Le chia : la petite graine qui connaît un grand boom

Avant les années 1990, qui d’entre nous connaissait le chia, aux lointaines origines aztèques ? Cette petite graine, particulièrement riche en oméga-3, s’invite maintenant sur tous les marchés. En France, on est passé très vite de l’importation à la production. Grâce à la mise au point d’une variété cultivable sous nos latitudes, une filière est née : Chia de France. On lui promet un bel avenir.

Plante de la famille des sauges, le chia, de son nom latin Salvia hispanica, trouve ses origines au Mexique et se cultive depuis des millénaires, principalement en Amérique du Sud. Dans l’Empire aztèque, les graines de chia, petites et de couleur blanche ou noire, étaient un aliment de base, consommées moulues, après avoir été grillées.

Une richesse incroyable en oméga-3

Sa culture a été un peu oubliée. Dans les années 1990, elle a été redécouverte par une équipe de botanistes, en Argentine, étonnés par son incroyable richesse en oméga-3, un acide gras essentiel trop rare dans l’alimentation occidentale. Grâce à un projet régional, des sélectionneurs ont pu se pencher sur cette incroyable espèce. Une entreprise américaine, Core Naturals LLC, décide de déposer un brevet pour la variété Salba. La culture se développe rapidement, d’abord au Pérou puis aux États-Unis et en Australie. Les graines sont exportées dans le monde entier. On estime que la production mondiale actuelle est proche des 320 000 tonnes. Près de 80 % des cultures sont concentrées en Amérique du Sud, car cette plante sensible aux gelées apprécie les climats tropicaux et subtropicaux. En Europe, l’Allemagne et les Pays-Bas en sont les plus gros importateurs. Les nutritionnistes ne tarissent pas d’éloges sur les bienfaits de cette petite graine. Un règlement de 1997 autorise les graines de chia en tant qu’alicament ou ingrédient alimentaire sur tout le territoire de l’Union européenne. Et en 2009, la Commission européenne décide qu’elles peuvent être utilisées dans les produits de boulangerie, à raison d’une teneur maximale de 5 %.

MONCA, LA GRAINE DE CHIA MADE IN LAURAGAIS

La start-up Grain a été créée en 2020 dans le Lauragais (Occitanie) par deux frères, Jean-François et Stéphane Monod. La société propose une production locale, avec des agriculteurs « partenaires », et commercialise leurs graines directement auprès des distributeurs et transformateurs.

Le chia, cultivable sous nos latitudes

Au nord de Toulouse, la société franco-chilienne Panam Semences se lance pour défi d’acclimater de manière naturelle cette espèce à l’usage des agriculteurs français. Plus de dix ans de sélection généalogique ont été nécessaires pour mettre au point la variété Oruro, cultivable sous nos latitudes. Oruro est à fleurs bleues et à graines grises. Un vrai succès ! Son obtenteur obtient l’autorisation de mise en marché en mars 2016. Dès 2017, une centaine de producteurs en France vont se mettre à cultiver le chia, selon les méthodes de l’agriculture durable, ou en culture biologique. En 2020, ils sont environ 200, et le total des surfaces avoisinera les 1 000 hectares en 2021. Une filière a été créée en 2017, sous le nom « Chia de France ». Treize coopératives sont aujourd’hui partenaires. Toutes les semences de chia Oruro sont certifiées par le Service officiel de contrôle et de certification (Soc) et par Biocert. Elles sont distribuées gratuitement aux agriculteurs qui se lancent dans cette production. La zone de culture s’étend jusque dans l’est de la France. La commercialisation est assurée en particulier par la société Agrofün, basée à Villemur-sur-Tarn, avec la marque « Tchia

La culture de chia est facile, économe en intrants, bénéfique pour les abeilles. Et ses débouchés sont assurés. Une bonne idée pour diversifier son assolement! © Chia de France

La mise en place de « Chia de France » est un bel exemple de diversification réussie. C’est pour mieux maîtriser l’ensemble de la chaîne de production que Agrofün a décidé d’investir, en 2020, dans une nouvelle ligne complète de triage, séchage et conditionnement. Cette nouvelle ligne est la toute première spécialisée dans le triage de l’espèce chia en Europe, avec une capacité de plus de 1 000 tonnes par an. À plus long terme, il est prévu de concevoir une unité de transformation de la graine. Cela facilitera la fabrication de l’huile et de la farine de chia, ces deux matières premières à très forte valeur ajoutée.

Une culture facile et économe en intrants

La filière « Chia de France » revendique une production éthique et engagée, avec une traçabilité garantie. La variété Oruro a la particularité d’être très précoce. Elle peut être semée en mai ou fin avril, et récoltée à la mi-septembre ou début octobre. La floraison commence en juillet et se prolonge en août. Lorsque les pétales des fleurs tombent, cela traduit la maturité des graines, qui deviennent bonnes à récolter. La culture résiste bien aux épisodes de sécheresse. Elle demeure peu sensible aux maladies et aux attaques de parasites. La graine de chia compte bien encore nous étonner. Les travaux de sélection continuent. La société Panam Semences annonce l’arrivée prochaine d’une nouvelle variété, à fleurs blanches, un peu plus précoce qu’Oruro. Elle pourrait être lancée sur le marché en 2022. Parallèlement à la sélection, le chia a fait l’objet de recherches pionnières multi-domaines sur les nombreuses applications qu’offre cette petite graine. D’immenses progrès ont été obtenus sur le mode de présentation de la graine (graine entière, poudre, farine, huile…) pour la commercialisation. Enfin, la filière Chia de France est fière d’avoir créé en 2018 sa propre fondation, avec un objectif plus qu’honorable : soutenir la recherche sur les oméga-3 et leur impact sur la nutrition et la santé humaine.

Associaton Chia de France 2020 © Chia de France

 

Laure Gry
Ingénieur agronome, membre du comité de rédaction de Jardins de France

UN CONCENTRÉ EN OMÉGA-3 POUR CETTE « GRAINE DES DIEUX »

Depuis l’âge précolombien, le chia (prononcer « tchia »), est appelé la « Graine des dieux ». Ce mot, qui nous vient directement des Mayas, pourrait avoir pour étymologie « chiyan » qui désigne la sauge Salvia hispanica. Il signifie « force », « énergie » dans la langue des Mayas. Les Aztèques utilisaient déjà ces graines pour apporter de la vitalité aux personnes fatiguées.

Après l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique, cette espèce a été abandonnée. Mais on n’a jamais oublié ses vertus. Sa redécouverte s’est faite dans les années 1990, d’abord en Argentine et dans l’ensemble de sa région d’origine. Le chia se distingue par une teneur exceptionnelle en acides gras oméga-3. En particulier, en acide alphalinolénique (ALA), qui est qualifié « d’essentiel », les autres acides gras pouvant être synthétisés par le corps à partir de l’ALA. On trouve également les oméga-3 dans le lin, le chanvre… ou dans la chair de poisson, mais en quantité beaucoup moins concentrée. Le rapport oméga-3 sur oméga-6 du chia est très favorable (on sait que l’excès d’acides oméga-6 est à éviter). Selon une étude de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation), la population européenne est carencée en oméga-3 depuis plusieurs générations, et cette déficience serait la principale cause des maladies neurodé-génératives.

En effet, ces oméga-3 participent à la construction et au maintien des neurones. En plus des oméga-3, la graine de chia est riche en fibres, qui favorisent la digestion, et en protéines, notamment en acides aminés essentiels. Parmi les minéraux, on peut souligner la forte teneur en magnésium, manganèse, calcium, phosphore notamment, sans oublier les vitamines E, B1 ou bien encore B3. Naturellement sans gluten, une farine à base de graines de chia représente un fort intérêt pour les personnes suivant un régime sans gluten.