arbres d’alignement et 11 500 arbres dans les parcs et jardins publics de la ville.

La prise de conscience qui a conduit à la démarche zéro phytos s’est faite en écoutant des jardiniers accidentés par l’usage de produits phytosanitaires. De plus, certains agents étaient déjà sensibilisés à la préservation de la biodiversité et de la nappe phréatique. Ils étaient conscients des dangers et prêts à se lancer à nos côtés dans cette nouvelle aventure.

Expérimentation in situ par les jardiniers

Nous avons commencé, par supprimer l’utilisation des engrais chimiques sur les massifs fleuris et arbustifs, ainsi que sur les pelouses. Pour cela, il a fallu convaincre le responsable du fleurissement, par l’expérimentation, en comparant des bacs fleuris alimentés en compost ou en engrais chimiques. Au vu des résultats, les engrais chimiques ont été bannis de l’ensemble du fleurissement.

Parallèlement, nous avons testé plusieurs types de paillage sur nos massifs arbustifs et fleuris en tenant compte du type de massif, de la perception qu’on en a (en vélo, à pied ou en voiture). Finalement, nous avons retenu un paillis de bois issus de la taille de nos feuillus mais également un paillis criblé, plus fin, de type cosse de sarrasin et pouzzolane. Ce paillage permet d’éviter la germination des herbes indésirables et, surtout, de préserver l’humidité du sol lors de fortes chaleurs. De plus, il est incorporé comme amendement organique dans le sol lorsqu’il commence à se décomposer.

Il devient donc inutile de bêcher en hiver le sol des massifs arbustifs et c’est ainsi que nous gagnons des heures de travail et évitons des dos cassés !

Dès 2005, l’ensemble des parcs et jardins a définitivement supprimé le désherbage chimique, puis ce sont les 240 km de trottoirs et enfin l’ensemble des 4 cimetières qui ont subi le même sort.

Une réflexion globale

Il est indispensable de réfléchir, globalement, à l’échelle d’un territoire sur les différentes tâches réalisées par les jardiniers. Passer du désherbage chimique (90 % des produits phytosanitaires achetés par une collectivité) à un système alternatif demande plus de temps d’intervention et il est donc indispensable de gagner des heures de travail à des périodes stratégiques (avril à juin). L’arrêt de l’épandage d’engrais chimique et l’arrêt de l’arrosage automatique des pelouses limitent la croissance du gazon tout en diminuant les déchets de tonte, entraînant ainsi des économies de temps, d’eau et de déchetterie.

La révolution des plantes vivaces

des vivaces et des bulbes, Hôtel de ville
Fleurissement de juin incluant des vivaces et des bulbes, Hôtel de ville – © Ville de Versailles

 

Le fleurissement traditionnel en plantes annuelles et bisannuelles est gourmand en heures de travail (arrachage, plantation). En apportant une diversité végétale par le biais des plantes vivaces qui vont prendre du volume dans les massifs, on limite les plantations d’annuelles, à un moment où la tonte et le désherbage demandent une disponibilité plus importante des jardiniers. La diversité végétale ne permet plus aux pathogènes de s’installer et, si une plante est atteinte de maladie, elle sera supprimée et celle d’à côté se développera mieux : c’est ainsi qu’on a également supprimé insecticides et fongicides.

La révolution des plantes vivaces est en train de se faire, y compris pour les jardiniers amateurs, comme le montre les succès répétés des fêtes des plantes[1] :

Finalement, en 10 ans, nous avons multiplié par 4 la surface de massifs fleuris, tout en passant à « 0 phyto » et en restant à budget constant.

soutien des élus pour rendre effective la transition au « 0 phyto » dans les cimetières versaillais
Il a fallu le soutien des élus pour rendre effective la transition au « 0 phyto » dans les cimetières versaillais – © Ville de Versailles

Une autre gestion de l’herbe

Nous ne cherchons pas à supprimer l’herbe, mais à la contenir en la maintenant basse ou en ré–engazonnant certaines zones auparavant désherbées chimiquement. Il est ainsi plus facile de passer une tondeuse ou une débroussailleuse. Les méthodes alternatives au désherbage chimique sont mises en œuvre, en fonction de la fréquentation des sites, de leurs caractéristiques paysagères et horticoles et de leur perception par les riverains. C’est ainsi que nous pouvons utiliser ponctuellement des binettes, raclettes (sur les fils d’eau des avenues), des balayeuses mécaniques et des petites brosses rotatives thermiques pour les trottoirs et les rues, mais également et très ponctuellement des désherbeurs thermiques.

Un choix dès la conception d’un projet

Enfin, dès la conception de nouveaux projets ou lors de réaménagement de jardins, il est indispensable de toujours garder à l’esprit des modes de gestion écologique de l’espace public et en faisant le choix de matériaux adaptés à la problématique de désherbage :

  • en réduisant la largeur des allées en revêtement type ‘stabilisé’ en élargissant les pelouses,
  • en utilisant des joints « ciment » pour des pavages sans herbe,
  • ou, au contraire, en augmentant la surface des massifs de plantes vivaces et d’arbustes dans certaines zones à l’ombre. Il faut alors faire le choix de la bonne plante au bon endroit et tenir compte dès aujourd’hui des changements climatiques annoncés.

Accepter la flore spontanée

Notre regard doit s’acclimater à voir un autre type de fleurissement (à base de plantes vivaces, d’annuelles et de bulbes pour l’été) mais aussi de la végétation spontanée en milieu urbain. Ce point est important car il faut penser que les auxiliaires des cultures se développent notamment sur la flore spontanée. Il faut d’abord convaincre les jardiniers et leurs managers, mais également les élus avant d’en informer les administrés. Le soutien des élus a été indispensable pour rendre effective, par exemple, la transition au « 0 phyto » dans les cimetières versaillais.

Les formations, les échanges d’expériences (positifs mais aussi négatifs) sur les nouveaux matériels, les nouvelles plantes, les nouvelles semences de gazon etc., sont indispensables afin de promouvoir nos savoirs et les diffuser aux autres collectivités. De nombreuses associations œuvrent dans ce sens, comme Plante et cité, l’Association des Ingénieurs Territoriaux de France (AITF), HORTIS[2], et le CNFPT[3].

 

 

[1] Depuis 10 ans, Versailles accueille « ESPRIT JARDIN », le temps d’un week-end. Ainsi, plus de 60 exposants et ce sont plus de 10 000 visiteurs qui nous retrouvent annuellement place de la cathédrale St Louis.

[2] HORTIS : Association  « les responsables d’espaces nature en ville » www.hortis.fr

[3] CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale www.cnfpt.fr

 

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2 thoughts on “Versailles, une ville zéro phyto”

  1. Félicitation à la ville de Versailles! Depuis longtemps je n’utilise plus de produit chimique dans mon jardin.
    Je regrette seulement que les gazons sur les boulevards comportent des épis de seigle que j’ai retrouvés dans l’œil de mon chien.
    Urgence véto.
    Amicalement

  2. Je comprends mieux maintenant pourquoi j’ai été si heureusement surprise depuis quelques années de voir à l’occasion de brefs retours la transformation de Versailles, devenue en effet plus fleurie et plus soignée ! Bravo, Madame et bravo à tous les acteurs, des politiques locaux aux simples jardiniers !

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