Pour l’ail et l’échalote au potager, il faut partir du bon plant !

À la différence des autres potagères, qui se reproduisent par graines, les semences d’ail et d’échalote sont constituées par un bulbe, ou caïeu. C’est un produit vivant, fragile et susceptible d’abriter dans sa chair toutes sortes de parasites invisibles (virus, nématodes ou champignons) qui peuvent se réveiller inopinément en culture et causer d’importants dégâts. Le seul moyen de s’en prémunir est d’utiliser des plants certifiés qui ont été multipliés selon des règles bien définies et qui font l’objet d’un contrôle strict. En plus de la garantie sanitaire, l’utilisateur est ainsi assuré d’une bonne levée.

Une sélection très active à l’Inrae

Pour lutter contre ces viroses, transmises par les pucerons sur les plantes hôtes, les chercheurs de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ont entrepris des travaux de sélection, aussi bien sur l’ail que sur l’échalote. Il faut saluer tout particulièrement les avancées de la recherche dans les années 1980. Au-delà de la sélection généalogique, qui consiste à repérer les plantes les plus productives et indemnes de virus, les sélectionneurs ont utilisé la technique de régénération par culture de méristèmes in vitro. Pour expliquer simplement cette démarche, on rappellera que les méristèmes sont constitués de cellules non différenciées présentes dans les bourgeons à l’extrémité des tiges et des racines.

Leur double intérêt réside dans le fait qu’ils peuvent, en se multipliant, donner naissance à tous les tissus de la plante et surtout, qu’ils sont des structures indemnes de virus. Leur culture permet donc d’obtenir une plante identique à la plante originelle, mais débarrassée des virus. C’est ainsi que l’Inrae a créé Germidour (en 1975), issue de la population Violet de Cadours, ou encore Printanor (1983), issue de Fructidor (elle-même issue de Rose d’Auvergne). En échalote, on peut citer Jermor et Longor, inscrites en 1996, et qui sont encore, de loin, les deux variétés les plus cultivées en France. Bien sûr, obtenir une variété sans virus ne suffit pas. Encore faut-il multiplier les semences dans des conditions strictement contrôlées, de façon qu’elles ne puissent pas être recontaminées, notamment par les pucerons qui véhiculent et transmettent le virus, sinon l’utilisateur ne profiterait pas du progrès apporté. C’est pour cette raison qu’a été mise en place, en parallèle, la certification des semences, sous le contrôle du Service officiel de contrôle et de certification (SOC).

Un plant « certifié » pour prendre le bon départ

La production de plants certifiés en France obéit à un schéma très strict, avec des normes de certification encore plus sévères que dans les autres pays européens (voir encadré). Le processus nécessite plusieurs années. Après ce long travail de multiplication, si tous les résultats sont conformes aux normes du règlement technique, les plants sont « certifiés » et reconnus comme tels par la vignette bleue du SOC. Ils sont prêts à la commercialisation en jardineries. Pour le jardinier, ce certificat est le bon de garantie, à la fois pour la traçabilité, la qualité sanitaire et la bonne faculté des plants à germer.

Des terroirs et des climats favorables

Une autre indication importante figure sur cette vignette, c’est le nom de la variété. Place au choix variétal, en fonction de la zone deculture, de la période de plantation et de vos préférences gustatives. La création variétale a toujours été dynamique, que ce soit du côté de l’Inrae et de sa filiale Agri Obtentions, ou du côté des sélectionneurs privés. Les objectifs de sélection s’étendent de la forme et la couleur du bulbe à la tolérance aux maladies, en passant par la précocité, la rusticité, la conservation et, bien sûr, le goût. Grâce à une situation pédoclimatique privilégiée, on peut cultiver en France une gamme variétale assez large.

Les jardiniers sauront reconnaître la vignette bleue de certification. Pour les plants d’ail et d’échalote, c’est une garantie de traçabilité, de qualité sanitaire et de bonne faculté germinative © Semae-P. Dutronc
Les jardiniers sauront reconnaître la vignette bleue de certification. Pour les plants d’ail et d’échalote, c’est une garantie de traçabilité, de qualité sanitaire et de bonne faculté germinative © Semae-P. Dutronc

Un large choix de variétés

De couleur blanche ou violette, les variétés d’ail d’automne sont plantées généralement en octobre-novembre pour être récoltées en juin. Les bulbes sont gros. Ils sont caractérisés par une faible dormance, c’est-à-dire qu’ils vont se mettre à germer relativement tôt après la période hivernale. Aussi l’ail d’automne se conserve-t-il difficilement au-delà de février. Citons quelques variétés d’ail blanc, que le jardinier trouvera en plants certifiés : Messidor, Thermidrome, Messidrome, Aulxito, Dario, Jolimont, Sabadrome, Thérador, Vigor Suprême. En ail violet, la vedette est Germidour, mais d’autres variétés plus récentes sont intéressantes, comme Primor, Sprint, Valdour, Vayo…

Pour l’ail rose, ce sont les variétés alternatives ou de printemps, mises en terre de janvier à mars et récoltées le plus souvent en juillet qui s’illustrent. Dans les régions à hiver doux, comme dans le sud de la France, on peut aussi les planter dès l’automne. Les bulbes sont plus petits et constitués de caïeux plus nombreux que l’ail d’automne. Ils se distinguent par une longue dormance et peuvent être stockés tout l’hiver sans problème. Les variétés les plus cultivées au potager sont Flavor, Edenrose, Clédor ou Arno, suivies par Cristo, Printanor, Gayant, Moulinor, Sabagold, Iberose, Goulurose, Jardirose, Sultop, Vivalto…

L’ail français est réputé pour sa qualité. C’est un condiment incontournable en cuisine, en France et 
dans le monde © Fotomelia
L’ail français est réputé pour sa qualité. C’est un condiment incontournable en cuisine, en France et dans le monde © Fotomelia

Du Nord au Sud, l’ail et l’échalote se plaisent en France. Ils sont de culture facile, car ils poussent dans n’importe quelle terre, ou presque, et n’exigent pas de soins compliqués, à condition toutefois de prendre le bon départ. Ces deux espèces se multipliant par reproduction végétative, ce sont les caïeux ou bulbes qui constituent la « semence », qualifiée de « molle », par opposition à la graine dite « semence sèche ». C’est un produit vivant, donc plus fragile et plus difficile à conserver.

Ail et échalote, les risques au potager

Au moment de la plantation, le jardinier peut être tenté par deux options, toutes deux à éviter. Première mise en garde, les bulbes d’ail ou d’échalote vendus sur les marchés ne doivent pas être utilisés comme plants. Pour améliorer leur conservation et leur tenue sur les étals, ces bulbes sont souvent traités avec des antigerminatifs. L’autre risque consiste à réutiliser quelques bulbes de sa précédente récolte. Attention, il ne suffit pas de faire son choix de plants sur le seul aspect visuel des bulbes d’ail et d’échalote. D’apparence saine, ils peuvent être porteurs de parasites ou maladies. Dans ce cas, rien ne sert de planter, la pourriture cachée ou les viroses perfides vont gagner les plantes, et la récolte sera compromise ; avec le risque supplémentaire de contaminer l’ensemble du potager!

Les jardiniers les plus anciens vous le diront: autrefois, l’ail et l’échalote étaient souvent atteints par des viroses. Les deux virus les plus préoccupants sont la jaunisse nanisante de l’oignon (Onion Yellow Dwarf Virus ou OYDV) et la striure chlorotique du poireau (Leek Yellow Stripe Virus ou LYSV). Ils sont responsables des symptômes de mosaïque. Les plantes atteintes présentent des stries ou des marbrures jaunes sur les feuilles les plus âgées, elles deviennent chétives et la croissance des bulbes est ralentie, ou stoppée.

Les premiers travaux d’amélioration de l’ail ont été conduits à l’Inrae. Les variétés Messidrome et Thermidrome sont issues de la population Blanc de la Drôme. Elles présentent l’avantage d’être plus homogènes, indemnes de virus et plus vigoureuses © Semae
Les premiers travaux d’amélioration de l’ail ont été conduits à l’Inrae. Les variétés Messidrome et Thermidrome sont issues de la population Blanc de la Drôme. Elles présentent l’avantage d’être plus homogènes, indemnes de virus et plus vigoureuses © Semae

LA CERTIFICATION DES PLANTS SOUS HAUT CONTRÔLE

La production de plants certifiés d’ail et d’échalote est longue et complexe. Elle repose sur sept générations successives. En cours de culture et à la récolte, les techniciens du Service officiel de contrôle et de certification (SOC) effectuent de nombreux contrôles visuels ainsi que des analyses sérologiques et nématologiques en laboratoire. Le règlement français impose des normes très strictes, beaucoup plus sévères que dans les autres pays européens ou dans le reste du monde. Pour la faculté de reprise, le taux maximum de dommages est de 5 %. En ce qui concerne la pureté variétale, 99 bulbes sur 100 doivent être de la même variété. À propos du bon état sanitaire, les examens au champ ne doivent pas déceler plus de 1 % de cas de viroses et pourriture blanche, et les analyses en laboratoire doivent prouver l’absence de nématodes. C’est seulement lorsque toutes ces exigences sont vérifiées que le SOC délivre les étiquettes bleues de certification.

POUR L’OIGNON, DES SEMENCES OU DES BULBILLES

À la différence de l’ail et l’échalote, l’oignon peut être cultivé à partir de graines. Le semis peut être réalisé soit au printemps, pour les oignons blancs, précoces, qui se conservent peu de temps, soit à l’automne, pour les oignons de couleur jaune ou rouge qui se distinguent par leur longue conservation hivernale. Pour ce type de variété, les jardiniers amateurs préfèrent parfois gagner du temps en utilisant des « bulbilles » à planter au printemps. Les jardineries proposent au choix des sachets de graines, avec un large éventail de variétés, ou des sacs de bulbilles, avec un choix plus restreint, et sans la certification SOC. Les deux types de cultures sont faciles à réussir.

Au niveau gustatif, l’ail rose est plus fort en goût que l’ail blanc ou violet. Cela tient en grande partie à la différence de teneur en matière sèche : pour fabriquer un kilogramme de poudre d’ail, il faut 5 kg d’ail blanc contre 3,5 kg d’ail rose ! L’échalote traditionnelle grise est représentée par la variété Griselle, au goût original très fin. Elle a longtemps été une des variétés préférées, mais elle perd chaque année du terrain en raison de sa sensibilité aux maladies. Plus récemment a été sélectionnée Grisor.

L’échalote rose est également nommée échalote de Jersey. Elle peut prendre trois formes différentes, ronde, longue et demi-longue. Ce sont les variétés longues Jermor et Longor, assez anciennes, qui sont les plus cultivées. À elles deux, elles représentent plus de 70 % des plants vendus (tous marchés confondus, professionnel et amateur). Mais elles pourraient bientôt se faire détrôner par des variétés plus récentes, plus performantes. Les travaux de sélection visent notamment la résistance aux maladies et, sur ce plan, les recherches progressent. Il faut faire mention notamment de Melkior (obtention de l’Inrae, de type demi-long) et Méloine (obtention OBS, de type rond), qui rencontrent de plus en plus de succès, car elles ont la particularité d’être résistantes au mildiou, l’ennemi numéro un de l’échalote. Parmi les autres variétés, on peut citer Hermine, Mikor, Elisor…

De nombreux signes de qualité

Si l’on en juge par les 35 variétés d’ail et les 15 variétés d’échalote inscrites au Catalogue officiel, ces filières affichent un beau dynamisme en France. Depuis le début de la certification, les producteurs de plants certifiés se sont regroupés dans l’association Prosémail, qui mène à la fois des actions techniques, en collaboration avec l’Inrae, et des actions promotionnelles pour faire connaître ce secteur auprès des agriculteurs comme auprès des jardiniers amateurs. Un cocorico pour finir: parmi les nombreux pays du monde où l’ail est cultivé, c’est en France qu’il détient le plus de labels de qualité, dont un Label Rouge pour l’ail rose de Lautrec, une AOP (Appellation d’origine protégée), pour l’ail violet de Cadours, et plusieurs IGP (Indication géographique protégée).

La production de plants certifiés d’ail et d’échalote est très contrôlée. Les deux premières années 
sont réalisées sous tunnel isolé pour éviter toute contamination par les pucerons, agents vecteurs du virus de la mosaïque © Semae K. Ramage
La production de plants certifiés d’ail et d’échalote est très contrôlée. Les deux premières années sont réalisées sous tunnel isolé pour éviter toute contamination par les pucerons, agents vecteurs du virus de la mosaïque © Semae K. Ramage

Laure Gry
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France