Ligneux : les soins prophylactiques d’automne-hiver

Jérôme Jullien

L’automne-hiver se prête parfaitement au diagnostic, à l’assainissement et au rétablissement des arbres et arbustes mal en point. Ces mesures prophylactiques visent à limiter l’aggravation des dégâts constatés d’origine biotique ou abiotique.

Lorsque les soins sont réalisés correctement et à temps, le nombre d’interventions phytosanitaires s’en trouve réduit en période végétative.

Galerie d’insecte xylophage dans une branche d’érable  © J. Jullien
Sporophores de phellin des arbres fruitiers – Phellinus tuberculosus – sur tronc de Prunus cerasifera Nigra  © J. Jullien

Repérage sur le terrain

Le marquage des arbres et arbustes altérés en été, dans le but de leur apporter des soins hivernaux, est une opération bien connue des forestiers, des arboriculteurs fruitiers et des viticulteurs. Le même travail peut être réalisé dans un jardin arboré. Pour que ces marques résistent aux intempéries, on utilise de préférence une peinture arboricole en bombe (sans gaz propulseur polluant, sans métaux lourds, non salissante). Les arbustes sont plutôt étiquetés. Il en résulte un inventaire précis, idéalement géolocalisé sur un plan en papier ou sur un outil informatique grâce à la saisie de points GPS.

Poser le bon diagnostic

Pour intervenir au plus juste, un diagnostic fiable s’impose. Il porte sur l’état sanitaire et la résistance mécanique des parties ligneuses. Grâce à une observation attentive des ramifications, du tronc ou des tiges, puis du collet, on détecte les altérations de l’écorce et de l’aubier (blessure occasionnée par une tondeuse ou une voiture, gommose, suintement ou exsudat, encre noirâtre, pourriture, chancre, galerie d’insecte, morsure d’arthropode ou de vertébré…), des dépérisse­ments de rameaux ou de branches, ainsi que la présence de bioagresseurs (champignons lignivores, colonie de pucerons, encroûtement de cochenilles, touffe de gui…). Mais attention aux risques de confusion lors de l’examen visuel, par exemple entre un éclatement de tronc ou une ulcération parasitaire de l’écorce et le fendillement (châtaignier) ou la desquamation (bouleau, platane, cerisier, érable) qui sont des phénomènes naturels. Les matériels qui servent au diagnostic (jumelles pour scruter le houppier des grands arbres, loupe de poche 10x, serpette, tarière-sonde de Pressler pour prélever une carotte de bois…) facilitent la prise de décision et le type de soin à réaliser.

Blessure accidentelle au collet d’un arbre et bourrelet cicatriciel – © J. Jullien
Suppression d’une branche altérée sur un platane en fin d’hiver – © J. Jullien

Taille prophylactique : mode d’emploi

La suppression des rameaux et branches mortes ou altérées, appelé « taille prophylactique », est raisonnée et ciblée. Son objectif est de remédier aux conséquences des stress environ­nementaux (sécheresse, canicule, gélivures, impacts de grêle ou de foudre, vent violent…), des dégâts causés par les verté­brés déprédateurs (campagnols, lapin, ragondin, chevreuil…), de réduire les populations d’arthropodes nuisibles, ainsi que l’inoculum primaire des pathogènes. La taille prophylactique ne remplace ni la taille de formation ou d’entretien, ni l’émondage, ni l’élagage, mais les complète utilement. L’intervention a lieu une fois par an ou tous les deux ans, voire à une fréquence plus espacée, suivant les principes de gestion différenciée des parcs et jardins qui considèrent l’importance du lieu, sa fréquentation par les personnes, ainsi que la valeur des plantes : ornementale ou vivrière, patrimoniale (arbre remarquable, jardin historique), sociale, paysagère, foncière, urbanistique, utilitaire, climatique (arbre d’ombrage) ou écologique (enjeu de biodiversité).

Bonnes pratiques de prophylaxie

Chaque jardinier a intérêt à respecter les bonnes pratiques de chirurgie arboricole et de prophylaxie pour agir avec efficience. Voici quelques recommandations utiles :

  • Intervenez par temps sec, hors gel.
  • Utilisez des outils appropriés, bien affûtés. Réalisez des coupes franches et proscrivez les chicots.
  • Aseptisez les lames du matériel de taille avec de l’alcool à 70°, de l’eau javellisée à 2 % d’hypochlorite de sodium ou un biocide tel qu’Amphospray 41. Cette mesure prophylactique évite la propagation de nombreuses maladies et limite l’infection du bois après la taille.
  • Ramassez, compostez (à plus de 50 °C) ou incinérez les déchets de taille. Ne les stockez jamais à proximité du végétal soigné. Ils serviraient de réservoir à scolytes et à maladies du bois.
  • Évitez les grosses plaies qui constituent des voies de pénétration importantes pour les agents responsables de chancres, de pourritures et de maladies de dépérissement.
  • Privilégiez, quand cela est possible ou souhaitable*, une taille en pré-débourrement (février-mars) qui favorise la réitération. La plante répète ainsi tout ou partie de son architecture de base. De plus, à ce stade phénologique du végétal, de nombreux pathogènes sont incapables d’infec­ter les tissus. L’étanchéité de la plaie est assurée grâce à l’assise génératrice du cambium qui forme le bourrelet cicatriciel. Le bois mis à nu lors de la coupe est ainsi mieux protégé des maladies grâce à des barrières de comparti­mentation riches en substances inhibitrices qui isolent le bois néoformé de la partie plus ancienne. Comme le rappelle le dicton populaire : « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars. »
  • Dans certains cas (plante en mauvais état physiologique, plaie de taille supérieure à 10 cm de diamètre…), la for­mation rapide d’un tissu cicatriciel est plus aléatoire. Il est alors judicieux de protéger les sections avec un mastic arboricole d’origine naturelle (huile végétale, cire d’abeille, goudrons de pin…) pour constituer une écorce artificielle. Si ce baume cicatrisant n’a pas d’action antiparasitaire, pul­vérisez au préalable une bouillie bordelaise et mastiquez après séchage. Ce traitement peut également protéger les petites plaies de taille (moins de 1 cm de diamètre).
  • Après avoir soigné les blessures de l’écorce provoquées par un vertébré, pensez à appliquer un répulsif biologique à base de poivre, poudre de corne, huile de poisson, sable quartzeux…
  • Dès détection de galeries d’insectes xylophages (Lépidoptères : cossus gâte-bois, pyrale du tronc des pins, sésies, zeuzère….; Coléoptères : buprestes, capricornes, cryptorhynque du saule, scolytes, xylébore disparate…), supprimez les parties infestées. S’il s’agit du tronc, les soins ne sont souvent efficaces qu’en début d’attaque ou en cas d’infestation limitée, autrement l’assainissement est plus difficile. En présence d’une grosse larve (capricorne, cossus, zeuzère…), enfoncez dans la galerie une tige de cuivre ou un fil de fer souple pour la percer, puis mastiquez l’orifice.
  • Pour déloger des formes hivernantes de cochenilles encroû­tées dans les écorces d’un tronc ou de branches maîtresses, pulvérisez de l’eau à haute pression (entre 5 et 10 bars). Sinon, appliquez un insecticide biologique (huile de colza, de vaseline ou de paraffine). Ce traitement détruit aussi les pucerons et les œufs d’hiver de tétranyques.
  • Après un gel rude, dégagez les arbustes de leur manteau d’hiver par une belle journée ensoleillée pour les régénérer. Une besogne qui permet aux bourgeons camouflés sous le feuillage roussi et à la souche de repartir. Repérez les tiges atteintes et supprimez le bois mort. Mastiquez les écorces fendues avec un baume cicatrisant.

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