Importations de végétaux, une quarantaine pour maîtriser les risques sanitaires

Philippe Legrand

Les échanges de végétaux à travers le monde sont une voie privilégiée de dissémination des ravageurs et maladies, transportés par ces végétaux, puis susceptibles de s’installer dans de nouvelles zones géographiques et d’y causer des dégâts importants, y compris sur de nouveaux hôtes.

Certains végétaux sont habituellement multipliés par voie végétative (greffons, boutures, tubercules…) afin de conserver les caractères variétaux. Mais ce mode de multiplication favorise aussi la transmission d’organismes nuisibles endophytes comme les virus, présents dans les vaisseaux. Les végétaux atteints peuvent n’exprimer aucun symptôme (ils sont alors porteurs sains), mais ils concourent à la dissémination des organismes nuisibles qui peuvent ensuite se transmettre à d’autres variétés sensibles ou à d’autres espèces puis leur causer des maladies.

Afin de prévenir la dissémination des maladies et des ravageurs des végétaux, les États ont mis en place une réglementation phytosanitaire comportant des règles pour l’importation des végétaux.

La réglementation européenne

Pour l’Union européenne, la réglementation phytosanitaire et les exigences sanitaires relatives aux végétaux sont principalement définies par la directive 2000/29/CE du 8 mai 2000, qui sera bientôt remplacée par le règlement 2016/2031/UE. Cette réglementation détaille les mesures de protection contre l’introduction d’organismes nuisibles aux végétaux et contre leur propagation sur le territoire de l’Union européenne.

Elle liste notamment :

• des organismes nuisibles réglementés qui sont interdits d’introduction dans l’Union européenne lorsqu’ils proviennent de pays tiers. Ces organismes nuisibles sont absents du territoire de l’Union européenne, ou présents uniquement de manière localisée et sous contrôle officiel de l’Organisation Nationale de la Protection des Végétaux (ONPV) du pays concerné. La réglementation vise à empêcher leur introduction et leur dissémination, car ces organismes nuisibles sont susceptibles de causer des dommages économiques aux agrosystèmes, ou des dommages écologiques importants ;

• des végétaux et produits végétaux qui sont interdits d’introduction dans l’Union européenne lorsqu’ils proviennent de pays tiers, car ils peuvent transporter de nombreux organismes nuisibles réglementés et dommageables aux végétaux. C’est le cas par exemple de la vigne, des agrumes et des pommes de terre destinés à la plantation ;

• des végétaux qui doivent répondre à des exigences sanitaires très précises, pouvant varier selon le pays d’origine, pour pouvoir entrer sur le territoire de l’Union européenne. Ils doivent être munis d’un certificat phytosanitaire délivré par le pays d’origine à l’issue de contrôles garantissant l’état sanitaire du végétal, et plus particulièrement l’absence des organismes nuisibles visés par la réglementation européenne. C’est le cas pour la grande majorité des végétaux destinés à la plantation.

En résumé, cette réglementation interdit l’entrée sur le territoire de l’Union européenne de certains végétaux qui représentent des risques sanitaires importants, et des végétaux qui ne répondent pas à ses exigences sanitaires établies pour protéger son territoire et ses cultures.

Taches foliaires jaunes provoquées par le virus de la mosaïque des agrumes, Citrus mosaicbadnavirus (CMBV). En Inde, la mosaïque des agrumes occasionne des pertes importantes dans les vergers d’oranges douces, de mandarines, de pomelos et de pamplemousses. © P. Legrand

L’importation de ressources génétiques

L’importation de végétaux en tant que nouvelles ressources génétiques est nécessaire pour la recherche agronomique : recherches fondamentales et programmes de sélection et de création variétale notamment. Ces végétaux intéressent en premier lieu les instituts et stations de recherche mais aussi des pépiniéristes obtenteurs de nouvelles variétés. Une dérogation à l’importation de végétaux habituellement interdits d’entrée dans l’Union européenne a donc été instituée par la directive 2008/61/CE pour permettre des travaux scientifiques et des travaux sur la sélection variétale. Cette directive organise la quarantaine post-entrée de végétaux sur le territoire de l’Union européenne, ces plantes étant introduites sur le territoire de l’Union en dérogation à la directive 2000/29/CE. Le but de la quarantaine est d’établir l’état sanitaire des végétaux introduits et leur conformité aux exigences réglementaires, dans des conditions de sécurité sanitaire, avant leur mise en circulation sur le territoire de l’Union européenne.

Raccourcissement des entre-noeuds et formation de rosettes de feuilles provoqués par un Nepovirus sur pêcher. Plusieurs Nepovirus d’origine nord-américaine, comme le Tomato ringspot virus (ToRSV), sont capables d’infecter de nombreuses espèces et ont été interceptés à plusieurs reprises en Europe. © P. Legrand

La quarantaine des végétaux en France

En France, c’est le Laboratoire de la Santé des Végétaux de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui est chargé de la mise en oeuvre de la quarantaine post-entrée des végétaux. Il dispose d’une station de quarantaine située près de Clermont-Ferrand, dont les activités de quarantaine sont strictement encadrées par les dispositions réglementaires de la directive 2008/61/CE.

Cette station de quarantaine reçoit uniquement des végétaux destinés à des travaux de recherche scientifique et à des travaux sur les sélections variétales, pour le compte d’importateurs travaillant dans ces domaines : instituts et stations de recherche scientifiques et techniques, pépiniéristes ou groupements obtenteurs de nouvelles variétés notamment.

Il s’agit de matériel végétal interdit d’introduction sur le territoire de l’Union européenne, ou de matériel végétal qui ne répond pas aux exigences sanitaires de l’Union européenne. Par exemple, pour du matériel végétal autorisé dans le cadre de la directive 2000/29/CE, certains importateurs n’arrivent pas à obtenir un certificat phytosanitaire du pays d’origine pour pouvoir recevoir du matériel végétal directement. Ils sont donc obligés de passer par la station de quarantaine, qui reçoit alors le matériel végétal qui ne répond pas aux exigences de la directive 2000/29/CE (en l’occurrence : absence de certificat phytosanitaire et donc de garantie sur l’état sanitaire du végétal).

Déformation des feuilles provoquées par le Plum pox virus (PPV) sur pêcher ; ce virus originaire d’Europe est réglementé car il provoque des pertes économiques importantes, notamment en vergers de pêchers et abricotiers (maladie de la sharka). © P. Legrand

Le choix d’un diagnostic sanitaire

La station de quarantaine reçoit aussi du matériel végétal interdit de circulation sur le territoire de l’Union européenne. C’est le cas par exemple de matériel végétal provenant de zones contaminées par la maladie de la sharka des arbres fruitiers à noyaux (causée par le Plum pox potyvirus), et qui ne peut réglementairement sortir de ces zones contaminées, à destination de zones indemnes, qu’en suivant un processus de quarantaine.

Enfin, certains importateurs, même s’ils peuvent recevoir du matériel végétal directement chez eux, préfèrent passer par la station de quarantaine pour avoir un diagnostic sanitaire du matériel végétal importé. C’est dans ce cas un choix, et non une exigence réglementaire.