La collection de fougères du Jardin botanique de Lyon

Jean-François Thomas

 

Les fougères constituent l’une des collections majeures du Jardin botanique de Lyon avec 544 accessions1, dont 156 font partie de la flore française ou d’Europe occidentale. Cette collection propose quelques espèces remarquables et rares. Elle constitue, notamment, un outil éducatif pour les étudiants.

Les fougères appartiennent au groupe des ptéridophytes (ensemble des plantes se reproduisant par spores). Les premières apparaissent au Dévonien (-419 à -358 millions d’années). Elles ont ensuite été supplantées par les plantes à fleurs, mieux adaptées aux conditions climatiques actuelles. Elles comportent quelque 13 000 espèces, dont les plus connues sont les fougères « classiques », que l’on trouve lors de balades en forêt.
Parmi les ptéridophytes, on retrouve également les prêles, souvent considérées par les jardiniers comme des plantes envahissantes, ou encore des genres moins connus, comme les sélaginelles et les Marsilea (fougères aquatiques).

Semis de fougères sorties du laboratoire - © L. Carré
Semis de fougères sorties du laboratoire – © L. Carré

1 Une accession correspond à une plante en collection avec toutes les informations qui lui sont liées (donateur, lieu de récolte, etc.). Il peut y avoir plusieurs accessions de la même espèce.

Historique et développement de la collection

Une collection de plantes médicinales, toxiques, fourragères, textiles et tinctoriales dénommée « école médicinale » est commencée au Jardin botanique en 1857. Au fil des ans, les arbres prennent de l’ampleur et l’ombre engendrée devient défavorable à la croissance des plantes installées à proximité. C’est dans les années 1970 que Paul Berthet, directeur du Jardin, décide de supprimer cette collection, et de profiter de l’ombre afin de développer une collection de plantes de sous-bois, dont les fougères. Dans le même temps, Gilles Dutartre, responsable de collections, lui-même grand connaisseur en fougères, introduit de nouvelles espèces suite à ses prospections botaniques.

De nos jours, ce secteur, rebaptisé La Fougeraie, abrite la majeure partie de la collection. D’autres secteurs comme l’École de botanique, présentant les familles végétales d’après la classification du vivant, proposent des espèces essentiellement régionales. Le Jardin alpin, récemment réhabilité, complète quant à lui ces deux collections avec des fougères de montagne.

Actuellement, les introductions de nouvelles espèces se font le plus souvent par semis de spores réalisés dans notre laboratoire. L’intérêt est de pouvoir obtenir aisément de nombreuses plantes tout en évitant d’en arracher dans la nature, ce qui est contraire à l’éthique du Jardin botanique.

Secteur de la fougeraie - © L. Carré
Secteur de la fougeraie – © L. Carré

Une collection reconnue

La collection de fougères de France et d’Europe occidentale, remarquable par sa richesse et son intérêt scientifique, est labellisée en 2013 et reconnue Collection nationale, label le plus prestigieux délivré par le CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées). La moitié des ptéridophytes d’Europe occidentale est ainsi représentée dans le Jardin et la majorité de nos plantes a une origine sauvage. Parmi ces espèces, sept sont menacées de disparition et sont inscrites sur les listes rouges de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Citons quelques plantes remarquables :

• le dryopteris d’Ardèche (Dryopteris ardechensis), espèce endémique2 des Cévennes et protégée à l’échelle nationale. Elle est classée vulnérable par l’UICN.

• le dryopteris pâle (Dryopteris pallida), espèce des îles de la Méditerranée. Cette espèce découverte au début du XXe siècle, en Corse, n’avait plus été aperçue par les naturalistes sur le site initial. Ce n’est qu’en 1991 que le botaniste Gilles Dutartre l’a retrouvée et rapportée au Jardin botanique de Lyon.

Dryopteris pallida – © J-F Thomas

• le notholaena de Maranta (Paragymnopteris marantae), autre espèce peu fréquente en France, que nous cultivons sur un bloc de pouzzolane et qui a été introduite de manière assez originale dans nos collections. Lors du récent chantier de rénovation du Jardin alpin, Thibault Duret, le jardinier-botaniste en charge du secteur, est allé choisir des blocs rocheux dans une carrière en Ardèche. C’est alors qu’il a relevé la présence, dans les fissures de quelques plantes. Le bloc fut choisi… pour la flore qu’il hébergeait et le notholaena vit toujours dans sa fissure !

2 Présent uniquement sur une zone géographique restreinte.

UNE DIZAINE DE COLLECTIONS LABELLISÉES PAR LE CCVS

Le Jardin botanique a fait reconnaître la valeur d’une dizaine de ses collections par le biais du Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS). Cette association encourage l’introduction et la conservation des plantes peu communes. Elle met en avant les collections par le biais d’une labellisation. Celle-ci est établie en fonction de critères tels que la richesse en taxons, l’état sanitaire, le suivi de l’étiquetage ou encore la documentation liée à la traçabilité.

www.jardinsdefrance.org/ ccvs-pour-sauver-et-conserver-les-plantes-rares

Un support scientifique

La valorisation scientifique est importante dans la gestion des collections du Jardin botanique. Les jardins botaniques doivent faire vivre les collections et se servir du matériel végétal dûment identifié dans le cadre d’études scientifiques.

La détermination des plantes est assurée par les botanistes ou jardiniers-botanistes de l’équipe. Elle est réalisée à partir des flores, ouvrages dotés de clés de détermination, souvent à l’aide d’un microscope (l’observation des spores étant importante pour la détermination). Dans certains cas, le recours à des analyses génétiques est nécessaire afin de confirmer les observations, notamment pour les hybrides naturels de Polypodium ou de Dryopteris.

En 1977, Paul Berthet a publié en collaboration avec Raoul Lecocq une note sur la morphologie des spores du genre Isoetes (fougères filiformes aquatiques) en étudiant les espèces de la collection. C’est bien plus tard, courant 2010, que nous avons publié à nouveau des notes sur les fougères. Notre protocole de semis a été diffusé via notre revue Sauvages & cultivées, afin de proposer à tous une méthode simple et efficace. Enfin, quelques années plus tard, nous avons collaboré à une publication sur le genre Polystichum en France.

Nous échangeons régulièrement avec des botanistes spécialistes des fougères. Ils nous sollicitent parfois pour semer des fougères découvertes dans la nature. Souhaitant continuer l’observation « ex-situ », des semis sont pratiqués, puis les jeunes plants leur sont renvoyés. Partager notre expertise et nos compétences en horticulture auprès des botanistes, ou plus largement avec les organismes de conservation de la flore, s’avère primordial.

Un outil pour l’éducation et une source d’agrément

Nos collections sont parcourues par de nombreux étudiants (universités proches du parc, faculté de pharmacie…). Elles leur offrent la possibilité de découvrir un vaste panel de plantes, participant ainsi à leur formation. Pour les aider, des panneaux pédagogiques présentent le monde des fougères et la complexité de leur reproduction. Nous fournissons également des prothalles (premier stade du cycle de reproduction des fougères) aux enseignants des lycées et facultés de Lyon, dans le cadre de leurs cours de botanique. Enfin, un soin particulier est apporté à l’aménagement paysager de la fougeraie, attirant ainsi le public qui peut l’apprécier simplement comme un lieu d’agrément et une zone de fraîcheur.

Actuellement, le Jardin botanique mène un profond travail de rénovation (école de botanique, jardin floral, serres…) : une bonne occasion d’enrichir les collections, de les valoriser via de nouveaux parcours didactiques au sein des familles végétales, et de les rendre plus pertinentes et accessibles aux yeux du public.