Montpellier et le Ginkgo biloba : un demi-siècle pour conclure un mariage !

Daniel Lejeune

Le Ginkgo biloba ou « abricotier d’argent », est  la seule espèce aujourd’hui vivante d’un groupe primitif de gymnospermes ayant vu leur apogée au Jurassique. Cette espèce est encore endémique en Chine mais tient une place importante dans les plantations japonaises et coréennes. C’est là qu’il fut d’abord décrit par Kaempfer en 1690.


Ginkgo biloba - © D. Lejeune

Ginkgo biloba - © D. Lejeune


Il fut introduit en Hollande avant 1727, date à laquelle un sujet existait dans le jardin botanique d’Utrecht, en Angleterre en 1754, puis de là, en France vers 1780, date à laquelle un collectionneur, M. De Petigny, aurait payé la somme de 25 guinées pour cinq sujets soit 4O écus d’or chacun. Nous connaissons en tout cas parfaitement les conditions de son arrivée à Montpellier, car en 1788, Auguste Broussonnet alors à Londres, envoya à Antoine Gouan[1] un jeune pied de cet arbre, qu’il devait à la générosité de sir Joseph Banks. Gouan le plaça dans son propre jardin, situé sur la colline du Peyrou et en préleva sept ans plus tard, une marcotte qui fut plantée au Jardin des Plantes et dont la croissance rattrapa bientôt celle du pied-mère. La mise à fleur de ces deux pieds eut lieu vers 1812 et permit de constater qu’ils appartenaient au sexe mâle. C’était le cas de tous les sujets alors connus, en France et en Angleterre. Pourtant, en 1814, De Candolle apprit qu’un sujet femelle existait en Suisse, près de Genève dans un parc appartenant à M. Gaussen. Cette information ne fut mise à profit qu’en 1830, date à laquelle le professeur Delile[2] s’entendit avec l’horticulteur Vialars, de la société d’horticulture de l’Hérault, pour en obtenir deux branches qui furent d’abord greffées sur de jeunes sujets puis, deux ans plus tard, placées directement sur les grosses branches du pied mâle adulte du Jardin des Plantes[3].


Le mariage avait attendu 50 ans mais le résultat ne se fit pas longtemps attendre et peu d’années après, M. Delille put envoyer des fruits (en fait des ovules) au Jardin des Plantes de Paris. Ayant également expédié des greffes et des boutures à Camuzet, chef des pépinières du Muséum ainsi qu’à Briot, jardinier en chef des pépinières de Trianon, un vieux sujet de Versailles fut greffé par les soins de ce dernier mais mit assez longtemps à fructifier puisque ce n’est qu’en 1853 que ses branches femelles donnèrent leur premier produit[4]. Cette technique de greffage de branches femelles se généralisa beaucoup dans les jardins botaniques où l’on est souvent surpris de constater une apparition printanière des feuilles décalée par rapport à l’ensemble de l’arbre.

 

Ginkgo biloba, feuilles et ovules - © D. Lejeune

Ginkgo biloba, feuilles et ovules - © D. Lejeune

 

Aujourd’hui, si l’intérêt botanique de cette aventure est avéré, si le goût des extrême-orientaux  pour les amandes grillées de Ginkgo semble évident[5], est-il besoin d’insister sur les désagréments olfactifs causés par les nombreux ovules fermentant au sol dans les jardins botaniques, mais aussi sur les trottoirs dont les plantations comportent bien souvent les deux sexes en mélange[6] !


[1] Directeur du jardin des plantes de Montpellier de 1794 à 1803.

[2] Alire Raffenau-Delile, directeur du jardin des plantes de Montpellier de 1819 à 1850

[3] Revue Horticole, 1836, p 295.

[4] Revue Horticole, 1854, p 5, article de Jacques, ancien jardinier en chef du domaine royal de Neuilly.

[5] Pour la petite histoire de l’expérimentation gastronomique, des amandes grillées de Ginkgo figuraient au menu du banquet 1911 de la Société d’Acclimatation organisé cette année-là au buffet de la gare de Lyon.

[6] Le désagrément provient de fermentations butyriques.

 

3 thoughts on “Montpellier et le Ginkgo biloba : un demi-siècle pour conclure un mariage !”

  1. J’ai un Ginkgo dans mon jardin qui a été greffé dans la première partie du 19 ième siècle et j’aimerais pouvoir une idée plus précise de son âge.Il est situé dans un endroit qui était une pépinière depuis le début des années 1800.La première photo (Pépinières Mulot)date des années 1920.En 1985,suite à un émondage intempestif de l’arbre,la greffe (1m.50 du sol)a été sciée par erreur.Curieusement une branche au niveau de la greffe est apparue en août 2013.
    Auriez vous l’âge du Ginkgo greffé du jardin des plantes de Paris?
    A l’avance merci, Monsieur, de votre réponse.
    Jacques Briant.

    1. Il semble, d’après mes documents, que le Ginkgo du jardin des plantes de Paris, ait été planté en 1850.
      Pour ce qui est de votre exemplaire personnel, en l’absence de documents historiques, il n’y a qu’une solution pour connaitre son âge : la tarière de Pressler, utilisée par les forestiers dans le même but : on prélève une carotte de bois sur laquelle on peut compter le nombre de cernes d’accroissement.

      D. Lejeune

  2. Bonjour à tous j’aimerais savoir comment obtenir du Ginko biloba bio à consommer, où en acheter, à qui demander et votre expérience en tant que consommateur s’il-vous-plaît.

    Merci de me contacter à l’adresses suivante nanax17@outlook.fr

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