Les fougères : des végétaux originaux par leur appareil végétatif et leur reproduction

Chacun d’entre nous connaît les fougères. Elles sont omniprésentes dans les sous-bois ombragés mais aussi dans les landes et sur les vieux murs. Certaines espèces sont souvent cultivées dans nos jardins. Il s’agit de plantes sans fleurs, donc sans graines, et de ce fait originales comparées aux Angiospermes (plantes à fleurs).

« Asplenium Ruta-muraria » in Bonnier, Gaston. Flore complète illustrée en couleurs de France, Suisse et Belgique. Tome douzième. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. Paris : Librairie générale de l’enseignement. Bruxelles : Office de publicité, 1914-1935. Bibliothèque de la SNHF. Fonds ancien. Don de M. H. Leduc. Fol FAN 19 (10)

Les fougères, groupe dominant des Ptéridophytes

Les Ptéridophytes (pteris, fougère, phuton, plante) forment actuellement un groupe modeste avec 12 000 espèces dans le monde (on compte 300 000 espèces d’Angiospermes). Le groupe comprend essentiellement les fougères (11 000 espèces dans le monde avec beaucoup d’espèces tropicales ou équatoriales, dont certaines peuvent atteindre de grandes dimensions, comme les « fougères arborescentes », et d’autres cultivées en serre ou en appartement, représentant 100 espèces en France, auxquelles on adjoint les lycopodes et les prêles.

Les Lycopodes sont de toutes petites plantes (5-15 cm), à tiges couchées, rares, que l’on rencontre surtout dans les sous-bois, les landes et les tourbières montagnards, et qui comptent seulement une quinzaine d’espèces en France (Figure n° 1). Les prêles (Figures n° 2 et 3) sont de petites plantes (20-40 cm, rarement 100 cm) tout à fait originales par leurs tiges cannelées à structure articulée, portant des verticilles de rameaux également articulés, dont on rencontre seulement treize espèces en France. Cette structure « en articles », souvent terminée par un épi, donne aux prêles leur silhouette caractéristique. Le nom du genre, Equisetum, de equus (cheval) et seta (soie), traduit d’ailleurs le nom populaire jadis employé de Queue-de-cheval.

Le nom de Prêle, déformation de asprele dérivé du latin asper (= rude), traduit une autre caractéristique : la présence de silice dans les cellules épidermiques, d’où l’ancienne utilisation des prêles, comme abrasif pour récurer les casseroles et autres ustensiles de cuisine. Au contraire des Lycopodes, beaucoup de prêles sont répandues dans toute la France et une espèce, la Prêle des champs (Equisetum arvense), est très fréquente sur les talus, le long des chemins et peut même devenir envahissante dans nos potagers.

LES PTÉRIDOPHYTES, ROIS DU CARBONIFÈRE

Durant l’époque Carbonifère (-360 à -300 millions d’années), les continents étaient regroupés en un seul supercontinent, la pangée, et de grandes surfaces de l’Eurasie et de l’Amérique du Nord se trouvaient proches de l’équateur. Elles étaient couvertes de forêts tropicales humides, dans lesquelles les Ptéridophytes étaient dominantes. Certaines ressemblaient aux fougères actuelles, d’autres étaient de grands arbres, Lycopodes géants (Lepidodendron) et Prêles géantes (Calamite). La grande quantité de biomasse qu’elles ont accumulée a produit, en se fossilisant, les dépôts de charbon actuels, d’où le terme de « période carbonifère ».

LES FOUGÈRES, PREMIÈRES PLANTES À RACINES ET À VAISSEAUX

Les fougères ont mis en place trois organes bien différenciés: des feuilles (fronde), des tiges et, pour la première fois, des racines permettant la fixation et l’absorption. Elles ont également mis en place des tissus conducteurs de sève. Dans la paroi de certaines cellules de ces tissus est apparue la lignine, une molécule qui assure la rigidité. Ces parois jouent le rôle de squelette, ce qui leur permet de lutter contre la gravité et d’acquérir un port érigé.

Lycopode en massue (Lycopodium clavatum) au Plan-Villard au-dessus d’Arêches (Savoie) – © Pmau – WikiCommons
Prêle des champs avec tiges fertiles – © F. Lamiot – WikiCommons
Prêle des champs avec tiges stériles – © MPF – WikiCommons

Un appareil végétatif aérien limité aux feuilles

La tige des fougères est souterraine. Il s’agit d’un rhizome portant de fines racines. Ce rhizome se développe soit horizontalement, les feuilles qu’il porte sortent alors du sol isolément à quelque distance les unes des autres (Polypode, Fougère aigle…), soit verticalement, et les feuilles sortent alors du sol en touffe (beaucoup d’espèces). Dans tous les cas, les feuilles (appelées frondes) constituent donc les seuls organes visibles hors du sol. Elles comportent un pétiole et un limbe, rarement entier (Scolopendre), le plus souvent finement et délicatement découpé. En début de saison, les jeunes feuilles prêtes à se dérouler présentent un curieux enroulement en crosse, particularité tout à fait caractéristique des fougères. Ensuite ces feuilles disparaissent au cours de l’automne (Fougère aigle, Fougère femelle1 …) ou persistent parfois plusieurs années.

Une reproduction par spores

Par rapport aux feuilles des plantes à fleurs, la grande originalité des frondes de fougères est qu’elles associent à leur rôle nutritif (photosynthèse liée à la présence de chlorophylle) une fonction reproductrice originale : ces plantes n’ont pas encore inventé la fleur.

Les frondes portent à leur face inférieure de petits organes reproducteurs, les sporanges, groupés en amas (sores) souvent recouverts d’une fine membrane (indusie). La forme des sores et de l’indusie est un critère important pour caractériser les genres et espèces de fougères.

À gauche : Une fougère à feuilles isolées (Gymnocarpium du Chêne, on remarquera les jeunes feuilles enroulées en crosse). « Phegopteris dryopteris » in Bonnier, Gaston. Flore complète illustrée en couleurs de France, Suisse et Belgique. Tome douzième. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Paris : Librairie générale de l’enseignement. Bruxelles : Office de publicité, 1914-1935. Bibliothèque de la SNHF. Fonds ancien. Don de M. H. Leduc. Fol FAN 19 (10)
À droite : Une fougère à feuilles en touffe (fougère femelle), « Athyrium Felixfemina » in Bonnier, Gaston. Flore complète illustrée en couleurs de France, Suisse et Belgique. Tome douzième. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. Paris : Librairie générale de l’enseignement. Bruxelles : Office de publicité, 1914-1935. Bibliothèque de la SNHF. Fonds ancien. Don de M. H. Leduc. Fol FAN 19 (10)

Un sporange est un petit sac (quelques millimètres) à paroi mince et transparente, avec un arc de cercle de cellules en fer à cheval, fixé à la feuille par un pédoncule allongé. Il contient de microscopiques semences, les spores. À maturité, sous l’effet de la dessication, l’arc de cercle de cellules se redresse et déchire la paroi du sporange, qui libère ses spores. La dissémination des spores, réalisée par le vent, marque la naissance d’un nouvel organisme indépendant.

Lorsque la température est douce et l’humidité du sol suffisante, les spores germent. Chacune donne naissance à un petit organisme vert très discret (quelques millimètres) en forme de cœur, appelé prothalle, passant inaperçu dans la nature. Le prothalle porte, sur sa face inférieure des sacs microscopiques de deux sortes. Certains, proches de son échancrure, contiennent un gamète femelle immobile (oosphère), les autres situés près de sa pointe, contiennent de curieux gamètes mâles (anthérozoïdes) flagellés, à noyau en hélice.

Lorsque la rosée ou la pluie mouillent le sol, une fine pellicule d’eau recouvre le prothalle. Les gamètes mâles nagent jusqu’au gamète femelle, le fécondent et il devient un œuf. Le développement de cet œuf donne naissance à un embryon, restant fixé au prothalle, qui présente déjà une racine, une tige et une feuille. Très vite, cet embryon devient autonome et engendre la fougère feuillée de départ. La vie de la fougère est donc marquée par l’alternance de deux générations distinctes et indépendantes :

• la plante feuillée, grande, porteuse de spores (nommées pour cette raison sporophyte), et comportant dans ses cellules un double jeu de chromosomes (génération diploïde),
• le prothalle, minuscule, portant les gamètes (et nommée de ce fait gamétophyte), végétal éphémère dont les cellules possèdent un seul jeu de chromosomes (génération haploïde).

Cycle de vie d’une fougère commune, le Polypode (modifié d’après Nabors).

POUR EN SAVOIR PLUS

Judd Walter et al., Plant Systematis, a Philogenetic Approach, fourth edition, Sinauer, 2016.

Moore Randy et al., Botany, Mac Graw Hill, 1995. Nabors Murray, Biologie végétale, Pearson, 2008.

Prelli Rémy, Les fougères et plantes alliées, Belin, 2001. Un ouvrage illustré de photos, clair, complet et pédagogique. La bible pour les fougères françaises.

Thomas Régis, Busti David, Maillart Margarethe, Petite flore de France, Belin, 2016. Une flore simple, où chaque espèce est illustrée d’un dessin couleur, pour déterminer les genres et espèces communs en France.

 


1 L’appellation fougère mâle et fougère femelle fait référence à deux espèces distinctes Dryopteris filix-mas et Athyrium filixfemina et n’a rien à voir avec une quelconque notion de sexualité.

LA REPRODUCTION DE LA PRÊLE DES CHAMPS

La reproduction de la Prêle des champs est très voisine de celle des fougères. Le rhizome porte deux sortes de tiges: des stériles, vertes et avec des verticilles de rameaux, et des fertiles, brunes et nues. Celles-ci se terminent par des épis (strobiles) couverts d’écussons hexagonaux. Chaque écusson porte, sur sa face inférieure, une dizaine de sporanges qui s’ouvrent en libérant des spores munies de quatre languettes s’enroulant et se déroulant au gré des variations de l’état hygrométrique. Ce dispositif favorise la dissémination. Chaque spore germe en donnant un minuscule prothalle (gamétophyte) à bords lobés, produisant à sa face inférieure des sacs mâles et femelles. Les premiers libèrent des gamètes mâles qui vont aller féconder un gamète femelle et donner ainsi un œuf. Chaque œuf produit alors une nouvelle prêle (sporophyte) avec rhizome et tiges stériles/fertiles.

Cycle de vie de la Prêle des champs (modifié d’après Moore)