La lignification et la formation du bois dans l’arbre

Marie-Christine Trouy

Figures 1a (montée de sève brute), 1b (conduction de sève élaborée), 1c (focus sur le tronc) - © D.R
Figures 1a (montée de sève brute), 1b (conduction de sève élaborée), 1c (focus sur le tronc) – © MC. Trouy

La lignification est l’imprégnation des parois cellulaires par de la lignine, un biopolymère qui les rigidifie. La lignification et la formation du bois doivent être distinguées car la lignine existe déjà dans le végétal avant qu’il ne forme du bois. La lignine est le constituant spécifique des cellules de soutien (sclérenchyme) et des cellules conductrices de sève brute.

La sève brute est puisée dans le sol au niveau des racines et acheminée jusqu’aux feuilles. Le principal moteur de la montée de sève brute dans les arbres est la transpiration des feuilles qui, en provoquant un départ d’eau vers le haut, entraîne son entrée vers le bas (figure 1a).

La sève brute est aspirée comme dans une paille. La cellule conductrice risque donc d’imploser, c’est-à-dire de s’effondrer sur elle-même, sous l’effet de la dépression. La lignine, en rigidifiant la paroi, limite le risque d’implosion des cellules conductrices de sève brute. Le tissu conducteur de sève brute est le xylème. Dans les tiges herbacées, par exemple au niveau de l’extrémité des jeunes rameaux, il n’y a que du xylème primaire, sous forme de cordons qui se prolongent dans les nervures des feuilles. Si les nervures des feuilles disparaissent en dernier lors du processus de décomposition, c’est parce qu’elles contiennent de la lignine, constituant relativement résistant à la biodégradation (figure 2).

Figure 2 : feuille en voie de décomposition – © MC. Trouy

Différenciation des cellules

La figure 3a représente la coupe transversale d’une jeune tige, ne présentant que des tissus primaires issus de la croissance du bourgeon. Dans les faisceaux conducteurs, les cordons de xylème primaire (en bleu clair) sont associés à des cordons de phloème primaire (en orange) qui conduisent la sève élaborée contenant les sucres produits par la photosynthèse.

Figures 3a (structure primaire de la tige), 3b (mise en place du cambium), 3c (formation des tissus secondaires - © MC. Trouy
Figures 3a (structure primaire de la tige), 3b (mise en place du cambium), 3c (formation des tissus secondaires – © MC. Trouy

Entre les cordons de xylème primaire et les cordons de phloème primaire subsistent des arcs de cellules non différenciées (en rose sur la figure 3a). Ces arcs vont se rejoindre grâce à la dédifférenciation[1] des cellules qui les séparent (figure 3b).  Le cylindre de cellules non différenciées ainsi formé constitue le premier méristème[2] secondaire de la tige qu’on appelle le cambium (en rouge) : c’est une zone de croissance sous forme de couche de cellules qui, en se divisant, vont produire des tissus secondaires sous forme de cernes concentriques : le xylème secondaire ou bois vers l’intérieur (en brun sur la figure 3c) et le phloème secondaire ou liber (= écorce interne) vers l’extérieur (en bleu foncé sur la figure 3c). Le premier conduit la sève brute, le second la sève élaborée.

A la fin de la première saison de végétation, en été, la tige herbacée s’est durcie sous l’effet de cette première production de bois. Parallèlement, sous l’épiderme, est apparu le deuxième méristème secondaire, le phellogène, à l’origine du suber ou liège, responsable du changement de couleur de la jeune tige qui passe du vert au brun.

Les flux de sèves

Chaque année, le nouveau cambium, situé entre bois et écorce, va former une nouvelle couche de bois vers l’intérieur et une nouvelle couche de liber vers l’extérieur et permettre ainsi la croissance en largeur de l’arbre.

La figure 1 montre entre feuilles et racines les flux de sèves brute et élaborée qui circulent  respectivement dans le bois (en bleu) et dans le liber (en orange) du tronc. La sève élaborée est transportée latéralement par les rayons du bois et du liber. La partie centrale du tronc contient du bois plus âgé que la périphérie. Ce bois ne conduit plus la sève brute et ne contient plus de cellules vivantes, la sève élaborée n’y est donc plus transportée par les rayons.

Le bois soutient et stocke

La figure 4 est une photographie prise au microscope optique de la coupe transversale d’une tige de jeune chêne pédonculé (Quercus robur) au niveau du cambium. Une double coloration permet de faire apparaître en bleu les tissus imprégnés de lignine (bois B, tissu de soutien libérien S) et en rose les tissus non lignifiés (bois en cours de différenciation D, cambium C et liber L).

Figure 4 : coupe transversale d’un jeune chêne pédonculé (Quercus robur) au niveau du cambium - © MC. Trouy
Figure 4 : coupe transversale d’un jeune chêne pédonculé (Quercus robur) au niveau du cambium – © MC. Trouy

Le bois, outre sa fonction de conduction de la sève brute, assure d’autres fonctions dans l’arbre :

  • le soutien mécanique et le contrôle de la posture
  • le stockage de réserves et l’élaboration de substances

Les cellules de conduction et de soutien sont des cellules mortes dont ne subsistent que les parois épaisses et lignifiées, même dans le bois de l’arbre vivant. Ce sont de simples tubes creux. Ces cellules mortes sont associées à des cellules de parenchyme, vivantes, qui permettent le stockage de réserves sous forme d’amidon et l’élaboration de substances de défense comme les résines ou les tannins. Elles ont également des parois lignifiées mais plus minces et fortement ponctuées pour conserver une capacité d’échanges car elles restent souvent vivantes plusieurs années.

Bois homoxylé

La figure 5 représente une coupe transversale d’épicéa commun (Picea abies) et la figure 6 une coupe transversale de chêne pédonculé (Quercus robur). Les limites de cernes[3] (L) indiquent la direction tangentielle. Les lignes perpendiculaires aux limites de cernes sont les rayons ligneux(R).

Figure 5 : Coupe transversale d’épicéa commun (Picea abies) – © D.R

Dans le bois de résineux, les rôles de conduction et de soutien sont assurés par un seul type de cellules : les trachéides. On dit que le bois est homoxylé. Les trachéides sont visibles en section sur une coupe transversale (figure 5). Chez les résineux des régions tempérées, on distingue les trachéides du bois initial (TI) plus larges et à parois plus minces que les trachéides du bois final (TF). Les canaux résinifères (CR) sont des cavités tubulaires bordées de cellules de parenchyme longitudinal, spécialisées dans la sécrétion de résine. Les rayons ligneux sont toujours fins (R).

Bois hétéroxylé

Figure 6 : Coupe transversale de chêne pédonculé (Quercus robur) © D.R

Dans le bois de feuillus, les cellules sont plus spécialisées (figure 6). Le bois est hétéroxylé. Les plus grosses cellules sont spécialisées dans la conduction de la sève : ces sont les éléments de vaisseaux (V). Les cellules les plus étroites aux parois les plus épaisses sont spécialisées dans le soutien mécanique : ce sont les fibres de soutien (F). Les cellules de taille intermédiaire entre les éléments de vaisseau et les fibres sont des cellules de parenchyme longitudinal (P) qui peuvent stocker des réserves et élaborer des substances. Les rayons ligneux peuvent être très larges (R), comme ici chez le chêne.

De la biologie à l’enquête judiciaire

L’anatomie du bois est un outil performant d’identification des bois car les caractères anatomiques diffèrent d’une espèce à l’autre. Au-delà des intérêts de la discipline en biologie, l’identification des bois peut être nécessaire dans le cadre d’expertises judiciaires, de litiges commerciaux, d’enquêtes policières, de problématiques industrielles, d’études historiques ou archéologiques.

A lire …

  • « Anatomie du bois – Formation, fonctions et identification » – Marie-Christine Trouy – Éditions QUAE – 2015 – 151 pages.
  •  MOOC « Anatomie du bois » – Marie-Christine Trouy – ENSTIB – Université de Lorraine
  •  Plate-forme France Université Numérique – www.fun-mooc.fr

Inscription gratuite entre le 15 mars et 10 juin 2016

[1] La différenciation est l’acquisition, par une cellule nouvellement formée, de caractères propres lui permettant d’assurer une fonction précise dans la plante. La dédifférenciation est le retour en arrière qui permet à une cellule différenciée de revenir à l’état non différencié.

[2] Un méristème est un tissu cellulaire spécialisé dans la croissance.

[3] Les cernes annuels sont des couches cylindriques concentriques correspondant chacun à la production de bois d’une année. On peut distinguer les limites entre cernes car le bois initial est plus poreux que le bois final.

 

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