L’amélioration des variétés de légumes pour la résistance aux parasites

Jean-Noël Plagès

Les plantes comme tous les êtres vivants peuvent présenter des désordres dont les causes sont d’origine très variée. Ils peuvent être d’ordre physiologique, dus à des carences en éléments minéraux, à un manque ou un excès d’eau, à un manque ou un excès de lumière et parfois à des substances pulvérisées qui sont toxiques au développement de la plante (hormones notamment). Ils peuvent être aussi d’origine parasitaire, provoqués par des champignons, des virus, des bactéries mais aussi par des insectes (pucerons, mouches, chenilles pour les plus visibles mais aussi acariens, cochenilles). Ces parasites peuvent provenir du sol (parasites telluriques) ou de l’air ambiant (parasites aériens).

Tomates résistantes mildiou - © J.-N. PlagèsPour les combattre, le jardinier amateur dispose de plusieurs solutions : traitements à l’aide de produits chimiques (à utiliser avec précaution), à l’aide de produits pour l’agriculture biologique (souvent à efficacité réduite) ; utilisation de variétés adaptées aux conditions environnementales et disposant de résistances génétiques à différents parasites. Pour limiter les problèmes, le jardinier amateur doit en outre semer des variétés adaptées à son sol, à son climat et à ses conditions de culture. L’observation minutieuse de la croissance des plantes permet de diagnostiquer le désordre et de réagir à temps pour modifier l’état de la plante. Lorsqu’il s’agit de symptômes liés à un parasite, une observation précise des dégâts permet de diagnostiquer le type de parasite incriminé. De nombreux parasites attaquent une large gamme d’espèces de légumes (ils sont polyphages). Afin de limiter les traitements phytosanitaires, la création de variétés résistantes s’est développée au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Dès la fin des années 1950, les sélectionneurs ont introduit des résistances aux champignons du milieu aérien ou du sol. Puis les connaissances sur la biologie des parasites aidant, la création de variétés résistantes ou tolérantes aux virus, aux bactéries et aux insectes, a élargi la gamme des variétés résistantes cultivables aujourd’hui. Parmi nos espèces potagères cultivées, certaines sont très attaquées (tomate plus de 280 bio-agresseurs identifiés à ce jour), d’autres un peu moins et quelques-unes très peu. Certains champignons sont spécifiques d’une espèce de plante et n’attaquent pas les autres (espèces immunes). Un grand nombre de parasites se développent aussi sur les plantes sauvages adventices d’où la nécessité de les éliminer très tôt dans la culture.

 

Où trouve-t-on les gènes de résistance ?

Chez les légumes, l’introduction de résistances a démarré avec le développement de la parasitologie et notamment la phytopathologie, la virologie et la bactériologie. Pour introduire des résistances génétiques dans les variétés, il est primordial de bien connaitre le parasite, sa reproduction, sa transmission, ses conditions d’infestation et son développement dans la plante. De même, l’améliorateur doit connaitre le comportement du matériel végétal (espèces et variétés très sensibles, peu sensibles, un peu résistantes ou très résistantes). Ce matériel végétal peut être d’origine diverse : espèces et variétés cultivées, mais aussi espèces sauvages apparentées se croisant sexuellement car il sera nécessaire de réaliser des hybridations entre la variété sensible et la variété résistante. Les gènes de résistance peuvent donc exister dans des variétés cultivées : melon résistant au Fusarium, (champignon du sol) ; laitue résistante au blanc dû au Bremia, (champignon aérien). Ils peuvent aussi provenir d’espèces sauvages apparentées à l’espèce cultivée. Dans l’un ou l’autre cas, les méthodes d’introduction des gènes de résistances sont identiques mais le processus est beaucoup plus long lorsque les gènes à introduire proviennent d’espèces sauvages : Tomate, laitue, melon, etc… L’introduction de résistances peut se faire par différentes techniques : sélection de résistants dans une population d’individus, croisements sexués entre une variété sensible et un parent résistant et par mutation. Il est impératif de connaître l’hérédité du ou des gènes à introduire afin de trier efficacement dans les descendances. Ce tri s’effectue après infection par le parasite (pulvérisation de spores[1], trempage de jeunes plantules dans un milieu contenant le parasite). Si l’inoculation artificielle du parasite est maîtrisée, le tri peut alors se faire en milieu contrôlé (serres, enceintes climatisées, phytotrons). Dans le cas contraire, la solution consiste à réaliser une plantation en conditions favorables au parasite. Dans ce cas, la réussite est plus aléatoire et les contrôles doivent être plus nombreux, rendant ainsi plus long le temps de création d’une variété résistante.
 

Quelques exemples

 
Les premiers melons résistants à un champignon du sol, le Fusarium.

Au début des années 1960, l’observation de cultures de melons « cantaloup charentais » dans la région de Cavaillon a mis en évidence un problème sanitaire. Au milieu d’une culture bien verte, l’apparition de zones de plantes desséchées a attiré l’œil du producteur qui a fait appel au pathologiste. L’analyse a montré que les vaisseaux étaient obstrués par le mycélium d’un champignon du sol, bloquant ainsi la circulation de la sève et provoquant la mort des plantes. En prélevant des plantes dans les zones encore vertes, le sélectionneur a mis en évidence une hétérogénéité dans les descendances de melons et a découvert un gène de résistance au champignon. En sélectionnant dans la descendance pendant plusieurs générations, il a pu créer une variété résistante. C’est l’origine de la variété Védrantais. Mais d’autres races virulentes du champignon sont apparues par la suite. Pour créer des variétés résistantes, le sélectionneur a dû faire appel à d’autres types de melons plus ou moins éloignés du type « cantaloup charentais ». C’est par croisements successifs qu’il a pu créer une variété de melon résistante à plusieurs races du parasite, à d’autres parasites et de type « cantaloup charentais ». Il est donc impératif pour le sélectionneur de disposer d’un matériel végétal vaste et diversifié qui sera la source de gènes de résistance aux parasites. Ce matériel végétal dit « Ressource génétique » doit être disponible pour le sélectionneur et doit donc être conservé dans des conditions rigoureuses notamment pour maintenir les caractères de résistance. Ainsi, en utilisant ces variétés résistantes, le producteur n’a plus besoin de traiter le sol contre ce champignon. Même pour le jardinier amateur, l’utilisation de variétés résistantes est l’assurance d’éradiquer de son sol, ce parasite et d’avoir une culture de melons saine.

"Melon Cantaloup Charentais" - © J.-N. PlagèsFusarium melon - © J.-N. Plagès


[1] Spore : organe de reproduction des champignons.



 

Tomates - © J.-N. PlagèsAutre exemple : La Tomate
L’étude de l’origine de la tomate cultivée a mis en évidence les espèces sauvages de la Cordillère des Andes. Dans les 9 espèces retenues, des gènes de résistance à des parasites (champignons, virus, bactéries et nématodes) ont été mis en évidence par les chercheurs. A partir de croisements plus ou moins faciles à réaliser, l’introduction de ces gènes a permis la création de variétés résistantes au Fusarium, au Verticillium, au Phytophthora, et à bien d’autres parasites (Travaux français de H. Latterot, INRA Avignon, en partie). La création de variétés résistantes s’est rapidement développée. Les variétés modernes disposent de nombreuses résistances totales ou partielles. Certaines variétés cumulent jusqu’à 12 gènes de résistance. Ces travaux ont été rendus possible parce que l’étude et la conservation des espèces sauvages ont été réalisées de façon systématique et rigoureuse(travaux de C.M. Rick Université de Davies Californie).

 

Quelques espèces sauvages utilisées

TOMATE

Les espèces sauvages se sont révélées porteuses de nombreux gènes de résistance :
- Lycopersicum pimpinellifolium, tomate groseille des Andes, a apporté la résistance à la verticilliose, à la fusariose, à la cladosporiose, au Stemphylium, au Pseudomonas syringae (bactérie), à un virus, à d’autres bactéries.
- Lycopersicum peruvianum : résistance à la fusariose, à la cladosporiose, au virus de la mosaïque du tabac, à un nématode du sol, au virus de l’enroulement foliaire, au virus de la maladie bronzée.
- Lycopersicum hirsutum : résistance à la cladosporiose, à l’oïdium, à un champignon du sol, à un champignon aérien, au virus de la mosaïque du tabac et à une bactérie causant des dégâts importants car transmise par les semences.
- Lycopersicum cheesmanii : résistance à un insecte, une mineuse des feuilles.

Lycopersicum peruvianum - © J.-N. PlagèsLycopersicum cheesmanii - © N. Dorion

MELON

Etant donné la diversité génétique de l’espèce, Cucumis melo L., la majorité les gènes de résistance proviennent de l’espèce cultivée et de son ancêtre sauvage C. melo L. subspecies agrestis Naudin.

 

LAITUE

Des gènes de résistance au Bremia ont été découverts chez la laitue sauvage des talus et bords de champ : Lactuca serriola L.. L’introduction de résistance s’est trouvée facilitée par la compatibilité sexuelle avec la laitue cultivée. Avec l’espèce Lactuca virosa L., c’est la résistance au puceron des racines qui a été introduite. Ce travail d’introduction a été long et difficile car cette espèce sauvage n’est pas compatible sexuellement avec la laitue cultivée. L’utilisation de Lactuca serriola comme espèce-pont[2] a permis le transfert.

Lactuca serriola - © J.-N. PlagèsLactuca virosa - © J.-N. Plagès

Conclusions

Avec ces quelques exemples, nous mesurons l’importance de la diversité des espèces et de sa conservation. En effet, les bio-agresseurs sont de plus en plus nombreux. Les gènes de résistance déjà introduits ne confèrent pas toujours une protection sur le long terme. Certains sont très stables comme le gène Are de résistance à l’anthracnose du haricot, toujours efficace depuis les années 1960. D’autres subissent les assauts de mutants du parasite. On observe alors de nombreuses souches ou races du parasite (exemples du Bremia de la laitue, du Fusarium du melon ou du Phytophthora (mildiou) de la tomate) qui surmontent le ou les gènes déjà introduits.

Cependant, il ne faut pas oublier que les conditions de culture (excès d’azote, excès d’eau, mauvaise aération de la plante, présence d’adventices, etc…) sont le premier maillon de la chaîne pour lutter contre les agresseurs de toutes sortes. Le sol et l’environnement aérien de la plante sont des réservoirs potentiels de maladies et ils doivent donc être surveillés en permanence. Ne dit-on pas « Mieux vaut prévenir que guérir » ou  « Plutôt que de combattre, il faut éviter d’attraper ».



[2] Espèce-pont : espèce qui a servi d’intermédiaire dans les croisements, 1er croisement : L. virosa x L. serriola ; 2e croisement : hybride précédent x Laitue cultivée.

janvier-février 2013

 

2 thoughts on “L’amélioration des variétés de légumes pour la résistance aux parasites”

  1. Bonjour;
    Nous somme en culture de tomate bio en serre.
    Nous avons une partie de la serre qui est infectée par le verticillium.

    Je vous demande de bien vouloir m’aider a trouver un solution.

    Cordialement

    1. Bonjour,
      nous vous conseillons de soumettre votre problématique sur HortiQuid, notre service de réponses aux questions de jardiniers par des experts.
      Excellente journée à vous et bonne lecture sur jardinsdefrance.org !

      Sophie Royné pour Jardins de France

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