La fertilisation : Clé d’une floraison et d’une fructification réussies

La floraison est une étape indispensable à la reproduction des plantes. Elle a, de tout temps, été favorisée par les jardiniers, que ce soit à des fins esthétiques pour la décoration du cadre de vie ou pour la production de graines ou de fruits. La floraison contribue également à la biodiversité et à l’équilibre écologique, notamment grâce aux plantes auxiliaires ou pollinisatrices. Réussir sa floraison demeure primordial pour une plante.

La pollinisation, clé de la floraison et de la fructification, compte sur les insectes pollinisateurs © A. Meyer - Pixabay
La pollinisation, clé de la floraison et de la fructification, compte sur les insectes pollinisateurs © A. Meyer - Pixabay

En tant qu’organisme autotrophe, la plante est capable de produire toute sa matière (organique) en prélevant uniquement eau et sels minéraux dans le sol et en captant le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse et à l’énergie fournie par la lumière. Cependant, elle vit dans un environnement complexe où interviennent de nombreux facteurs en interaction : lumière, photopériode, température, hygrométrie, CO2 , bioagresseurs. La nutrition minérale, bien qu’essentielle à la vie de la plante, n’est qu’un de ces facteurs qui ne peut compenser l’insu sance des autres. Les éléments minéraux essentiels à la croissance de la plante sont classés en deux groupes :

• Les éléments majeurs : azote (N), phosphore (P), potassium (K), calcium (Ca), magnésium (Mg), soufre (S). La plante en a besoin en assez grande quantité, de l’ordre d’un gramme par kilogramme de matière sèche (MS) ou plus ;

• Les oligoéléments : fer (Fe), chlore (Cl), cuivre (Cu), bore (B), zinc (Zn), manganèse (Mn), molybdène (Mo). Ils sont indispensables à la plante et absorbés en très faibles quantités (de l’ordre de quelques mg/kg MS), rapidement toxiques à de plus fortes concentrations.

Les éléments majeurs, indispensables à la plante

L’azote est indispensable à la croissance de la plante et à l’élaboration de nouvelles feuilles. Un excès stimule une croissance exubérante de la partie aérienne, et tend à prolonger la phase de croissance en vert et à retarder la floraison. Une carence en azote se traduit par une chlorose, une réduction générale de la croissance, en particulier de la ramification, donc potentiellement du nombre de fleurs produites et de leur taille. Cependant, une carence modérée favorise une floraison plus précoce. Temporaire, elle peut être intéressante, soit pour favoriser la ramification à la reprise des apports d’azote (par exemple sur rosier), soit à l’automne, avant la chute des feuilles, pour favoriser la remobilisation des nutriments vers les organes pérennes au moment de la reprise de croissance au  printemps, lorsque la minéralisation de l’azote dans le sol est encore  faible, comme pour le troène.

Les fabacées, légumineuses, comme le  haricot, ont la capacité de fixer l’azote du sol par des nodules bactériens formés sur leurs racines pouvant assurer 75 % des  besoins de la plante. Cependant, des apports d’azote au départ de végétation et en début de floraison demeurent conseillés pour stimuler la croissance et la mise à fleur. Il faut toutefois éviter toute surfertilisation qui affecterait le développement des nodules et réduirait par conséquent la fixation ultérieure d’azote. Les autres macro-éléments ont des rôles spécifiques dans le métabolisme de la plante, en particulier dans des fonctions de régulation (activation  d’enzymes, maintien d’un équilibre ionique).

C’est pourquoi les  apports en phosphore, potassium, magnésium et calcium doivent  être équilibrés par rapport aux apports d’azote. D’une façon générale, un équilibre N-PK-Mg de 1,0-0,2-1,5-0,12 est recommandé pour les cultures de plantes fleuries. Les apports de potassium et de phosphore tendent à augmenter l’intensité de floraison, comme le nombre de fleurs produites, notamment pour l’olivier, et à avancer légèrement le début de floraison sans en modifier la durée comme pour le riz. Il convient toutefois de ne pas apporter ces deux éléments en excès, en raison des risques de lessivage du potassium, principalement sur sol sableux, et d’immobilisation du phosphore, en particulier en sol calcaire. Le magnésium, constituant de la chlorophylle, est indispensable à la photosynthèse et à la translocation des assimilats carbonés dans les différentes parties de la plante.

En cultures en sol, les carences sont rares et sont plutôt liées à des excès de calcium ou de potassium qui limitent son absorption par les racines. Généralement, le magnésium a peu d’influence sur la floraison. Cependant, chez plusieurs plantes ornementales, l’apport de magnésium augmente l’intensité de coloration des fleurs par accroissement des concentrations en anthocyanes, contribuant alors à une meilleure attractivité vis-à-vis des pollinisateurs. Ainsi, le bleuet et le pavot de l’Himalaya contiennent tous les deux des anthocyanes normalement rouges qui, complexées avec du magnésium, prennent une couleur bleue. Le calcium joue un rôle important dans la division cellulaire et le maintien de l’intégrité des membranes cellulaires. Comme il intervient dans les jeunes organes en formation et qu’il est peu mobile dans la plante, une carence se traduit par une déformation et une nécrose de ces organes.

Cela se produit notamment dans les bractées du poinsettia, particulièrement pauvres en calcium comparativement aux feuilles. Un apport régulier de cet élément en cours de croissance demeure essentiel pour la qualité ornementale de cette plante. En production de tomate, des symptômes similaires sont observés sur les fruits en formation, avec la formation de nécroses noires à la base du fruit, en particulier quand l’alimentation en eau, et donc en nutriments, est irrégulière.

Une carence modérée en azote favorise une floraison plus précoce. Temporaire, elle peut être intéressante, pour favoriser la ramification à la reprise des apports d’azote, par exemple sur rosier © congerdesign - Pixabay
Une carence modérée en azote favorise une floraison plus précoce. Temporaire, elle peut être intéressante, pour favoriser la ramification à la reprise des apports d’azote, par exemple sur rosier © congerdesign - Pixabay
La plante est capable de produire toute sa matière organique en prélevant uniquement eau et sels minéraux dans le sol et en captant le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse et à l’énergie fournie par la lumière © JoyalV - Pixabay
La plante est capable de produire toute sa matière organique en prélevant uniquement eau et sels minéraux dans le sol et en captant le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse et à l’énergie fournie par la lumière © JoyalV - Pixabay

Le plus apporté par les oligoéléments

Le fer est l’oligoélément dont les plantes ont besoin en plus grande quantité, car il intervient dans de nombreuses réactions enzymatiques et surtout dans la synthèse de la chlorophylle. Sa mobilité dans la plante reste très faible et il est très peu disponible en sols calcaires. C’est pourquoi sa carence n’est pas rare. Elle se traduit par une chlorose des feuilles plus ou moins marquée, qui présente des conséquences sur la floraison.

La fertilisation, notamment azotée, augmente le rendement en fruits © Peter Holmes - Pixabay

 

Il convient également de ne pas  négliger le bore, dont l’effet est positif sur la floraison et la formation du fruit. Ainsi, l’apport de bore sur tomate permet d’augmenter le nombre de bouquets floraux et le rendement en fruits. De même, l’application foliaire de zinc est favorable pour accroître le nombre de fleurs par plante et le rendement en huiles essentielles de la rose de Damas.

 

L’aluminium, quant à lui, n’est pas un oligoélément essentiel et se révèle même toxique pour la plupart des plantes, qui développent différents processus de détoxification dont certains sont exploités par l’horticulture. Ainsi, chez certains
hydrangeas, cette détoxification est due à la complexation d’ions Al+++ par la delphinidine, qui confère la couleur bleue aux sépales normalement roses.

Quelle pratique de fertilisation appliquer au jardin ?

Si l’apport spécifique d’un élément minéral peut contribuer à lever une carence bien particulière et ainsi améliorer la floraison et la fructification, il convient d’être prudent pour ne pas engendrer de nouveaux déséquilibres, car la plante vit dans un écosystème complexe. Tout apport fertilisant n’est que partiellement prélevé par la plante et va interagir avec l’ensemble de la rhizosphère, en particulier les micro-organismes présents dans cet écosystème.

Aussi, est-il préférable de s’assurer de la bonne activité biologique du sol (pH proche de la neutralité, taux de matière organique
suffisant) et d’une bonne diversité biologique (abondance de lombrics, diversité des espèces végétales cultivées), plutôt que de chercher à corriger les insuffisances ou les excès par des apports massifs d’engrais, surtout s’ils sont eux-mêmes déséquilibrés. Dans des conditions agronomiques et biologiques favorables, des apports réguliers et limités d’engrais organiques assureront une alimentation minérale tout à fait satisfaisante des plantes du jardin, qu’elles soient potagères, florales ou fruitières.

Philippe Morel-Chevillet
Ancien ingénieur de recherches

Lydie Huché-Thélier
Ingénieure de recherches à l’Inrae