La santé et le bien-être passent par les astéracées

Si les Labiées (sauges, menthes…) sont bien connues, les Composées le sont moins mais offrent cependant une variété de plantes dont on peut faire des infusions, des décoctions, des macérations, des extraits aqueux ou hydroalcooliques à usage médicinal. À l’exception de quelques cas rares (tussilage, absinthe, séneçon) leur usage en automédication ne présente pas de risque particulier. Pour des usages internes, les Composées nous offrent des plantes bien utiles pour la digestion et pour soulager le foie.

 

Les camomilles

Sous le nom de camomille, on peut trouver plusieurs plantes aux propriétés assez voisines. Le nom de camomille, issu du grec Khamaimelon puis du latin chamaemelon, littéralement « pomme de terre », pourrait être dû au fait que les capitules présentent une légère odeur de pomme.

On peut en distinguer trois.
La camomille noble, ou camomille romaine, Chamaemelum nobile (L.) All. ou Anthemis nobilis L. est une vivace. La forme cultivée, admise à la pharmacopée, est à fleurs doubles, donnant de jolis pompons blancs. La multiplication se fait par division des marcottes naturelles. Introduite en Anjou à la suite de la crise phylloxérique, elle fait la renommée de la région de Chemillé (1*).

La camomille allemande ou matricaire, Matricaria chamomilla L. C’est une annuelle dans le cortège des messicoles, mellifère, remarquable par ses capitules jaunes en cônes très prononcés bordés de fleurs ligulées blanches. Elle est cultivée surtout en Allemagne, en Hongrie et en Pologne mais aussi en France pour l’herboristerie et la production d’huile essentielle.

La grande camomille Tanacetum parthenium (L.) Schultz-Bip. ou Chrysanthemum parthenium Bernh. Elle est bisannuelle à pérenne. Ses capitules blancs assez plats montrent des fleurs tubulées jaunes au centre. Elle est remarquable par la forte odeur qu’elle dégage. (il existe une variété ornementale à fleurs doubles). D’origine méditerranéenne, elle était très prisée au Moyen-Âge comme fébrifuge, d’où son nom anglais de Feverfew.

Camomille romaine et camomille allemande contiennent des flavonoïdes et une huile essentielle de couleur bleue très sensible à la lumière et riche en chamazulène. La grande camomille est caractérisée par des lactones sesquiterpéniques. Tous ces composés confèrent aux camomilles des propriétés antispasmodiques (2*), stimulantes, digestives, à conseiller sous forme d’infusion, en mélange avec de la menthe si le goût déplaît. La grande camomille sera plutôt conseillée comme antispasmodique et emménagogue (3*).

 

Artichaut, pissenlit, chardon marie, de bonnes tisanes pour le foie

Trois Composées, l’artichaut, le pissenlit et le chardon marie (Cynara scolymus L., Taraxacum dens-leonis Derf. Silybum marianum Geartn.), sont riches en divers composés aux propriétés proches, par exemple, inuline chez le pissenlit et silybine chez le chardon marie. Ce sont de bons hépatoprotecteurs cholérétiques (4*) et cholagogues (5*). De nombreuses préparations hydroalcooliques sont disponibles en pharmacies ou magasins spécialisés.

 

Les armoises

Le genre Artemisia, particulièrement riche, se compose de 522 espèces concentrées dans les zones arides de l’hémisphère nord. Toutes offrent des composés aromatiques puissants qui expliquent leurs nombreux usages médicinaux. On peut caractériser les armoises par le fait qu’elles contiennent des huiles essentielles dont la dominante est l’amertume. On les utilise en liquoristerie.

Grande et petite absinthe Artemisia absinthium L. et Artemisia pontica L. sont caractérisées par un principe amer. Par distillation d’alcool, dans lequel ont macéré absinthes et diverses autres plantes telles qu’anis et fenouil, on obtient une liqueur qui, coupée d’eau constitue une boisson apéritive.

On peut aussi, par macération des absinthes dans du vin, obtenir des vermouths, spécialité d’origine bavaroise qui s’est ensuite développée en Italie, surtout avec la petite absinthe. La grande absinthe contient un autre principe actif, la thuyone, qui est un poison pour le système nerveux. Boisson à la mode au XIXe siècle, elle fut prisée de certains artistes. Interdite en France en 1915, elle est réapparue en 1988 sous le nom d’Absente en utilisant des absinthes à faible teneur en thuyone.

L’Aurone Artemisia abrotanum L. (armoise citronnelle, arquebuse) est très proche des armoises mais avec un goût plus citronné. Elle entre dans la composition de liqueurs dont une célèbre, digestive, en Haute Provence.

USAGES EXTERNES ET COSMÉTIQUES DES ASTÉRACÉES

Il est possible d’utiliser, sans danger et avec des efficacités bien reconnues pour des usages « externes et cosmétiques », certaines astéracées.

Le Calendula, souci des jardins Calendula officinalis L., riche en saponosides et flavonoïdes, est recommandé pour ses propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes. Il faut préférer les variétés à fleurs doubles, type King (ci-contre en haut).

Le Bleuet, messicole emblématique Centaurea cyanus L., contient des flavonoïdes et des anthocyanosides anti-inflammatoires. Il est recommandé en ophtalmologie (ci-contre au milieu).

L’ArnicaArnica montana L., plante bien connue des prairies d’altitude, est sur la liste des plantes protégées dans certaines régions. La récolte des fleurs est donc réglementée. Sa teneur en flavonoïdes et lactones sesquiterpéniques lui vaut sa réputation de plante résolutive et vulnéraire. Les extraits alcooliques sous forme de teinture sont anti-ecchymoses (ci-contre en bas). Sa culture étant délicate, l’arnica des montagnes est parfois remplacée par une autre espèce, Arnica chamissonis Less., dite des plaines, venue d’Amérique du Nord, avec des propriétés similaires.
On trouve aussi dans le commerce des extraits d’une arnica du Mexique, Heterotheca inuloïdes, aux propriétés également anti-inflammatoires.

Le Millefeuille ou herbe aux charpentiers, Achillea millefolium L., contient une huile essentielle, l’azulène, à l’odeur particulière, lui conférant des propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes, prisées des métiers manuels (charpentiers par exemple).

La Bardane Arctium majus Bernh. a été remarquée par la teneur particulière de ses racines en polyynes qui lui confèrent des propriétés dépuratives utiles dans certaines maladies de peau.

La Matricaire ou camomille allemande, Matricaria chamomilla L, est couramment employée en usage externe dans les préparations capillaires destinées à éclaircir la nuance des cheveux.

Les genépis

On désigne sous le nom générique de « genépi » plusieurs petites armoises des montagnes, souvent soyeuses, qui ont la particularité de pousser en haute altitude (de 1 800 à 3 200 mètres selon les espèces) sur les éboulis et les moraines glaciaires des Alpes et des Pyrénées.

Les genépis sont un emblème des Alpes, au même titre que l’edelweiss, une autre Composée. Connues des montagnards depuis fort longtemps comme panacée, ce sont surtout les liqueurs digestives ou apéritives qui sont renommées aujourd’hui, en particulier la Bénédictine et les Chartreuses.

Les sommités fleuries sont récoltées en été par des ramasseurs professionnels selon une réglementation précise et ne doivent pas être arrachées. Certaines espèces sont protégées, compte tenu de leur rareté. On distingue Artemisia eriantha Ten, le genépi laineux, Artemisia genepi Weber, le genépi noir, le plus aromatique mais rare, Artemisia glacialis L, le genépi des glaciers, le plus commun, Artemisia umbelliformis Lam, le genépi blanc, le seul qui s’adapte à une plus basse altitude et qui peut être cultivé en Italie.

Compte tenu de la rareté des genépis, il est possible de rencontrer des liqueurs falsifiées avec des plantes plus fréquentes, aussi aromatiques et poussant dans les mêmes milieux. Ce sont aussi des Composées : Achillea herbarotta All. et Achillea nana L.

 

Autres utilisations

Dans le domaine médical, un principe actif, l’artémisinine, extraite de certaines variétés d’armoise annuelle, Artemisia annua L., entre dans des combinaisons thérapeutiques recommandées par l’OMS pour traiter le paludisme non compliqué. Du point de vue horticole, certains genres vivaces sont remarquables et doivent être conseillés pour compléter des massifs de plantes aromatiques souvent limités aux Labiées : petite absinthe, aurone, camomille romaine, grande camomille, tanaisie (Tanacetum vulgare), menthe coq (Tanacetum
balsamita).

Michel Cambornac
Ethnobotaniste, membre du conseil scientifique de la SNHF

 

(1*) https://www.jardinsdefrance.org/category/les-numeros/simples-et-aromatiques-le-bien-etre-a-cultiver/
(2*) Antispasmodique: qui combat les spasmes, les convulsions.
(3*) Emménagogue: qui provoque ou favorise l’écoulement menstruel.
(4*) Cholérétique: qui augmente la sécrétion de la bile.
(5*) Cholagogue: qui aide à évacuer la bile.t

UNE ARMOISE À PART: L’ESTRAGON

© N. Dorion

Originaire du sud de la Russie et de l’Asie centrale, l’estragon, Artemisia dracunculus L. est une plante vivace connue des Arabes et des Perses dès le XIe siècle. Il n’arrive en Europe qu’au XVIe siècle.

La Quintinie en parle comme d’une fourniture parfumée. Lorsqu’on le mâche, il provoque une sensation particulière d’insensibilisation de la langue, comme le font aussi les brèdes mafanes, ou cresson de Para (Spilanthes oleracea L.), une composée d’Amazonie.

Il est particulièrement associé aux salades de tomates et utilisé pour parfumer les sauces (béarnaise), les vins et les vinaigres.