Impliquer les jardiniers amateurs dans la surveillance biologique du territoire : une contribution originale de la SNHF

 

Le Grenelle 2 de l’environnement a étendu la surveillance biologique du territoire, dans le domaine du végétal, aux zones non agricoles (ZNA) en distinguant celles qui relèvent d’une gestion professionnelle, publique ou privée, (ZNA pro) des jardins d’amateurs (ZNA amateurs). La définition de jardins est ici prise dans son acception la plus large, la représentation sur le terrain pouvant aller de l’entretien de quelques plantes d’intérieur  à la conduite d’un grand jardin, pourvu qu’il relève du domaine non commercial.
 

Observation d'une vigne avec une loupe - © J. JullienCette action tournée vers les jardins d’amateurs procède d’une double pertinence :
- Surveiller l’état de santé des végétaux partout où ils sont présents sur le territoire, qu’ils soient cultivés ou issus d’une croissance libre. Pour tous les bioagresseurs, il est admis et largement démontré par l’expérience, que le foyer d’un bioagresseur, non contrôlé, peut constituer une source de contamination susceptible de remettre en cause des stratégies de lutte sur de vastes étendues avec des effets économiques notoires
- Contribuer à l’objectif principal du plan Ecophyto qui vise à réduire, de manière drastique, l’emploi des produits phytopharmaceutiques.

 

Créer un outil de référence

La Société Nationale d’Horticulture de France, qui couvre dans ses actions toute l’étendue de la gamme végétale dans le domaine des amateurs et dont l’indépendance et la compétence sont reconnues, a été missionnée par le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF) pour concevoir un outil de référence, de portée nationale, sur les méthodes d’observation et de suivi des bioagresseurs dans les jardins d’amateurs. Au sein du groupe de travail constitué à cet effet, la rédaction d’un guide d’épidémio-surveillance a été précédée d’une longue phase de réflexion pour que cette action ne soit pas seulement pour les jardiniers la seule satisfaction de pouvoir contribuer à une action citoyenne mais aussi l’occasion d’un épanouissement personnel. Nous nous sommes fixés pour objectif de produire un document répondant à l’obligation réglementaire, adapté au public des jardiniers amateurs et les incitant à participer à la constitution du réseau des observateurs.


 

Une démarche inédite conduite après une analyse préalable du contexte

Couvrir le domaine du jardinage des amateurs, c’est embrasser une gamme végétale très vaste dans le champ des plantes cultivées à des fins ornementales et vivrières sur le territoire français, avec des climats contrastés et des situations de sols diverses prenant en compte, au-delà des origines géologiques, les sols souvent remaniés par l’urbanisation. Le niveau de connaissances techniques des jardiniers est hétérogène. Pour certains la pratique du jardinage s’appuie sur une longue tradition de transmission orale entre générations, parfois fortement influencée par la démarche des progrès de l’agriculture professionnelle à l’origine d’une forte consommation d’intrants : engrais et pesticides. Pour d’autres, de pratique plus récente, parfois qualifiés de « néo-jardiniers », la dépendance médiatique et commerciale sert de guide. Un effort particulier de vulgarisation du langage technique et scientifique devait être le fil conducteur de notre action. Une difficulté s’imposait à nous, qui a fait le caractère inédit de notre action : nous n’étions pas dans une simple transmission de connaissances, situation rencontrée par les très nombreux rédacteurs d’ouvrages sur le jardinage, mais dans la nécessité de gérer les bases du vocabulaire d’un échange et d’un dialogue entre le jardinier amateur observateur et l’animateur professionnel chargé de recueillir et d’analyser les informations reçues pour rédiger le bulletin de santé du végétal (BSV).

 

L'épidémiosurveillance proche de la curiosité

Fort heureusement, l’analyse de toute situation dégage des points faibles et des contraintes mais aussi des points forts à développer et sur lesquels il est possible de s’appuyer.
Pour construire notre démarche, nous en avons relevé principalement quatre :
- L’observation des plantes du jardin et de son environnement, préalable incontournable dans la phase de diagnostic, est très souvent le moteur du jardinier et une source de plaisirs. Passer de l’observation au diagnostic consiste simplement à orienter son regard.
- Le jardinier amateur, contrairement aux acteurs professionnels de plus en plus préoccupés par les aspects économiques, dispose de temps libre, le plus souvent au sein d’une action de loisirs.
- L’objectif à atteindre dans la lutte contre les bioagresseurs, dans le domaine amateur, n’est pas soumis à la pression économique actuelle qui vise à obtenir des produits végétaux ne comportant aucun défaut. Un seuil de nuisibilité des bioagresseurs accepté est la base de toute pratique du jardinage respectueux de la biodiversité. Cette nécessité de régulation des bioagresseurs qui se substitue à la notion d’éradication implique tout naturellement une obligation d’observation et de surveillance au jardin.
- La tendance actuelle de promotion de l’action de jardinage s’appuie, en grande partie, sur la mise en exergue des bienfaits pour la santé physique et morale des pratiquants.
Dans le monde d’instantanéité et de recherche d’immédiateté de la satisfaction qui est le nôtre aujourd’hui, retrouver le plaisir du temps long, celui de l’observation de la croissance des plantes, est une source indéniable de modération et d’apaisement. En y ajoutant de la curiosité, nous ne sommes pas loin de l’épidémiosurveillance !


Observation et suivi des bioagresseurs au jardin - Guide pour les jardiniers amateursLe guide d’observation et de suivi des bioagresseurs au jardin, au-delà d’un outil de référence, pratique et évolutif, offre aussi une mine d’informations.

Le guide proposé par la SNHF comporte quatre grandes parties :
- Une partie générale descriptive de la démarche de surveillance biologique du territoire dans le domaine végétal et de son extension aux jardins d’amateurs.
- Dans une seconde partie le jardinier peut découvrir, de manière progressive et à l’aide de nombreux exemples, la démarche permettant  de passer de la simple observation au diagnostic, à partir de la connaissance des signes visuels et comportementaux repérés sur les plantes. La recherche des causes probables fait la distinction entre les causes parasitaires et les causes non parasitaires.
-  Un chapitre du guide est consacré à la connaissance des auxiliaires naturels présents dans les jardins. En reconnaître les différents stades de développement, être en capacité d’observer la progression de leurs populations est un atout majeur dans la protection des plantes
- Soixante-dix fiches de surveillance sont proposées dans la première édition. Deux fiches concernent les plantes invasives et soixante-huit fiches des couples plantes/bioagresseurs. Le choix des couples plantes/bioagresseurs a été fait principalement sur la base de trois critères :
- Les bioagresseurs fréquemment rencontrés dans les jardins et reconnus comme étant des gros consommateurs de produits phytosanitaires.
- Les bioagresseurs qualifiés d’émergents et de préoccupants. D’introduction récente sur le territoire, leur évolution doit être étroitement  surveillée.
- Les bioagresseurs qui font l’objet d’une réglementation française ou européenne et dont la présence doit être obligatoirement déclarée (cf. article de G. Chauvel dans ce dossier).

Dans le souci de couvrir de la manière la plus large possible la palette des espèces cultivées au jardin ; 28 fiches concernent les plantes ornementales ; 22 les légumes et 18 les arbres fruitiers. L’accès rapide aux fiches peut se faire, au choix du jardinier, à partir de l’index plantes ou de l’index bioagresseurs. Chaque fiche de couple plante/bioagresseur comporte une partie de transmission des données avec 2 niveaux d’observation à renseigner : un niveau d’observation simple qui permet uniquement un  signalement (présence/absence) et un niveau d’observation approfondie pour exprimer un indice de gravité d’attaque au jardin selon une échelle à quatre paliers utilisant un mode descriptif codifié.
Un lexique intégré au guide fournit les définitions des noms techniques et scientifiques dont l’usage demeure indispensable.

 

Le Bulletin de Santé du Végétal (BSV)

Elaboré à des cadences de parution variables selon les régions et les saisons par les animateurs filières, à partir des informations recueillies et transmises par les  observateurs, le BSV constitue pour le jardinier un outil précieux d’aide à la décision. L’information des tendances d’évolution des bioagresseurs à l’échelle d’une petite région incitera le jardinier à observer, plus précisément, son jardin et à raisonner ses propres stratégies de protection des végétaux.

 

Devenir un jardinier observateur

Avec l’appui de l’animateur régional du réseau le jardinier sélectionnera un ou plusieurs couples plantes/bioagresseurs parmi 68 proposés dans le guide. Le plus souvent le choix se fera à partir des plantes les plus représentées dans le jardin. En dehors des plantes choisies pour l’observation approfondie, le jardinier aura tout loisir de faire des signalements (observations  simples) de présence/absence sur les autres plantes. En tout état de cause, il devra obligatoirement signaler la présence d’un bioagresseur réglementé. Nous estimons  qu’un jardinier observateur ne devrait pas passer plus de 30 minutes par semaine à l’observation de son jardin.

 

L’édition électronique du guide

Le guide mis à disposition des jardiniers est présenté en édition électronique afin d’en permettre une mise à jour permanente en fonction de l’évolution des bioagresseurs à surveiller et du suivi réglementaire. Le format PDF a été retenu pour permettre une impression facile de fiches de terrain pratiques pour l’utilisation au jardin. Donner le goût d’une démarche alliant passion et engagement, science et citoyenneté ; tel est notre objectif. Nous souhaitons permettre au jardinier de développer sa curiosité, ses facultés d’observation et de raisonnement tout en participant, à la mesure de ses moyens, à une œuvre collective en y apportant un peu de son temps, ses connaissances, son expérience et en retour enrichir ses savoirs et ses compétences.


 

2 thoughts on “Impliquer les jardiniers amateurs dans la surveillance biologique du territoire : une contribution originale de la SNHF”

  1. Bonjour,
    le guide électronique d’observation et de suivi des bioagresseurs au jardin existe t’il encore ?

    Je ne l’ai pas trouvé sur votre site

    Il m’aurait bien intéressée

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