Le café « arabica » : origine et variétés

Le café est la boisson stimulante la plus consommée, avec de nouveaux pays qui s’y adonnent, comme le Japon et la Chine. Source de bien-être, d’inspiration et de convivialité, le café, bu en quantités modérées, contribue à la santé des consommateurs (1).

Des fruits de café arabica © Gaurav_Dhwaj_Khadka CC by 4.0

La production de l’or brun

Les caféiers sont des arbres fruitiers pérennes (vingt à cinquante ans en culture) cultivés dans plus de 70 pays tropicaux, par 12,5 millions de producteurs, en majorité de petits paysans. Ils appartiennent à deux espèces du genre Coffea adaptées à des écologies différentes : C. arabica en zones tropicales humides d’altitude (800 à 2 000 mètres) pour le café « arabica » et C. canephora en basse altitude pour le café « robusta ». Ils représentent respectivement 60 et 40 % de la production mondiale actuelle (170 millions de sacs de 60 kg en 2018-2019) avec deux pays leaders : le Brésil pour l’arabica et le Vietnam pour le robusta. Ces deux cafés se différencient par leurs profils organoleptiques.

Aux origines de l’arabica

L’origine éthiopienne du caféier arabica est aujourd’hui bien établie. Traditionnellement, les Oromos mâchent le fruit (boun) et boivent le qishr, une décoction d’enveloppes et de pulpe du fruit. Les incertitudes historiques sur son origine résulteraient des légendes et de sa diffusion à partir du Yémen, d’où son nom botanique (caféier d’Arabie). L’usage du café arabica est attesté aux XIVe et XVe siècles dans son centre d’origine (Éthiopie) et au Yémen, où les moines Soufis ont été les premiers à consommer du qahwa. On attribue aux Arabes sa torréfaction et sa diffusion vers les villes du Proche Orient (d’Aden à Istanbul). Au XVIIe siècle, les échanges commerciaux avec l’Empire ottoman ont favorisé son importation en Europe et sa dégustation dans les salons et maisons du café. Ainsi, Jean de Laroque (1716) a rapporté, dans Voyage de l’Arabie heureuse, l’arrivée du café en France, à Marseille en 1644.

 

Figure n° 1 : Migrations fondatrices de la culture du caféier arabica dans le monde © A. Charrier.

Une expansion mondiale semée d’embûches

L’expansion mondiale du café arabica aux XVIIIe et XIXe siècles est associée aux empires coloniaux des nations européennes, à leurs compagnies maritimes et à l’esclavage. Les voies de la dispersion mondiale de la culture de C. arabica, à partir du centre secondaire yéménite sont bien documentées (Figure n° 1). En bref, les caféiers arabica d’Asie, d’Amérique et d’Afrique ont pour origine un nombre limité de génotypes acquis au Yémen par les Hollandais pour Java en 1690 (var. Typica) et par les Français pour l’île Bourbon (la Réunion) en 1715 (var. Bourbon). Les zones de production sur des fronts pionniers ont évolué au gré des politiques des colonisateurs, des attaques parasitaires dévastatrices et des accidents climatiques. Ainsi, l’épidémie de rouille orangée apparue à Ceylan en 1869 a entraîné l’abandon de la culture de l’arabica au profit des théiers et, dans d’autres pays d’Asie, la mise en culture du robusta. Un siècle plus tard, la rouille orangée a atteint le Brésil et s’est répandue, depuis 1970, dans tous les pays d’Amérique latine, avec une incidence forte dans les années 2010. Ces problèmes sanitaires et climatiques sont amplifiés avec le changement climatique de ce début de XXIe siècle et constituent une source d’inquiétude pour l’industrie du café.

La diversité des variétés d’arabica

C. arabica, la seule espèce polyploïde du genre (2n = 44 chromosomes), est autofertile. L’autogamie prédominante (5 à 15 % seulement de fécondation croisée) résulte de son mode de pollinisation mixte, entomophile et anémophile. Au cours de la dernière décennie, le séquençage des génomes des caféiers a été un enjeu international majeur (2). Il a permis de dater la formation récente (50 000 ans) de cette espèce allotétraploïde EaEaCaCa, par l’hybridation de génomes diploïdes proches de C. eugenioïdes (E femelle) et C. canephora (C).

En Éthiopie, on peut encore observer les différentes étapes de la domestication : des caféiers sauvages vivant dans les sous-bois des forêts d’altitude naturelles ou aménagées du Sud-Ouest et leur culture, dans les jardins et plantations familiales(1*) (Figure n° 2). Par sélection, de nombreux cultivars à adaptation locale sont promus dans ce pays pour la production de cafés-terroir réputés (Sidamo, Yirgachefe, Harar). Les études du polymorphisme des marqueurs génétiques et de séquences ont confirmé la diversité et la différenciation des caféiers éthiopiens par rapport aux variétés exploitées à l’échelle mondiale dont la base génétique étroite est due à l’effet de fondation des origines ‘Typica’ et ‘Bourbon’.

 

Des vagues successives de création variétale(1)

Depuis le début du XXe siècle, la sélection des variétés a démarré selon les méthodologies classiques pour une plante autogame (sélection massale et généalogique) et a produit en vingt à trente ans une première vague de variétés-lignées, plus ou moins fixées et vulgarisées par graines. Ces variétés traditionnelles sont issues des origines Bourbon (‘SL28’ au Kenya), Typica (‘Blue Mountain’ de Jamaique ; ‘Kent’ en Inde) et de leurs croisements (‘Mundo Novo’ et ‘Catuai’ au Brésil). S’y ajoutent des mutants naturels repérés dans les plantations : ‘Bourbon’ à fruits jaunes (‘Amarelo’), ‘Maragogipe’ à grands fruits ; ‘Caturra’ de port nain et à entre-noeuds courts, très utilisé dans les plantations à haute densité, ‘Laurina’ (Bourbon pointu) à teneur réduite en caféine… Sur le plan variétal, les standards de qualité du marché font référence à de tels cultivars traditionnels recherchés pour leurs cafés fruités et aromatiques (Geisha, Bourbon…) et aux variétés courantes d’Amérique latine (‘Mundo novo’, ‘Catuai’). Ces variétés sensibles aux maladies restent encore largement cultivées. Pour les plantations sur des sols infestés de nématodes, des variétés porte-greffes de l’espèce C. canephora sont utilisées (Guatemala et Brésil).

Figure n° 3 : Fructification de Catimor dans la province chinoise du Yunnan © A. Charrier

 

La sélection de variétés résistantes (deuxième vague) est alors devenue prioritaire, en particulier depuis l’expansion de la rouille en Amérique latine. Différentes équipes ont exploité des gènes de résistance issus d’autres Coffea (C. liberica, C. canephora) avec un succès limité. La recherche portugaise a mobilisé une source de résistance totale, l’‘Hibrido de Timor’ résultant de l’introgression naturelle de C. canephora dans C. arabica. Par croisement avec des variétés traditionnelles, des lignées résistantes et productives dénommées ‘Catimors’ et ‘Sarchimors’ ont intéressé les paysans et sont déployées en Amérique (‘Marsellesa®’ au Nicaragua, ‘Castillo®’ multilignée en Colombie). Certaines s’avèrent mieux adaptées au climat et à la pression parasitaire des zones marginales de culture de l’arabica en Asie du Sud-Est (Figure n° 3). En revanche, elles ont du mal à s’imposer auprès de l’industrie par rapport aux cafés standards du marché. De plus, leur résistance est progressivement contournée par de nouvelles races du pathogène, en particulier dans les pays pratiquant une caféiculture monovariétale.

Récemment, la voie hybride a été explorée (troisième vague). Sous l’impulsion des chercheurs français (Cirad, IRD), l’importante diversité des caféiers d’Éthiopie en collection a été mobilisée en croisement avec les variétés classiques (3). D’obtention plus rapide, différents hybrides F1 commencent à être déployés en Amérique centrale (‘Centroamericano’, H3). Le principal verrou à leur diffusion est lié à la capacité de production de plants à un coût abordable pour les petits caféiculteurs. Le Cirad a développé au Nicaragua un prototype pour la multiplication clonale de masse par embryogenèse somatique et microbouturage.

Une alternative pour reproduire ces hybrides F1 par graines serait l’exploitation d’une lignée mâle stérile génique. ‘Starmaya’ est le premier hybride ainsi multiplié. Ces hybrides manifestent une forte vigueur et combinent des caractères de résistance aux maladies et de qualité du café. Les principaux pays producteurs d’arabica se lancent dans cette innovation au vu des productions enregistrées en culture sans ombrage (+ 30 %) et en systèmes agroforestiers (+ 30 à 50 %).

 

André Charrier
Professeur honoraire à Montpellier SupAgro, membre de l’Académie d’Agriculture de France

 

POUR EN SAVOIR PLUS

(1) Bertrand B., Charrier A & Lashermes P (eds) Avancées et perspectives de la recherche internationale sur le café. Cah Agric. 2012 ; 21(2-3) : 214p.

(2) Lashermes P. & Combes MC. Diversity and Genome Evolution in Coffee. In Burleigh Dodds Science Publishing, 2018 : 3-20

(3) Van der Vossen H.A.M., Bertrand B. & Charrier A. Next Generation Variety Development for Sustainable Production of Arabica Coffee. Euphytica. 2015 ; 204 : 243-56