Nos plantes face au froid : dégâts, résistance, tolérance…

Françoise Corbineau

Lorsque l’on parle de tolérance des végétaux aux températures basses, il est indispensable de préciser le degré de sévérité du froid, sa durée dans le temps et à quel moment du développement des plantes il intervient. Connaître la réponse des plantes permet non seulement de faire un bon choix des espèces pour nos jardins et nos espaces verts mais aussi de mieux les protéger...

Fleurs de cerisier avortées à la nouaison, un autre symptôme causé par le gel. Lorsque les températures froides sont permanentes, seuls les végétaux qui présentent des modifications structurales et physiologiques permanentes, peuvent survivre. - © Nicole et Patrick Mioulane / MAP

Le froid… mais quel froid ? Deux cas de températures peuvent être distingués. Les températures basses négatives, celles qui entraînent le gel – la formation de cristaux de glace à l’intérieur des cellules et des tissus –, et donc leur mort. Quant aux températures basses positives, elles sont à l’origine de troubles physiologiques ou « maladies du froid » entraînant la mort sans gel de nombreuses espèces de climats chauds. Ces mêmes températures, allant de 3°C à 10°C, peuvent aussi avoir des effets bénéfiques sur le cycle de développement des végétaux de climats tempérés (élimination des dormances des graines et des bourgeons, floraison…).
 

Le moment et la durée du stress thermique

Les dégâts causés par les « stress » thermiques dépendent aussi du moment et de la durée de ceux-ci. Le stress peut être de durée réduite, et si l’abaissement de la température n’est pas trop rapide, les végétaux disposent souvent de moyens de résistance qui correspondent à des modifications métaboliques et physiologiques réversibles. La période de températures basses peut être plus longue, mais temporaire, comme l’hiver dans les climats tempérés. Le végétal mettra alors en place, avant la période froide, des moyens de lutte contre le gel : les plantes se préparent progressivement pendant la période automnale, on parle d’endurcissement au gel. Cette tolérance au gel qui s’acquiert pendant l’automne disparaît rapidement au début du printemps, d’où le danger des gels de printemps. Les végétaux peuvent aussi produire des organes, le plus souvent déshydratés (graines, spores), qui supportent des températures très basses (jusqu’à -196°C, température de l’azote liquide !). Une telle tolérance au froid est mise à profit pour l’établissement de banque de gènes : les graines sont conservées dans des congélateurs à -18°C, à -30°C, ou dans des conteneurs renfermant de l’azote liquide -196°C).
Lorsque les températures froides sont permanentes, seuls les végétaux qui présentent des modifications structurales et physiologiques permanentes, peuvent survivre. On parle alors d’adaptation.
 


Les dégâts et la mort des végétaux sans gel

Les désordres métaboliques engendrés par les températures froides, mais supérieures au point de congélation (généralement situé entre -1°C et -3°C), concernent surtout les espèces originaires des régions chaudes du globe, particulièrement les espèces tropicales. Ils donnent lieu à une grande diversité de symptômes qui se manifestent le plus souvent par des brunissements localisés ou généralisés des organes et aboutissent, à plus ou moins long terme, à la mort d’ilots cellulaires (dépressions brunes nommées « pitting »), des organes (brunissement interne des avocats, par exemple, ou superficiels des feuilles), puis de la plante entière. Les brunissements sont dus à l’oxydation de composés phénoliques. On classe habituellement les végétaux en trois groupes selon leur degré de sensibilité au froid non gelant. Les végétaux insensibles au froid peuvent supporter sans dommage des températures immédiatement supérieures à leur point de congélation. Nous pouvons citer les chrysanthèmes, les cyclamens, les tulipes, les pensées, les narcisses… Les végétaux modérément sensibles au froid, altérés à des températures inférieures à environ 2-7°C, le cas de certaines variétés de pois et de haricots. Les végétaux très sensibles au froid, qui présentent des troubles à des températures plus basses que 7-15°C. Parmi ceux-ci, on trouve de nombreuses plantes vertes (Begonia, Citrus, Dracaena, Dieffenbacchia, Ficus…) ou fleuries (Anthurium, Gloxinia, Saintpaulia, Hibiscus). Ces végétaux originaires de régions chaudes sont généralement des plantes d’intérieur qui ne supportent pas des courants d’air frais.

 

Boutons floraux du cognassier du Japon (Chaenomeles japonica) surpris par le gel © Arnaud Descat MAPLe froid, bénéfique pour la germination !

Au moment de leur récolte, les semences de nombreuses espèces de climats tempérés sont considérées comme « dormantes », car elles sont incapables de germer ou germent très difficilement dans des conditions apparemment favorables (températures proches de 15-20°C, oxygénation et humidité correctes du sol, lumière…). Cette inaptitude à la germination réside dans l’embryon lui-même (dormance qualifiée d’embryonnaire) ou des structures qui entourent l’embryon (inhibition tégumentaire).Dans les conditions naturelles, c’est le froid de l’hiver qui permet leur germination au printemps suivant, on parle alors de levée de dormance par le froid. La période hivernale peut être simulée par une incubation des graines en milieu humide (sable, tourbe, vermiculite…) à des températures proches de 3 à 6°C, pendant plusieurs semaines à quelques mois. Ce traitement est connu sous le nom de « stratification » par les horticulteurs et les forestiers.
Parmi les espèces présentant des graines dormantes, nous pouvons citer les rosacées et de nombreux arbres (conifères et feuillus) d’intérêt horticole. Ce besoin de froid est d’environ 30 à 90 jours pour la majorité des espèces (pommier, poirier, rosier, pin, sapin, noisetier, hêtre…) mais peut atteindre 120 à 180 jours pour l’églantier, le noyer, l’érable, le frêne et le sorbier…
 

 


Trois étapes successives…

En fait, les maladies du froid se développent en trois étapes successives : signal thermique, phase de latence et développement des symptômes. Le signal thermique, perçu au niveau des membranes cellulaires, modifie leurs propriétés biologiques. À l’exception des dommages survenant de façon très rapide sous l’effet d’un « choc froid », les conséquences nuisibles des basses températures non gelantes restent réversibles pendant quelque temps. Pendant cette période (période de latence), dont la durée est très variable selon les végétaux, aucun symptôme n’est visible, et un réchauffage au-dessus de la température critique rétablit un métabolisme normal et fait disparaître les troubles. La durée de cette période de latence peut varier de quelques heures (Saintpaulia, Gossypium, Episcia reptans) à quelques jours (maïs). Au delà de cette phase, les symptômes de la maladie (taches noires, brunissement superficiel ou interne, brunissement et chute des feuilles, chute des fleurs..) se développent de façon irréversible et très rapidement après le transfert des plantes à des températures plus élevées.
 

Touchées par le gel…

Le gel, qui entraîne la cristallisation de l’eau en glace, peut avoir des effets néfastes indirects en réduisant l’absorption d’eau par les racines ; les plantes meurent alors de « déshydratation » avant de mourir de « froid ». Il a aussi des effets directs dus à la formation de cristaux de glace dans les tissus à l’origine de la mort d’ilots cellulaires (taches brunes), la nécrose de bourgeons végétatifs ou floraux, la perforation des feuilles (pêcher, prunier) ou leur déformation (pommier), l’éclatement des tiges ou le décollement de l’épiderme des feuilles. Les arbres fruitiers, par exemple, sont très sensibles au gel au moment de la floraison, l’ovaire noircit et la fleur tombe. Toutefois, les cristaux de glace ne sont dangereux que s’ils se forment dans les cellules, or leur formation intracellulaire ou extracellulaire dépend de la vitesse de refroidissement. Lors d’un refroidissement lent (quelques degrés par heure), la glace se forme à l’extérieur des cellules, dans les espaces intercellulaires et est à l’origine de la sortie d’eau des cellules ; ce phénomène permet une augmentation de la concentration des solutés dans la cellule et donc de sa pression osmotique, ce qui abaisse le point de congélation et évite la formation de la glace intracellulaire. Au contraire, si l’abaissement de la température est rapide, les cristaux de glace se forment dans les cellules entraînant leur mort.
 

Se préparer pour l’hiver

Sous nos climats, la tolérance des végétaux aux températures négatives s’acquiert progressivement avant le froid hivernal. On parle d’endurcissement au gel. Ce phénomène est induit par les températures fraîches mais positives) de l’automne et du début de l’hiver. Ainsi, au printemps et en été, les plantes ne supportent pas en général des températures inférieures à -2°C ou à -4°C, alors qu’en hiver, la majorité des végétaux originaires des zones tempérées résistent à des températures inférieures à -10°C. En hiver, par exemple, les feuilles des graminées peuvent tolérer des températures aux environs de -15°C, alors que les aiguilles de sapin résistent à un froid de l’ordre de -20 à -35°C. L’endurcissement au gel est rapidement perdu dès l’élévation de la température à la fin de l’hiver. C’est pourquoi les gels de printemps, même s’ils sont de faible intensité, sont plus dangereux que les températures hivernales même très basses. Ce phénomène met en jeu différents mécanismes parmi lesquels l’enrichissement des lipides membranaires en acides gras polyinsaturés, qui améliore la fluidité des membranes, une augmentation des teneurs en sucres solubles (glucose, fructose, saccharose…) et en acides aminés, qui permet l’abaissement du point de congélation. La bonne connaissance de la réponse des végétaux aux températures basses permet de faire un choix raisonné des espèces à utiliser dans les jardins ou les espaces verts et de proposer des moyens de protection contre le froid (paillage). Il est aussi possible de placer les plantes à l’abri du froid dans des locaux frais ou légèrement chauffés pendant la durée de l’hiver (on parle alors d’hivernage). Les orangeries avaient cette fonction d’abriter et de préserver des espèces tropicales ou méditerranéennes sensibles.

Les feuilles d’azalée brunissent… ©Arnaud Descat / MAP

S’ENDURCIR AU GEL… QUELQUES EXCEPETIONS

Toutes les plantes ne peuvent pas s’endurcir au gel. Selon leur tolérance au gel, on peut distinguer :

-Des plantes sensibles au gel et qui sont incapables de s’endurcir. La majorité des plantes d’origine tropicale et les végétaux en croissance active font partie de ce groupe ;

-Des plantes moyennement résistantes au gel, comme de nombreuses espèces herbacées (pois, blé, colza, luzerne, haricot…) ;

-Des plantes très résistantes au gel (jusqu’à des températures de -60°C), parmi lesquelles des arbres (bouleau, chêne, hêtre, sapin, pin…).

 

2 thoughts on “Nos plantes face au froid : dégâts, résistance, tolérance…”

  1. Avez-vous un tableau indiquant à partir de quelle température chaque fleur gèle notamment les agapanthes et les lauriers roses?
    Merci
    Christian

  2. J ai une bute faite de cotonéasters depuis 1998 qui étaient magnifiques, or depuis le mois de mars je me suis aperçue qu’ils étaient devenus tous marrons et que les feuilles se réduisaient en poussière ,comme si ils étaient morts; ont ils gelés? ou bien il y a une nouvelle maladie?
    Si quelqu’un a une réponse?
    Je vous remercie
    Marie Ch

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