Pépinières Thuilleaux, l’expérience de l’arbre

Jean-François Coffin

L’élevage d’un arbre de grande taille n’est pas de tout repos. Pour lui assurer une pérennité lors de sa plantation, sa culture fait l’objet de nombreux soins dès sa naissance. Thierry Gaboriau, le directeur des pépinières Thuilleaux, entreprise spécialisée dans cette production depuis des siècles, nous explique les soins apportés à ces arbres.

 

Thuilleaux, une pépinière spécialisée dans les grands arbres - © www.thuilleaux.com

 

Thuilleaux, c’est toute une histoire puisque cette pépinière est l’une des plus anciennes de France. Elle a été créée en 1650 pour répondre aux attentes du château de Versailles et d’André Le Nôtre mais aussi à celle d’autres parcs de châteaux et  pas seulement pour des arbres décoratifs. A l’époque, il fallait satisfaire une demande d’arbres pour le bois de chauffage, de charpente, d’arbres fruitiers pour se nourrir. « Nous avons été pendant longtemps des généralistes, avec notamment un important verger, des productions de rosiers, d’arbustes – explique Thierry Gaboriau - mais avons arrêté il y a une trentaine d’année pour nous recentrer sur les arbres gros sujets, élevés en plein terre, spécialité qui a existé dès l’origine. D’où notre savoir-faire de longue expérience. »

 

Une production soignée

Pour Thierry Gaboriau, l’essentiel du métier est de rendre les arbres aptes à la reprise. La production est basée sur la qualité et le respect de l’environnement, démarche entreprise depuis longtemps. « En 2010, nous avons fait un bilan carbone de notre production. En 2011, nous avons étés parmi les premiers à obtenir la certification « Plante Bleue1 »
L’activité se prête à cette démarche : culture en pleine terre, sans abri, sans chauffage ; création des conditions pour favoriser les auxiliaires ; limitation d’apport d’intrants. Depuis plus de cinq ans, Thuilleaux a adopté une démarche de mycorhization apportée à chaque transplantation, aussi bien endomycorhizes qu’ectomycorhizes (notamment pour les conifères). L’intérêt n’est plus à démontrer : la mycorhization2 augmente les capacités de la plante à se nourrir. « Tout se joue à la plantation car l’arbre est appelé à rester en place des décennies. Il faut donc lui créer des conditions les plus favorables pour lui assurer son autonomie ».

 

De l’élevage à la livraison

Les plants, qui ont déjà de 5 à 7 ans, sont achetés à des multiplicateurs. Dès le début, ils sont plantés à une distance d’au moins 3 m par 3 m. Puis ils sont distancés au fur et à mesure de leur croissance. La transplantation, le cernage sont réguliers, afin de permettre une concentration des racines proche du collet. L’objectif est que les arbres s’épanouissent avec harmonie. « On les forme, on les taille, on les tuteure ». Les troncs sont exposés au soleil, ce qui leur permet de résister à l’échaudure, phénomène courant lorsque les arbres sont par exemple plantés en ville, en plein soleil, avec réverbération de l’asphalte et du béton.
Les arbres sont élevés pendant environ 7 à 10 ans, parfois jusqu’à 20 ou 30 ans.
Ils sont commercialisés à partir d’une circonférence de 20/25 cm (jusqu’à 70/80) pour les caducs et de 3 à 12 m de hauteur pour les conifères.
« Pour la commercialisation, nous utilisons les bacs à bois, pratique ancestrale, pour entourer les mottes importantes, de plus de 2 m de diamètre. Pour celles inférieures à cette dimension, nous utilisons le grillage. »
L’entreprise peut assurer la livraison car elle est équipée d’engins spécialisés comme les camions grues.

 

Une planification difficile

Les essences choisies sont celles adaptées au sol et au climat d’Île-de-France. Le choix est aussi basé sur l’intérêt décoratif, la rusticité, la résistance aux maladies et à la sécheresse. « Chaque année, nous nous efforçons d’introduire 5 à 10 nouvelles essences que nous pensons correspondre au futur marché : formes pyramidales pour plantations dans des rues étroites, feuillage à couleur automnale ».
L’entreprise est confrontée aux changements de tendances, avec des discours ou des préoccupations à la mode, électoralement corrects pour des élus, souvent sincères mais pas adaptés aux réalités des végétaux. Donc pas facile de prévoir ce que sera le marché dans dix ou vingt ans !

 

Des tendances contradictoires

Une des tendances actuelles est à une demande de variétés indigènes. « Ce n’est pas parce qu’un arbre remarquable a résisté des siècles que, si l’on en plante d’identiques, ils connaîtront le même sort. Les conditions environnementales, comme en ville, ne sont plus les mêmes, avec une nature de sol, une atmosphère souvent très différentes. Et ce ne sont pas forcément les variétés anciennes qui résistent le mieux », explique Thierry Gaboriau qui fait le parallèle avec les variétés de roses anciennes qui sont hyper sensibles aux maladies. « Choisir pour un parking des Malus sylvestris qui vont se couvrir d’oïdium et répandre leurs fruits est une aberration ! Et ce n’est pas parce qu’une variété d’érable est « champêtre » ou qu’un tilleul est « des bois » qu’il faut les choisir. »
L’introduction régulière de nouvelles essences a permis, par exemple, d’embellir le paysage de riches coloris d’automne absents il y a 500 ans. Il existe aussi de nouvelles variétés sélectionnées pour leurs ports érigés limitant l’élagage, leur résistance aux parasites ou mieux adaptées aux sols tassés ou secs.

 

Convaincre et former

Alors les choix doivent être discutés, « ce que nous faisons avec les responsables du parc naturel où nous nous trouvons pour déterminer si une liste restrictive de variétés indigènes est vraiment la meilleure solution. »
La formation et l’information sont primordiales. Il est difficile de convaincre un décideur qui a une vision à cour terme et qui veut obtenir un effet immédiat. Il ne sera plus là dans 5 ou 6 ans pour voir s’il a fait le bon choix. « Même certains étudiants  en paysage ont des a priori, une logique avec laquelle ils ont du mal à prendre de la distance ! L’aspect biodiversité/ indigénat ou, à l’opposé, l’exotisme (plante méditerranéenne) escamotent trop souvent les fondamentaux (adaptation aux lieux, intérêts décoratifs, rusticité). »

 

La vue à court terme

L’entreprise subit la crise actuelle où le marché est ouvert avec une forte concurrence étrangère, notamment au niveau coût de main d’œuvre. « Or, notre métier est en grande partie de la main d’œuvre, même si nous tentons de mécaniser au maximum. S’il est politiquement correct de faire appel à du « made in France », à des produits de proximité, les budgets public sont en diminution et ce sera le moins disant qui remportera sur le mieux disant ! »
Reste le gros problème de l’évaluation sur le long terme. « Pour certains prescripteurs, peu importe si l’arbre crève au bout de deux ou trois ans. Mais à l’arrivée, c’est la collectivité qui devra payer le prix de la replantation et considérera, ensuite, l’investissement  végétal comme risqué et décevant. C’est le problème de la vue à court terme ! »

 

Thuilleaux, une entreprise familiale

Le berceau de l’entreprise était Vaucresson et La Celle-Saint-Cloud. Depuis 1978, le siège social et la pépinière de 100 ha sont installés à Choisel, dans une circonscription du parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse (Yvelines).
Il s’agit toujours d’une entreprise familiale. Hubert Flamand, gérant de Thuilleaux mais aussi des pépinières Détriché qui produit d’autres spécialités, est toujours un descendant de la famille d’origine.
Parmi les fiertés récentes : la plantation des arbres sur le toit de la cathédrale d’Évry ou le remplacement du chêne de Marie-Antoinette dans le parc de Versailles, abattu par la tempête de 1999 !

 

Pépinières Thuilleaux

6, route de Rambouillet
78460 Choisel
www.thuilleaux.com

 

Arrachage et mise bac d’un cèdre de 11m - © www.thuilleaux.com

 

Des arbres taillés, tuteurés - © www.thuilleaux.com

 

Une protection des motte soigneuse lors de l’arrachage - © www.thuilleaux.com

 



[1] http://www.plantebleue.fr

[2] Voir le dossier de Jardins de France 622 (mars-avril 2013) « Mycorhizes, auxiliaires discrètes du jardinier »

 

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1 thoughts on “Pépinières Thuilleaux, l’expérience de l’arbre”

  1. bonsoir j’ai 4 hectares et j’aimerai bien planter des centaines d’arbres fruitiers mais je suis debutant et nouveau dans le dommaine de l’agriculture.Je cherche une bonne pépinière pour acheter des arbres de bonne qualité avec un bon suivi . merci

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