Focus sur les films à photoconversion : faire varier la lumière pour optimiser la production des plantes maraîchères et horticoles

Les plantes sont soumises à une constante fluctuation de leur environnement et doivent s’y adapter en mettant en place des réponses physiologiques complexes. La lumière, tant au niveau de son intensité que de sa qualité, constitue un des facteurs les plus importants contrôlant à la fois leur croissance et leur développement, notamment via les processus de photosynthèse et de photomorphogenèse.

L’activité photosynthétique de la plante est fonction de l’intensité lumineuse qu’elle reçoit. Deux seuils caractéristiques, propres à chaque espèce, sont décrits : le point de compensation, qui est le niveau minimal de celle-ci où le bilan entre le carbone fixé par l’activité photosynthétique s’équilibre avec le carbone émis par la respiration, et le point de saturation, qui correspond à l’intensité lumineuse où l’activité photosynthétique est maximale.

Photosynthèse et photomorphogénèse

Figure n° 1: Longueurs d’onde du spectre solaire (nm) absorbées par les pigments photosynthétiques présents chez les plantes.

Par définition, la photosynthèse implique l’absorption de l’énergie lumineuse par des pigments végétaux (tels que les chlorophylles et les caroténoïdes) afin de produire des métabolites carbonés comme les sucres1. Ces pigments absorbent préférentiellement certaines longueurs d’onde du spectre solaire tels que le bleu (400-500 nm) et le rouge (600-700 nm) (Figure n° 1). A contrario, d’autres longueurs d’onde sont peu utiles à la plante comme le vert (500- 600 nm), voire néfastes tels que les UVB (280 nm-320 nm).

Contrairement à la photosynthèse, la photomorphogenèse n’implique pas de transformation de l’énergie lumineuse en énergie chimique. La lumière va constituer dans ce cas un signal décrivant l’environnement à proximité de la plante. La perception de ces informations implique que les photorécepteurs soient sensibles à la qualité de la lumière environnante. L’un des exemples illustrant ce mécanisme est le « syndrome de l’évitement de l’ombre » (Shade avoidance syndrom en anglais) qui se manifeste par un étiolement de la plante, une réduction de la surface foliaire et de la biomasse.

Cette réponse est induite par un déséquilibre du ratio entre le rouge clair (pic d’absorption à 660 nm) et le rouge sombre (pic d’absorption à 735 nm) et permet à la plante de s’éloigner de l’ombre induite par ses voisines. Par ailleurs, la manipulation de ce ratio a été exploitée en horticulture en développant des films de serre photosélectifs. En absorbant soit le rouge clair soit le rouge sombre (lointain), ils ont permis de moduler l’architecture de la plante par la lumière (respectivement un allongement de la tige ou une nanification) et de constituer une alternative aux régulateurs de croissance chimiques.

Figure n° 2 : Test des films CL sur les cultures de pomme de terre primeur de Noirmoutieren-l’Ile (à gauche) en 2017, de melon (Malaga, 2018, au milieu) et de framboise (Huelva, 2017, à droite) – © société CASCADE

Que la lumière soit…

D’autres exemples illustrent l’importance de la lumière en production horticole et maraîchère. Ainsi, en Europe, en fonction de la saison, les besoins des cultures en lumière sont différents. En effet, en hiver, l’allongement de la photopériode à 18 heures par un éclairage artificiel (via des lampes HPS (High Pressure Sodium) par exemple) a permis d’augmenter la production des cultures sous serre.

Aujourd’hui, d’autres types de lampes telles que les LED (Light Emitting Diode) apparaissent sur le marché et constituent un bon compromis à la fois énergétique et économique. Plusieurs études en cours visent à optimiser les spectres apportés par les LED sur différentes cultures telles que la tomate, la fraise, la laitue…

Un autre exemple mettant en évidence l’intérêt des films de serre modulant la lumière naturelle est celui des filets d’ombrage photosélectifs (shade nets). En effet, en Israël, leur utilisation permet de réduire de moitié la luminosité et limite les phénomènes de photoinhibition (stress induit chez la plante en conditions d’excès de lumière) sur les cultures, entre autres de poivron. Un gain de production de +100 % par rapport à une culture non ombrée a été obtenu.

Les plantes se font des films et les résultats sont là!

La société Cascade2, créée en 2012, a mis au point la technologie des Cascades Lumineuses, ou CL, qui, intégrées dans les films de serre (petits et grands tunnels) induisent, par des phénomènes d’absorption et de ré-émission, un enrichissement du spectre dans le bleu et le rouge favorisant ainsi l’activité photosynthétique des cultures. L’effet de ces films a été testé dans plusieurs zones de production, principalement en France et en Espagne, sur des cultures telles que la pomme de terre primeur de Noirmoutier-en-l’Ile, le melon, la pastèque ou encore les fruits rouges (Figure n° 2).
Cinq années d’essais agronomiques ont permis une optimisation de ces films en les adaptant aux exigences de chaque culture. Plusieurs critères agronomiques ont été évalués comme la précocité, le rendement commercial cumulé ainsi que la qualité de la production (taux de matière sèche, taux de sucre et d’acidité, calibre, poids…). Les résultats ont montré que l’entrée en récolte de la pomme de terre primeur est avancée d’une semaine avec une augmentation de 9 % du rendement final. Pour la culture du melon, la précocité a été démontrée en Vendée sur les cinq années d’essais et un gain moyen de 7 % de rendement a été mis en évidence en France et en Espagne.
Il ressort également que la performance des films est accentuée lors de mauvaises conditions météorologiques (caractérisées par un faible ensoleillement en début de culture ainsi que par un temps pluvieux). Des gains de rendement de 25 % sur la production de melon ont été constatés en France (en Vendée, année 2016, 11,2 t/ha sous le film de référence contre 14 t/ha sous le film CL) et en Espagne (Malaga, année 2018, 12,4 t/ha sous le film de référence contre 15,52 t/ha sous le film CL). La qualité des fruits est également meilleure : le taux de sucre est susceptible d’être augmenté de + 0,5° Brix (taux moyen de 13,5° sous le film de référence contre 14° sous
le film CL)3.
Les premiers résultats sur la culture de la framboise non remontante en Espagne (Huelva, 2017) sont également très positifs : une augmentation de la production de fruits (+16 %) durant les sept premières récoltes ainsi que du taux de sucre (10,61° sous les films CL contre 7,34 sous le film témoin) et une réduction de l’acidité (2,07 g /100 ml pour le témoin contre 1,6 g/100 ml sous les films CL) ont été quantifiées. D’autres essais sont en cours sur de nouvelles cultures telles que la tomate, le concombre, la courgette, le poivron ainsi que la rose fleurs coupées.

Séverine Lemarié
Ingénieur R&D agronome de la société Cascade

Vincent Guérin
Ingénieur de recherche Inra, IRHS4 Angers

Soulaiman Sakr
Professeur Agrocampus Ouest, IRHS Angers


1 https://www.jardinsdefrance.org/
quoi-de-neuf-en-photosynthese/
2 www.lightcascade.com
3 Les films à Cascades Lumineuses de la gamme Magic☼Lite développés pour les cultures de la pomme de terre primeur et du melon sont proposés à la vente par Agripolyane depuis fin 2018 pour la saison 2019.
4  Institut de recherche en horticulture et semences (Inra/ Agrocampus Ouest, Université d’Angers) .