Les plantes carnivores

Depuis des siècles, les plantes carnivores stimulent l’imaginaire humain. Découvertes au milieu du XVIIIe siècle, il n’a pas fallu attendre longtemps pour s’en rendre compte. Dès 1874, un canular journalistique américain montre un arbre anthropophage, à Madagascar, friand de jeunes femmes. Quelques années auront été nécessaires pour que cette supercherie soit mise au grand jour. Depuis, romans, films, bandes dessinées et jeux vidéo reprennent ce mythe de la plante carnivore mangeuse d’hommes. En sont-elles capables ? Clairement non.

Qu’est-ce qu’une plante carnivore ?

Au fil du temps, des plantes de milieu très pauvre ont dû s’adapter pour pouvoir survivre. Cette évolution s’est faite sur des milliers d’années, ce qui a permis à certaines d’entre elles de pouvoir subsister en capturant des insectes et, ainsi, de compenser les manques en azote et en minéraux des sols dans lesquelles elles poussent. Souvent imaginées tropicales, les plantes carnivores sont présentes sur tous les continents. Regroupées en sept familles et treize genres, il en existe aujourd’hui plus de 700 espèces, et l’on continue d’en découvrir régulièrement, ce qui laisse penser que leur nombre va encore croître, mais pour combien de temps ? Le réchauffement climatique, couplé aux pollutions et à l’expansion agricole, leur sera fatal car plus de 80 % de ces merveilleux végétaux poussent dans des zones humides (tourbières, falaises suintantes, landes…).

Pour faire partie de la grande famille des plantes carnivores, il faut obligatoirement réunir au moins ces trois critères : attirer, capturer, assimiler sa proie. Les mécanismes d’attraction jouent un rôle déterminant dans la carnivorité végétale. Dans l’impossibilité de se déplacer, ces plantes ont développé toute une série de dispositifs olfactifs et visuels pour attirer les insectes. Les attracteurs olfactifs sont essentiellement diffusés sous forme de nectar, émis au niveau de l’ouverture des pièges. Souvent sucré et totalement inodore pour l’être humain, il est redoutable pour les insectes. Il a pour but de les attirer et de les « étourdir ».

Les attracteurs visuels, à l’instar des autres plantes dans un but de pollinisation, présentent généralement des couleurs vives, voire des ultraviolets. L’insecte se retrouve sur le piège, son temps est compté. Chaque genre a développé sa propre méthode de capture. Du piège actif qui se referme en moins d’une demi-seconde (Dionaea muscipula), au piège « semi-actif » qui englue sa proie et s’enroule autour d’elle en 24 heures pour mieux la digérer (Drosera, Pinguicula…), en passant par le piège passif, suffisamment élaboré pour que l’insecte se retrouve au fond d’une ascidie sans que la plante ait eu le moindre effort à fournir (Sarracenia, Nepenthes…).

Arbre anthropophage
Arbre anthropophage : de tels canulars existent depuis le XIXe siècle ! © D.R/L
Mouche digérée dans un piège
Une mouche digérée dans un piège de Dionaea muscipula © Pépinière Carniflore

L’insecte est piégé, la plante se lèche les babines. Une fois que le piège a fonctionné, et dans le souci de ne pas dépenser d’énergie inutilement, la plante va attendre de sentir ce qu’il se passe. C’est le mouvement de l’insecte à l’intérieur du piège qui va déclencher la libération d’enzymes digestives qui vont le rendre soluble, donc assimilable, et bénéfique à son hôte. Certaines plantes utilisent des bactéries ou des larves de moustique présentes dans leurs pièges pour digérer les insectes et bénéficier de cette prédigestion pour pouvoir absorber leur dîner.

Les plantes carnivores capturent essentiellement des insectes, ce qui pourrait laisser penser que le vrai terme à utiliser pour les qualifier serait plantes insectivores. Mais certaines d’entre elles capturent parfois d’autres proies. Les utriculaires et Genlisea capturent dans leurs pièges souterrains des micro-organismes ou des planctons, les Sarracenia des petits gastéropodes, les pièges de la Dionaea peuvent se refermer sur des araignées, voire des petits lézards, et le Nepenthes a déjà capturé des batraciens et des petits mammifères. C’est bien plus le fruit du hasard qui amène ces proies exceptionnelles à se retrouver piégées qu’une véritable attraction de la plante. À chacun de se faire son idée.

Cultiver une plante carnivore : elle se plaît en milieu pauvre !

Les plantes carnivores poussent sur tous les continents et peuvent, au sein d’une même espèce, avoir des conditions de culture totalement opposées. On ne cultive pas un Drosera rotundifolia qui pousse dans une tourbière bretonne comme un Drosera pulchella qui pousse dans un sol sableux du sud-ouest de l’Australie. Avant de se lancer dans la culture d’une plante carnivore, il faut connaître son origine géographique, les températures qu’elle supporte, l’exposition lumineuse, son substrat, et son arrosage. Ce dernier point est crucial dans la culture de ces végétaux, qui doit se faire uniquement à l’eau de pluie, déminéralisée, ou osmosée. Une eau trop riche leur sera néfaste à plus ou moins long terme. Tout apport de matière organique est à proscrire et tout engrais leur est fatal. Plus le milieu de culture est pauvre, plus elles se plaisent !

Pour une culture en intérieur, les plantes d’origine tropicale, voire subtropicale, seront plus adaptées. On retrouve les Nepenthes, longues lianes pourvues de pièges, les Drosera de l’hémisphère sud ou les Heliamphora originaires des tepuys vénézuéliens. Une culture en terrarium est souvent bénéfique pour leur apporter un taux d’hygrométrie suffisant. Pour une culture extérieure sous nos contrées, les plantes de l’hémisphère nord seront parfaites. Originaires d’Europe (Drosera, Pinguicula, Utriculaire), d’Asie ou d’Amérique du Nord (Sarracenia, Drosera Utriculaire), elles résistent souvent en deçà des -15 °C et se plaisent soit en pot, soit dans une tourbière artificielle en plein soleil. La plupart des plantes carnivores de l’hémisphère nord connaissent une période de repos végétatif en hiver. Cultiver une plante carnivore est très simple, si l’on respecte ses besoins.

Quelle plante choisir pour débuter ?

Dionaea
Dionaea, un « miracle de la nature » selon le naturaliste suédois Carl von Linné © Pépinière Carniflore

Sarracenia

La culture du Sarracenia est extérieure. Originaire d’une zone allant du sud-est des États-Unis jusqu’au Canada, il supporte des températures jusqu’à -15 °C. Le Sarracenia est une plante érigée, offrant des feuilles (pièges) pouvant atteindre 80-90 cm. Ses fleurs, encore méconnues, sont éblouissantes en début de printemps. Il demandera la même culture que la Dionaea, un substrat de tourbe blonde et de perlite, la tête au soleil et les pieds dans l’eau. Il existe plusieurs espèces et variétés, et de nombreux hybrides naturels et horticoles de Sarracenia ayant chacun leurs spécificités (formes, couleurs, saisons de croissance), mais de même culture et s’associant parfaitement.

Nepenthes x gaya
Nepenthes x gaya présente, au bout de ses feuilles, un petit cordon qui soutient le piège en forme d'urne © Pépinière Carniflore

Drosera

Drosera est une plante à glu qui colle ses proies. Il existe plus de 170 espèces de Drosera à travers le monde. Le Drosera capensis, originaire d’Afrique du Sud, est l’un des plus tolérants à la culture. D’une hauteur d’une dizaine de centimètres, il peut se cultiver en intérieur, près d’une fenêtre pour bénéficier d’une très bonne luminosité, voire en plein soleil dans un substrat composé de tourbe blonde (60 %) et de perlite (40 %), un quart du pot baignant dans l’eau en permanence. En été, il offrira une très jolie floraison de petites fleurs mauves disposées en cascade.

 

 

Matthieu Jehanne – contact@carniflore.com
Pépinière Carniflore

Dionaea muscipula

Si vous voulez vous émerveiller devant le « miracle de la nature » comme le disait le naturaliste suédois Carl von Linné à propos de la Dionaea, nous vous conseillons une culture extérieure. Originaire de Caroline du Nord, aux États-Unis, la Dionaea résiste à des températures négatives de l’ordre de -8 °C. Plante prostrée d’un diamètre d’une dizaine de centimètres, elle se plaît dans un substrat composé de tourbe blonde, de sphaigne (70 %) et de perlite (30 %).

Une exposition en plein soleil et un pot toujours immergé sur un tiers de sa hauteur vous permettront de la cultiver pendant des années. Mais attention, il ne faut surtout pas s’amuser à la nourrir ou à fermer ses pièges, elle ne le supporterait malheureusement pas.

Sarracenia
Sarracenia offre des fleurs, encore méconnues, éblouissantes en début de printemps © Pépinière Carniflore

Nepenthes

Très apprécié des lords anglais au XIXe siècle pour garnir leurs serres chauffées, le Nepenthes se cultive en intérieur. Pour débuter, les hybrides horticoles et, en particulier, le Nepenthes x ventrata est idéal, car très tolérant.

Originaire du sud-est asiatique en général, c’est une liane pouvant mesurer plusieurs mètres. Au bout de ses feuilles, un petit cordon soutient le piège en forme d’urne.

En plus d’une exposition lumineuse, en évitant le plein soleil aux heures les plus chaudes, il a besoin d’un substrat très drainant composé de sphaigne (40 %), de perlite (40 %) et de tourbe blonde (20 %) par exemple.

Ce substrat sera maintenu humide sans eau stagnante au niveau des racines, car il aime les atmosphères humides. Il peut se cultiver au milieu de vos orchidées tropicales, à condition qu’il ne reçoive pas d’engrais.

Le Drosera capensis
Le Drosera capensis, originaire d’Afrique du Sud, d’une hauteur d’une dizaine de centimètres, offrira en été une très jolie floraison de petites fleurs mauves disposées en cascade © Pépinière Carniflore