Les sauges vivaces de l’arboretum de Versailles-Chèvreloup

L’arboretum de Versailles-Chèvreloup (78) compte une collection de sauges vivaces colorées dont certaines peuvent s’utiliser en infusion ou en sirop. Décoratives, mellifères ou aromatiques, voici quels sont leurs atouts.

Les sauges de la collection de l’Arboretum de Versailles-Chèvreloup sont bouturées tous les ans, pour renouveler la collection existante et fleurir les parterres du Jardin des Plantes de Paris. Sur cette photo, il s’agit de boutures de têtes effectuées en Janvier 2021, et cultivées en godets de 8 x 8 x 8 cm © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Mars 2021

Qu’est-ce qu’une sauge vivace ?

Le genre Salvia (famille des Lamiaceae), réparti dans les régions tropicales et subtropicales, comprend environ 900 espèces à cycle de végétation annuel (1*), bisannuel (2*) ou vivace (3*). Chez certaines sauges vivaces, l’appareil végétatif (branches et tiges) se lignifie (4*) : on parle alors de sauges arbustives. Leur culture est aisée en pot comme en pleine terre ; il est cependant nécessaire de leur offrir un substrat drainant. Tolérant même les sols calcaires, pourvu qu’ils soient légers et fertiles, leurs racines ne doivent jamais baigner de manière prolongée dans l’eau. Pour la plupart résistantes à de courtes périodes sèches, les sauges vivaces constituent une note colorée, olfactive et mellifère au jardin et s’épanouissent en situations mi-ombragées à très lumineuses, si le soleil n’est pas trop direct. Elles se plaisent plus volontiers dans des régions aux hivers doux : cependant, en situation abritée et sèche, beaucoup tolèrent des températures basses, voire légèrement négatives. En pot, il est
prudent de les hiverner sous abri ou de les rentrer en intérieur. En pleine terre, elles supporteront une taille de structure automnale, un paillis généreux à leur pied, ainsi qu’un voile d’hivernage lors des périodes de gel. Certaines peuvent disparaître complètement par grand froid, mais repartent du pied lorsque les températures deviennent plus clémentes.

 

Les sauges à l’arboretum de Versailles-Chevreloup

Parmi les collections botaniques et horticoles cultivées à l’arboretum de Versailles-Chèvreloup (5*) (78), le secteur horticole du site abrite, sous serres, une modeste collection de sauges vivaces, pour la majorité originaires d’Amérique Centrale et du Sud. Une fois par an, de mai à octobre, plusieurs d’entre elles sont plantées dans les parterres du Jardin des Plantes de Paris (MNHN) et s’associent aux massifs estivaux pour créer des compositions audacieuses et colorées. Environ 60 espèces différentes sont ainsi multipliées, rempotées et cultivées tout au long de l’année dans ce but, à Chèvreloup, où les floraisons à teintes violettes, rouges, bleues et roses, les feuillages aromatiques et les ports insolites de cette collection sont légion. Toutes possèdent des particularités. En voici quatre, parmi mes favorites : Salvia discolor (indigo foncé/noire), Salvia elegans (rouge), Salvia macrophylla (bleue) et Salvia puberula x univerticillata (magenta).

Salvia discolor Kunth. (sauge du Pérou, sauge cassis)
D’origine péruvienne, cette sauge botanique (6*) pousse au sommet des plateaux des Andes, autour de 1 000 mètres d’altitude. De croissance rapide, elle possède un port buissonnant, étalé, au point d’être parfois qualifiée de « semi-grimpante ». Son feuillage ovale persistant, duveteux, vert sur le dessus et blanc argenté sur le dessous, dégage un parfum de cassis. Ses fleurs, aux calices argentés et aux pétales indigo foncé à noirs, possèdent le même parfum. Légèrement rustique (7*) (- 5 °C), elle nécessite un sol riche, bien drainé, ainsi qu’un arrosage modéré car elle supporte très mal les excès d’eau. Mellifère, décorative, cette sauge possède d’autres atouts : ses hampes florales sont adhésives et la prémunissent des attaques des pucerons. De plus, ses fleurs et ses feuilles sont comestibles. Les corolles décorent salades, glaces et desserts et se consomment telles quelles. Les feuilles sont délicieuses en infusion : avec seulement trois dans du lait chaud par exemple, un subtil parfum de cassis est assuré.

Salvia elegans Vahl (sauge du Mexique, sauge ananas)
Caduque à semi-persistante, au port buissonnant, elle se rencontre de plus en plus en culture. C’est une sauge botanique, d’origine mexicaine et guatémaltèque, qui pousse en forêts de moyenne altitude. Ses tiges velues et quadrangulaires ont un aspect renflé étonnant. Ses feuilles vertes, rêches au toucher, sentent l’ananas. Les fleurs, d’un rouge écarlate, portées par des hampes florales en épis dressés, sont également très parfumées. Elle se plaît dans tous les types de sols et peut résister en deçà de – 8 °C si l’arrosage hivernal reste modéré. Simple à cultiver, adaptée pour les débutants, je la recommande : elle est mellifère et particulièrement décorative, grâce à ses nombreux épis floraux. Ses feuilles sont comestibles et excellentes en sirop : portez à ébullition une centaine de feuilles (environ 50 grammes) dans 20 centilitres d’eau, avec 200 grammes de sucre, pendant dix minutes. Laissez refroidir puis placez au réfrigérateur 24 heures. Le lendemain, filtrez la préparation et consommez à l’envie : le sirop se conserve un mois.

Salvia macrophylla Benth. (sauge à grandes feuilles)
Peu répandue en culture, cette sauge botanique est originaire de régions qui s’étendent du sud-ouest de la Colombie à la Bolivie occidentale. Elle forme de hauts buissons caducs à semi-persistants, aux tiges érigées et glanduleuses, qui sécrètent un mucilage collant et aromatique singulier. Les feuilles hastées (8*), lâches, très grandes (20 x 15 cm), sont esthétiques, vert sombre sur la face supérieure et rose pourpré sur la face inférieure. Elle grandit vite, tolère les températures fraîches et se plaît dans tous les types de sols. Je l’appelle affectueusement la « sauge attrape-mouches » : pucerons, thrips, aleurodes, etc. les ravageurs s’engluent sur ses tiges, un atout ! Dans un jardin, son feuillage bicolore et l’azur de ses fleurs colorent les massifs, où elle s’épanouit davantage qu’en pot du fait de sa croissance très rapide.

Salvia puberula Fernald x Salvia univerticillata ramamoorthy ex Klitg. (sauge hybride « bouton de rose »)
Elle appartient au groupe des sauges hybrides interspécifiques (9*) « Roseleaf Sage » (« Feuille de Rose »), qui réunit des espèces originaires du Mexique, de grande taille, aux floraisons tubulaires renflées, dont l’hybridation naturelle est courante. Ce groupe comprend, entre autres, Salvia involucrata, Salvia karwinskii, Salvia puberula, Salvia pulchella, Salvia univerticillata, Salvia wagneriana et leurs cultivars respectifs.

Salvia puberula x univerticillata, détails du port (plant âgé de 2 ans), de la floraison et du feuillage © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Novembre-Décembre 2019
Salvia puberula x univerticillata, détails du port (plant âgé de 2 ans), de la floraison et du feuillage © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Novembre-Décembre 2019
Salvia puberula x univerticillata, détails du port (plant âgé de 2 ans), de la floraison et du feuillage © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Novembre-Décembre 2019
Salvia puberula x univerticillata, détails du port (plant âgé de 2 ans), de la floraison et du feuillage © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Novembre-Décembre 2019

Avec un port haut et dressé, aux tiges et pétioles rosés, au feuillage cordé (10*), vert tendre et brillant, veiné de rose sur la face inférieure, Salvia puberula x univerticillata hérite de ses parents sa floraison touffue et généreuse. Elle apprécie les arrosages fréquents en période de fortes chaleurs et supporte le froid sec jusqu’à – 8 °C. Elle tient son appellation de « Rosebud Hybrid Sage » du bouton terminal aux nuances crème/rose veinées de vert qui se forme lors de la floraison, incarnant son atout majeur. Il faut compter environ un mois entre son apparition et son épanouissement complet, mais cette attente est récompensée d’une spectaculaire métamorphose : une chatoyante hampe apparaît, découvrant progressivement de nombreuses fleurs tubulaires rose-magenta.

Salvia puberula x univerticillata, détails du port (plant âgé de 2 ans), de la floraison et du feuillage © L.-M. Dumargne, M.N.H.N, Novembre- Décembre 2019

Très mellifères, ses fleurs, surmontées d’un toupet duveteux, qui apparaissent tardivement à la fin de l’automne, se détachent sur son feuillage clair et illuminent les massifs de mi-ombre.

Lise-Margot Dumargne
Muséum national d’Histoire naturelle, arboretum de Chèvreloup

(1*) Annuel : la plante germe, fleurit et meurt en un an.
(2*) Bisannuel : la plante germe et émet des feuilles la première
année, fleurit et meurt l’année suivante.
(3*) Vivace : la plante effectue son cycle de vie sur plusieurs années
mais fleurit tous les ans.
(4*) Se lignifier : former du bois, s’aoûter.
(5*) Site en région du Museum national d’Histoire naturelle de Paris
(MNHN), Rocquencourt (Yvelines).
(6*) Botanique : sauvage.
(7*) Rusticité : résistance au froid.
(8*) Hasté : en forme de pointe de flèche.
(9*) Interspécifique : croisement naturel entre deux espèces.
(10*) Cordé : en forme de coeur.