L’expertise des arbres

Raymond Durand

Pour mener à bien son travail, l’expert doit prendre en compte la différence entre un sujet ou plusieurs sujets groupés (bouquet ou clump) et un ensemble plus large comptant un nombre d’arbres relativement important (bosquet, alignement). Son approche ne sera pas tout à fait la même car la dendrosphère1 n’est pas identique dans les deux cas. L’expertise de ces deux modèles montre l’intérêt que prend la notion de peuplement ou de population. 

 

L’expertise des arbres isolés ou espacés les uns des autres

Dans ce premier cas, la dynamique du peuplement ou interactions entre les individus n’intervient pas ou peu, sauf s’il s’agit d’entités constituées de hauts et amples arbres, auquel cas nous revenons au second modèle. Les sujets sont soumis à des paramètres physiques, climatiques et environnementaux qui doivent être pris en compte lors de l’expertise, le cas le plus simple étant celui de l’arbre isolé. Les arbres-porte (binôme), les arbres-symboles en trio ou par quatre doivent faire l’objet d’une mûre réflexion avant de prendre une décision de suppression sachant que l’abattage de l’un d’eux peut entraîner la chute ou le bris des autres lors de coups de vent violents. Il est donc conseillé de situer l’arbre douteux par rapport à ses voisins et aux vents dominants et ce, compte tenu de l’environnement de proximité.
L’expertise doit concerner tous les arbres. Il est impensable, par exemple, de n’examiner que le sujet supposé moribond situé dans un clump. Ce point, très important, doit être précisé au propriétaire ou au gestionnaire. Ces précautions étant prises en compte, l’expert pourra ensuite s’aider de matériels plus ou moins sophistiqués pour parfaire son diagnostic2.

 

Un acte de malveillance, comme ce trou dans le tronc, conduit au dépérissement de l’arbre © D.R.

 

Des pressions intenses

Qu’ils soient dans le tissu urbain ou en milieu rural, les arbres sont soumis à des pressions anthropiques3 plus ou moins fortes, à des pressions climatiques qui peuvent être intenses, à des maladies relevant de la mycologie, à des attaques d’insectes ravageurs relevant de l’entomologie, à la synergie de plusieurs facteurs - cas de la graphiose des ormes - à des attaques faunistiques telles que celles dues aux rongeurs (campagnols), chiens, lièvres, lapins, chevreuils.
Dans un premier temps et dans le cas de sujets âgés, l’expert devra savoir différencier ce qui relève de la sénescence normale de ce qui relève du dépérissement dû aux maladies biotiques et abiotiques, les premières étant induites par des organismes vivants, les secondes résultant de stress aigus ou chroniques (ex. important déficit en eau sur plusieurs années, froid intense…). S’ajoutent les dépérissements consécutifs aux fuites de gaz, au sel, aux intrants, aux actes de malveillance. 

 

Un Séquoia géant en train de dépérir @ D.R.

Explorer la couronne

Nous n’insisterons pas sur les problèmes liés au vieillissement des arbres. Les séquences de certaines espèces sont décrites dans bon nombre d’ouvrages traitant de l’architecture des végétaux tempérés4. Ces étapes doivent être connues de l’expert pour ne pas être confondues avec un déficit en eau ou que sais-je encore.
Une fois les données environnementales consignées, l’expert examinera en détail chaque arbre en utilisant, si besoin, une nacelle pour explorer la couronne. Il est préférable d’effectuer le diagnostic intéressant les insectes courant mai-juin et celui concernant les champignons pathogènes à l’automne, bien que des cultures en laboratoire puissent parfaire l’identification tout au long de l’année. Hormis les dessèchements de branches dus à la vieillesse de l’arbre, les dépérissements observés à l’apex et en périphérie de couronne sont généralement liés à des problèmes racinaires, à une attaque d’insectes, à des champignons ou une modification importante de l’environnement consécutive à des travaux, quelquefois très éloignés de l’emplacement de l’arbre. Les attaques de chenilles, scolytes, pucerons et cochenilles sont faciles à identifier au printemps. Les arbres isolés ou en bouquets sont généralement plus sensibles aux insectes que les sujets en peuplement. L’expert n’oubliera pas d’examiner les branches, notamment les tailles anciennes et les insertions des grosses branches charpentières.

 

 

 

Tronc et collet

Après la couronne, l’expertise portera sur le tronc afin de déceler éventuellement tout décollement d’écorce, des trous sous le point d’insertion des branches et sur la totalité du tronc, des champignons, des gélivures, des fentes dues à la foudre (arbres isolés), des méplats, des traces d’actes de malveillance.
Le collet et la base du tronc sont les points les plus sensibles que l’expert devra explorer. Toute inclinaison d’un arbre peut être un indice de dégradation du système racinaire. Certains champignons tels que les armillaires (Armillaria mellea et A. ostyae) induisent des pourritures périphériques tuant l’arbre rapidement tandis que les ganodermes et l’haplopore du Frêne (Ganoderma lipsiense, G. resinaceum, Perenniporia fraxinea) engendrent une pourriture du bois de cœur ou duramen, ne conduisant pas l’arbre à la mort tout en le rendant très dangereux. Bref, l’expert doit avoir un solide bagage en mycologie, en écologie et pédologie, ainsi qu’en entomologie !

 

L’expertise des arbres en peuplement et en alignement

Les arbres formant des bosquets et des alignements doivent être examinés de façon systématique à partir d’un diamètre de 20 ou 30 cm. Les observations seront du même type que pour les arbres isolés mais il s’agira, cette fois, de prendre en compte la concurrence et la dynamique des boisements (cas des bosquets) afin d’éviter de créer des trouées et de causer des chablis (chutes d’arbres). La décision de supprimer ou non un ou plusieurs arbres est très importante. Il est quelquefois préférable de conserver un arbre malade (sauf contagion possible ou dangerosité) que de le supprimer avec les risques mentionnés plus haut. Il s’agit de mettre en application les principes préconisés par les forestiers afin de bien gérer dans le temps et dans l’espace des populations d’arbres. L’expertise des unités d’arbres exige de bien connaître l’autécologie des espèces végétales ligneuses. A titre d’exemple, une plantation de pins sous feuillus sera un échec assuré dès les premières années, sachant que les pins sont des espèces de pleine lumière.

 

1. Mise en évidence d’un dépérissement d’un Érable plane © D.R.
2. Fomes fomentarius sur tilleul © D.R

 

Phellinus robustus sur chêne © D.R.

Pression urbaine

Dans le tissu urbain et en bords de routes, les arbres d’alignement sont soumis à des pressions telles que leur durée de vie s’en trouve impactée. Sans parler des tailles souvent injustifiées, les arbres connaissent une modification profonde de leur ambiance par rapport aux conditions d’élevage. Les sols sont souvent chimiquement pauvres, tassés, traités, salés. Quant aux arbres eux-mêmes, ils sont soumis à des dégradations d’origine anthropique (blessures de voiture et/ou d’engins de chantier, graffiti, désherbants, sel, acétone, etc.). L’effet thermique et l’arrosage peuvent conduire à d’importants dégâts sur les jeunes plants. Ce sont tous ces points que l’expert doit prendre en compte … sans parler des surprises tels que des dégâts causés par les termites !

 

 

À lire…

DURAND, R. Guide de diagnostic et traitements : champignons des arbres et du bois - Les principaux pathogènes. Éditions de l’Écluse, Châtillon-Coligny, 2008.

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Ensemble des paramètres environnementaux et intrinsèques à l’arbre.

[2] Pour les outils de l’expert, se reporter à l’article de Pierre Aversenq et à l’encadré de Claire Atger dans ce dossier.

[3] Pression exercée par l’homme et/ou ses activités.

[4] Voir l’article de Daniel Lejeune dans ce dossier.

 

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4 thoughts on “L’expertise des arbres”

  1. Ce sont des bonnes informations sur les arbres ! J’ai toujours aimé les arbres mais je n’ai jamais su comment les soigner. Dans l’article, vous avez dit « dans le tissu urbain et en bords de routes, les arbres d’alignement sont soumis à des pressions telles que leur durée de vie s’en trouve impactée. » Je ne le savais pas ! Donc, est-ce qu’il y a des choses qu’on peut faire pour prolonger la durée de vie des arbres ?

  2. Les arbres situés en bordure des routes et dans les villes subissent, malheureusement, des tailles trop sévères, bien souvent injustifiées et qui, de plus, ne respectent pas les « règles de l’art ». Pour garder sains nos arbres urbains et d’alignement il est nécessaire de pratiquer de bonnes tailles ou mieux encore : ne pas les tailler ! Un arbre doit être conduit dans sa jeunesse afin d’acquérir sa silhouette définitive. Les mauvaises coupes induisent des pathologies actives (pourritures) néfastes aux arbres (risque de bris de branches, caries, ……). En conclusion, il est recommandé de pratiquer des tailles douces et de bannir toute coupe drastique.

    1. Bonjour,
      Aviez-vous eu une répose à votre demande d’expertise?
      A votre disposition pour en discuter au besoin.
      Bien à vous,
      David HAPPE
      Expert arboriste

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