La protection juridique des obtentions végétales

Bernard Le Buanec

Les horticulteurs ont été pionniers dans la défense des droits de l’obtenteur. Aux États-Unis, Luther Burbank, « l’inventeur » de la fameuse pomme de terre « Burbank » a été un ardent promoteur de ces droits. Son action a abouti à l’adoption du Plant Patent Act en 1930, autorisant la protection par brevets de variétés végétales mais excluant les plantes à propagation sexuée ou, ironie de l’histoire, par tubercule. Le législateur craignait alors un effet négatif sur les productions alimentaires.

En France, c’est Francis Meilland qui effectue une action décisive. Habitué des États-Unis, où il avait fait breveter des roses, il publie son catalogue en septembre 1948. Il y indique que le droit de reproduction de toutes les nouveautés est réservé et que tout ordre d’achat implique l’acceptation de cette clause sans réserve. Cependant, il réalise trop tard que cette mention est illégale, car il n’existe pas de loi de protection des roses en France ni dans toute l’Europe. Il entreprend alors une longue procédure juridique et un brevet lui est accordé, en 1951, pour une rose, dont la dénomination variétale est Rim 1020 et dont la marque déposée est Rouge Meilland.

Ces deux exemples illustrent les difficultés rencontrées par les obtenteurs pour protéger leurs variétés, malgré l’adoption de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dès 1883. Il y est précisé que « Les mots Propriété Industrielle doivent être entendu dans leur acception la plus large […] incluant les produits de l’agriculture ».

À gauche : Étiquetage d’un rosier en jardinerie – À droite : Étiquette à la roseraie du Muséum d’histoire naturelle. Baccara et Escimo sont des noms
protégés par une marque, Meidebenne et Kormifari sont, eux, des noms protégés par COV par les obtenteurs Meilland et Kordes. – © N. Dorion

Protéger les variétés végétales par brevet : pas si facile !

Malgré ces succès initiaux, les difficultés pour protéger les variétés végétales par brevet subsistent, notamment en Europe1, en particulier du fait d’une divulgation insuffisante. En effet, pour qu’un brevet soit délivré, il est nécessaire que les caractéristiques de l’invention apparaissent de façon suffisamment claire pour que l’homme du métier puisse comprendre l’invention et grâce, aux informations communiquées, puisse la reproduire. Or, lorsque l’on croise deux parents, on n’est jamais certain d’obtenir exactement la même descendance. Ainsi, en Europe, la brevetabilité des variétés végétales est interdite.

À partir des années 1950, les sélectionneurs, regroupés au sein de l’Assinsel2 (Association internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales) créée en 1938, font valoir leurs aspirations légitimes et sont à l’origine de la Conférence diplomatique de 1957-1961 qui aboutit à la première Convention de l’Upov (Union pour la protection des obtentions végétales) en 1961. La Communauté internationale des obtenteurs de plantes ornementales et fruitières à reproduction asexuée, la Ciopora, fondée par un groupe de rosiéristes début 1961, participe également aux travaux de la Convention. L’acte de 1961 de la Convention Upov a été modifié en 1972, 1978 et 1991 et c’est l’acte de 1991 qui s’applique aujourd’hui.

1 Les droits de propriétés industrielles sont territoriaux et varient d’un pays à l’autre. Dans la suite de cet article, nous nous concentrerons sur la situation européenne.

2 En 2002, l’Assinsel a fusionné avec la Fédération internationale du commerce des semences (FIS) pour former l’International Seed Federation (ISF).

L’acte de 1991 et le COV

Cet acte de 1991 dispose qu’une variété de tous les genres et espèces végétaux peut obtenir une protection dans la mesure où elle est nouvelle, distincte, suffisamment homogène et stable. Ce sont les caractères bien connus sous le sigle DHS. Quand une variété a été reconnue possédant ces caractères, elle obtient un certificat d’obtention végétale, le COV. Elle doit également être désignée sous une dénomination variétale. Lorsque le COV a été obtenu, l’autorisation de l’obtenteur est requise pour les différentes opérations de production et de commercialisation de la variété protégée. Cette autorisation est généralement liée à un paiement de royalties. En revanche, l’utilisation de la variété protégée dans des programmes de sélection est libre de droit et il n’y a donc pas appropriation de la diversité génétique. Il est aussi important de noter que le droit de l’obtenteur ne s’applique pas aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales, c’est-à-dire qu’un jardinier amateur peut, pour son usage personnel, multiplier et produire des variétés protégées.

Par ailleurs, il faut noter que la protection obtenue par COV est territoriale et ne s’applique qu’aux pays dans lesquels elle a été demandée. Le COV européen protège dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. La durée de protection est variable selon les pays. En Europe, elle est de trente ans pour les arbres et la vigne et de vingt-cinq ans pour les autres espèces à partir de l’octroi de la protection.

La protection dans le domaine horticole

Dans le domaine horticole, les espèces potagères sont en général protégées seulement par COV. En revanche, pour les espèces ornementales, il arrive fréquemment que les obtenteurs ajoutent à la protection par COV une protection par marque commerciale. Cette protection relève également du droit de la propriété intellectuelle. Elle dure tout le temps que son détenteur paye les droits afférents. Il n’y a donc pas de durée limitée comme pour le COV. Cependant, si une variété est commercialisée sous une marque commerciale protégée et si elle n’a pas de COV, sa multiplication et sa commercialisation sont possibles par des tiers qui n’utilisent pas cette marque. La bonne solution est donc de demander une protection par COV et d’y ajouter une marque commerciale déposée. Ainsi, lorsque que le COV tombe dans le domaine public, l’obtenteur peut bénéficier de la notoriété acquise pour substituer une variété par sa remplaçante.

La marque commerciale peut concerner une variété, comme c’est le cas pour de nombreuses plantes arbustives ou une gamme de variétés. Ainsi, la marque Francepel désigne une gamme de variétés de Pelargonium, mais la marque Pierre De Ronsard ne désigne que la variété de rosiers Meiviolin3.

3 Cadic A, 2009 : Protection des variétés et protection des produits. Horti’doc.