Portiques, treillages, tonnelles…

Daniel Lejeune

Trois mots s’appliquent sans difficulté à la culture des plantes grimpantes : portiques, treillages, tonnelles. Mais chacun d’entre eux a inscrit son histoire dans notre langue à travers son enracinement étymologique ou ses glissements sémantiques successifs.

Les portiques, berceaux, treillages sont des éléments majeurs de la composition des jardins du Grand Siècle. Ils sont en partie hérités de l’art des jardins de la Renaissance. Construits avec des lattes juxtaposées ou entrecroisées et fixées sur des parois maçonnées, ils servent à orchestrer des perspectives, des fonds d’allées, des trompe-l’œil.

Dézallier d’Argenville dans son célèbre ouvrage[1] nous dit, à l’époque de ses écrits, « Les portiques, berceaux et cabinets de treillage sont déjà moins à la mode. Ils coûtent cher à réaliser et se ruinent facilement. »

Ces petites constructions ne se rencontrent pas dans les jardins de l’époque des Lumières ni, d’ailleurs, dans les grands parcs paysagers du Second-Empire.

Une place leur revient dans la partie régulière des jardins composites ou de style mixte. Ce sont les jardins de petites dimensions, les roseraies comme à l’Haÿ ou les orangeries qui les accueillent.

Mise à part dans la partie historique de son magistral traité[2], Edouard André ne leur consacre que quelques lignes, d’ailleurs en partie reprises de Dézallier.

Le « petit usage horticole »

L’article du Dictionnaire de jardinage de Nicholson et Mottet[3], replace berceaux et treillages dans le « petit usage horticole » :

Berceau : lieu de repos que l’on nomme aussi fréquemment tonnelle, pourvu de bancs et entouré d’un treillage formant dôme, sur lequel on fait grimper soit des arbustes sarmenteux (Vigne vierge, Lierre…), soit des plantes herbacées (Houblon, Capucine, Volubilis…)

Treillage : clôture faites de lames ou de petites tiges de bois refendu, le plus souvent de châtaignier, reliés entre eux par d’autres lames de bois horizontales ou par du fil de fer souple, tordu mécaniquement. Les véritables treillages sont cependant ceux formés par de minces lames de bois posées sur les murs servant tantôt à donner aux arbres la forme désirée en y attachant leurs branches charpentières, tantôt à supporter des plantes grimpantes sans symétrie ou encore à cacher la nudité d’un mur et l’orner même par les dessins que peut former le treillage. Dans les serres, les treillages sont utiles pour les murs de fond, les piliers…

Dans la langue d’aujourd’hui

Une autre manière de satisfaire notre curiosité consiste à suivre à rebours l’évolution de notre langue, comme nous y invitent Alain Rey et ses collaborateurs[4]

Berceau : par analogie avec l’arceau du lit d’enfant, le mot a développé des sens techniques. Par exemple un treillage en voûte (1538). « Berceau de la Vierge » désigne la Clématite des haies par référence à sa végétation en berceau (1845)

Pergola : emprunt à l’italien (1839) de pergola, signifiant treille, du latin pergula « avancée », constructions en saillie

Tonnelle : diminutif féminin de tonne, a perdu son sens ancien de « tonneau » (seconde moitié du XIVe siècle) pour prendre par analogie de forme dès le moyen français (1340), une construction légère à sommet arrondi sur laquelle on fait pousser des plantes, puis cet ensemble garni de plantes, puis les plantes elles-mêmes. Tonnelle, emprunté par l’anglais (XVe siècle, filet tubulaire pour prendre les perdrix et les alouettes), a été réemprunté par le français sous la forme tunnel. (1825)

Treille : issu par évolution phonétique (fin XIe siècle) du latin trichila « berceau de ceps de vigne », « tonnelle », « pavillon » passé en français avec la signification de berceau de ceps de vigne puis, par métonymie, « vigne élevée contre un support » (1180-1220). Repris dans le sens de grillage.

Tonnelle de Glycine au parc d'Apremont-sur-Allier - © D. Lejeune
Tonnelle de Glycine au parc d’Apremont-sur-Allier – © D. Lejeune
Tonnelles dans le parc du château de Chamerolles (Loiret) - © D. Lejeune
Tonnelles dans le parc du château de Chamerolles (Loiret) – © D. Lejeune
Le treillage du bosquet de l'Ancelade - parc de Versailles - © D. Lejeune
Le treillage du bosquet de l’Ancelade – parc de Versailles – © D. Lejeune

Un glissement en faveur des végétaux

Nous constatons finalement que les champs sémantiques ont peu à peu glissé en faveur des végétaux supportés, au détriment de leur support. Dans le même temps, le végétal recouvre de plus en plus ce dernier, allant jusqu’à le dissimuler et le faire oublier, occultant ainsi la contribution des portiques, treillages et tonnelles à l’architecture des jardins classiques.

La partie ainsi est devenue descriptive du tout. Ce phénomène est courant dans l’histoire de notre langue[5].

[1] La théorie et la pratique du jardinage, Paris, 17O9. Connaissance et Mémoires en a réédité la quatrième édition en 2002

[2] l’Art des jardins, traité général de la composition des parcs et jardins. Masson 1879

[3] Dictionnaire pratique d’horticulture et de jardinage, 5 volumes. Doin, Librairie agricole de la Maison rustique et Vilmorin-Andrieux et Cie, 1892-1899.

[4] Dictionnaire historique de la langue française, 2 volumes. Robert, 1992

[5] Qui ne connaît l’incroyable succès métonymique du mot bureau qui, désignant à l’origine une petite pièce d’étoffe posée sur un écritoire, est devenue progressivement synonyme de meuble, de pièce, de service puis de structure administrative tout entière !!

Des cépages de vigne pour la treille

Pour choisir un cépage, se poser d’abord la question du type de treille désiré : avec ou sans grappes ? La treille ou tonnelle peut être mise en place uniquement pour disposer d’un endroit agréable car ombragé. Ainsi, pas de présence de guêpes et autres insectes attirés par les grappes à l’approche de la maturité. Il est alors conseillé de recourir à des variétés de porte-greffe de vigne, dont certains portent uniquement des fleurs mâles. Ces variétés ont aussi l’avantage d’avoir des résistances fortes aux principales maladies fongiques, il n’est donc pas nécessaire de les traiter. Dans cette catégorie citons les variétés SO4, 420A Millardet et de Grasset, Teleki 5C. On peut facilement se procurer des plants racinés de ces variétés auprès des pépiniéristes viticoles, mais pas en jardinerie.

Pour une treille à fruits*, on peut distinguer les variétés qui ont absolument besoin de protection phytosanitaire, celles où cette protection peut être allégée et celles qui peuvent s’en passer.

  1. Variétés à fruits de l’espèce européenne (Vitis vinifera), nécessitant une protection phytosanitaire contre le mildiou, l’oïdium, le black rot. Les variétés pouvant être utilisées dans ce cas sont très nombreuses. On doit citer le Chasselas, cépage emblématique pour la table. Voici une liste de cépages prenant en compte la couleur de la baie, l’époque de maturité, les caractères apyrène et/ou aromatique.

Baies noires : Lival, Prima = précoce (1ère époque[1]) ; Alphonse Lavallée, Alvina, Muscat de Hambourg = 2e époque ; Alvina est apyrène. Muscat de Hambourg est aromatique.

Baies blanches : Centennial seedless, Exalta = 1e époque ; Centennial seedless est apyrène. Exalta est apyrène et aromatique ; Italia = 3e époque.

Toutes ces variétés sont disponibles chez les pépiniéristes viticoles.

  1. Variétés à fruits ayant incorporé des résistances naturelles (par hybridation) aux maladies fongiques, ne nécessitant qu’un nombre limité de traitements. Il faut citer les variétés issues des travaux de l’INRA destinées aux amateurs:

Baies noires : Aladin = 1e époque

Baies blanches : Amandin, Candin, Perdin = 1e époque. Candin et Perdin sont aromatiques.

Ces 4 variétés sont présentes dans les jardineries.

  1. Variétés à fruits présentant des résistances élevées aux maladies fongiques, ne nécessitant aucun traitement. L’une de ces variétés à baie noire, Isabelle = 2e époque, présente des arômes particuliers fraise-framboise. On parle de goût foxé. On trouve facilement Isabelle en jardineries. Cette variété très répandue de par le monde, est présente dans les vieilles treilles des jardins ou potagers français.

* Époque de maturité des raisins: 1ère époque = Chasselas; 2ème époque = 12 jours après Chasselas; 3ème époque =24 jours après Chasselas – classification Pulliat (ampélographe français de la fin du 19ème siècle).

Yves Lespinasse, d’après les informations fournies par Christophe Schneider – INRA Colmar.

[1] Époque de maturité des raisins: 1ère époque = Chasselas; 2ème époque = 12 jours après Chasselas; 3ème époque =24 jours après Chasselas – classification Pulliat (ampélographe français de la fin du 19ème siècle).

 

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