Élégance et amitié : la symbolique du camellia

Martine Soucail

Molène - © P. Rohou
Molène – © P. Rohou

Originaire d’Extrême-Orient, le camellia est une plante symbolique  dans de nombreux pays d’Asie. Introduit en France à la fin du XVIIIe  siècle, il a séduit non seulement les jardiniers, mais aussi les artistes et les élégantes. Il est aujourd’hui la vedette de nombreux jardins.

Virginie de Pont Riou - © P. Rohou
Virginie de Pont Riou – © P. Rohou

La région d’origine des camellias occupe un immense territoire en Extrême-Orient, qui va du Népal à  la  Chine, de la Corée au Japon, et se prolonge vers le sud jusqu’au  Vietnam.

Symbolique du camellia en Orient

Au Japon, le camellia (Camellia japonica) s’appelle «  tsubaki  », modification phonétique d’un arbre à feuilles épaisses, doté d’une forte valeur culturelle liée au cérémonial sacré de l’empire. Il est l’emblème des samouraïs, qui voyaient dans les pétales rouges des fleurs tout juste ouvertes un symbole de la fugacité de la vie. Les camellias, dont les fleurs simples portent de remarquables bouquets d’étamines, y symbolisent l’amitié, l’élégance et l’harmonie.

En Chine, Camellia sinensis s’appelle «  cha » : c’est l’arbre à thé, dont l’idéogramme combine les symboles de l’arbre et du printemps. Il évoque la longévité, le lien amoureux et le mariage heureux, la chance et le bonheur… La fleur de camellia idéale pour les Chinois est double, la vue des étamines étant considérée comme vulgaire. C’est ce même critère qui a longtemps été retenu par les Européens pour définir leur fleur idéale.

En Chine et au Japon, les camellias ont fait partie d’une longue tradition horticole, bien avant d’arriver en Europe vers la fin du XVIe  siècle. Les premiers camellias recensés auraient alors pris racine au Portugal et aux Açores. Mais c’est à la fin du XVIIIe siècle que Camellia japonica prendra son véritable essor en France, via l’Angleterre. Au début du XIXe siècle, il arrive à Nantes, qui deviendra plus tard la capitale du camellia.

Une plante aux vertus reconnues

Depuis les temps les plus reculés, les camellias ont tenu une place très importante parmi les ressources végétales précieuses du Japon et de la Chine, grâce à l’extraction de l’huile très riche qui se trouve dans leurs graines. Cette huile a toujours été utilisée pour la cuisine et dans la fabrication de crèmes traitant le dessèchement de la peau et des cheveux ou fortifiant les ongles. L’huile de camellia sert aussi d’excipient dans la fabrication de médicaments.

Pour les anciens Chinois, le jardin répondait à un besoin vital, évoquant l’évasion, le rêve, la liberté. Un vieux proverbe conseillait d’ailleurs : «  Si tu veux être heureux toute ta vie, fais un jardin.  » Dans chacun de ces jardins, on rencontrait assurément un camellia, une fleur très largement représentée sur les fines porcelaines de Chine, les boîtes de laque, etc.

Dans le jardin de Fañch Le Moal, à Plouisy, près de Guinguamp (22) - © F. Le Moal
Dans le jardin de Fañch Le Moal, à Plouisy, près de Guinguamp (22) – © F. Le Moal
P’tit Zef - © P. Rohou
P’tit Zef – © P. Rohou
Park Leo - © P. Rohou
Park Leo – © P. Rohou
Alix de Kermoor - © P. Rohou
Alix de Kermoor – © P. Rohou

Les grandes étapes de l’histoire des camellias

Dès son introduction en Europe, le camellia suscite un intérêt jamais démenti depuis. C’est en 1712 que le médecin allemand Kampfer décrit pour la première fois le tsubaki. Vingt-trois ans plus tard, Carl von Linné donne à la plante le nom botanique de Camellia, pour honorer le travail du père jésuite et pharmacien allemand Georg Joseph Kamel (1661-1706). Ce virtuose de la botanique est ainsi devenu le père du camellia sans l’avoir jamais vu ni connu. En 1753, Linné ajoute au genre Camellia le nom d’espèce japonica. Les premiers camellias sont introduits en France dès 1783. L’impératrice Joséphine de Beauharnais met cette fleur à la mode et col­lectionne les camellias avec beaucoup de bonheur au château de Malmaison (92). En 1792, les premiers cultivars à fleurs doubles originaires de Chine sont introduits en Europe. En 1819, une première monographie cite 31 cultivars différents de Camellia japonica et, en 1845, paraît la célèbre mono­graphie du genre Camellia de l’abbé Berlèse. Présentant plus de 700  cultivars, cet ouvrage demeurera la bible des amateurs pendant des dizaines d’années. Il a d’ailleurs été réédité en 2005.

Au début du XIXe siècle, le camellia représente la troisième vente de fleurs coupées, derrière la rose et le dahlia. En 1848, Alexandre Dumas fils s’empare de la mode du jour et publie La dame aux camélias, oubliant un «  l  » mais rajoutant un accent. Son héroïne, Marguerite Gautier, arbore toujours une fleur de camellia, qu’elle apprécie particulièrement pour son absence de parfum. Elle la choisit de couleur blanche quand elle est disponible pour ses amants, rouge quand elle est indisposée. En 1853, Verdi reprend le même thème pour son très célèbre opéra La Traviata. Le 1er  janvier 1888, 120 000 boutonnières de camellias nantais sont vendues aux halles de Paris, essentiellement var. Nobilissima. Il s’agit alors du complément indispensable aux belles tenues du soir des fêtes parisiennes. Enfin, plus près de nous, au XXe  siècle, c’est Coco Chanel (1883-1971) qui relancera la grande mode du camellia blanc, à la boutonnière pour les messieurs, dans les cheveux ou en broche pour les dames.

Le conservatoire des variétés bretonnes de camellias

Le projet d’un conservatoire des variétés bretonnes de camellias date de 2008, à la suite de l’inventaire effectué auprès des adhérents de la Société bretonne du camellia. Toutes les données ont été rapidement transcrites sur un fichier informatique, enregistrant le nom de la variété et le type, chaque participant étant codé par un numéro. À  partir de 2012, toutes les variétés à consonance bretonne, certaines n’existant que chez un seul adhérent, ont été répertoriées à part, avec une description de la plante et de la fleur : elles sont plus de 500 à ce jour, issues de 32  obtenteurs. Le projet d’un conservatoire qui leur soit dédié est finalement concrétisé en 2013, avec la mise à disposition d’un terrain de 3 000  m2 en pleine ville par la municipalité de Châteauneuf-du-Faou, dans le Finistère. Le service espaces verts a pris en charge son aména-gement et son entretien, la Société bretonne du camellia fournissant les plants et assurant le suivi technique.

Depuis les premières plantations, en mars  2014, ce sont ainsi 180 variétés de camellias bretons qui ont été rassemblées, associées à quelques magnolias. Une pagode de style japonais, rappelant l’origine de cette «  rose de l’hiver  », y a été réalisée par le lycée professionnel des métiers du bâtiment de Pleyben (29).

Deux autres projets sont en cours cette année : le regroupement des espèces de camellias de Bretagne et de France au Conservatoire botanique national du vallon du Stang Alar à Brest, et la création, à Châteauneuf-du-Faou, d’une collection des camellias du monde, pour regrouper les  variétés d’un même obtenteur.

Contact : Pierre Rohou (pierre.rohou228@orange.fr)

Congrès de l’ICS 2018 en France

Pour la première fois depuis vingt-huit ans, la ville de Nantes (44) a accueilli cette année le congrès de l’ICS (International Camellia Society), qui réunit ses membres tous les deux ans, alternativement en Asie, en Europe et aux États-Unis.

Trois cents passionnés de vingt nationalités, venus du monde entier, se sont ainsi retrouvés du 25 au  28  mars à la Cité des congrès, pour suivre les conférences scientifiques, échanger sur les perspectives de recherche et le développement de nouvelles variétés, et visiter les parcs botaniques de la ville. Un pré-congrès en Bretagne et un post-congrès, avec deux options, dans le  Sud-Ouest ou en Normandie, avant une réunion finale à Paris, ont permis à la grande famille des camelliophiles de se retrouver dans une ambiance conviviale pour découvrir sites emblématiques et pépinières spécialisées.

Parmi les jardins visités, deux sont labélisés Jardins d’excellence par l’ICS, pour leur importance et leur qualité de niveau international : le parc de Trévarez et Park ar Brug, le jardin de Fañch Le Moal à Plouisy, tous deux en Bretagne.

L’association ICS France constitue l’antenne française de l’ICS, et son représentant actuel est Pascal Vieu, responsable des collections végétales de Trévarez.

Les prochains congrès auront lieu à Goto au Japon en 2020, puis à Orta, en Italie, en 2022.

Contact ICS France : Alain Stervinou (alainstervinou@hotmail.fr) ou Martine Soucail (cm.soucail@wanadoo.fr)

Une fleur aux multiples facettes

La palette de couleurs des fleurs de camellias comprend le blanc pur, le rose tendre, le rose soutenu, le rouge rosé, le rouge orangé, le rouge clair et le rouge sombre. Toutes les nuances intermédiaires sont possibles. Les pétales peuvent être unis ou bicolores, striés, lignés, tachetés, mouchetés ou encore saupoudrés. On rencontre également certaines fleurs multicolores. La couleur comme la forme des fleurs de camellias varient selon les conditions.

Très peu de couleurs sortent de cet éventail blanc, rose ou rouge. Les variétés ’Brushfield’s Yellow’ et ’Jury’s Yellow’, par exemple, montrent un intérieur des fleurs jaune pâle qui les fait paraître entièrement jaunes. Il existe effectivement des camellias aux fleurs jaunes, mais ils sont trop frileux pour nos latitudes. Les tons bleus sont en revanche totalement absents.

Perle de L’Odet - © P. Rohou
Perle de L’Odet – © P. Rohou
Agnès de Lestaridec - © P. Rohou
Agnès de Lestaridec – © P. Rohou
Bleunienn an Trev - © P. Rohou
Bleunienn an Trev – © P. Rohou

Un sol bien aéré pour une bonne réussite

Le camellia est une plante acidophile, qui a besoin d’une terre au pH inférieur à 7 pour bien se développer. Sa situation idéale est une terre au pH de 5 à 6,5, avec un sol riche en humus, bien aéré, frais et humide, sans eau stagnante. Une région dont le sol est acide se reconnaît par les plantes qui y poussent naturellement : bruyères, fougères aigles, ajoncs, bouleaux ou encore châtaigniers.

Dans les régions au climat tempéré, comme tout l’ouest de la France, le camellia peut être planté au soleil. Le sol y est acide, mais aussi frais et humide tout au long de l’année.

Un sol alcalin ou basique, au pH supérieur à 7, lourd et compact, devra être allégé pour pouvoir y planter des camellias. Dans les régions continentales et plus chaudes, il faudra planter les camellias à l’abri du soleil direct. En Île-de-France, aux sols lourds et souvent imperméables, ils ne pourront pas prendre racine dans la terre du jardin.

Une grande famille

Parmi les 280 espèces de camellias répertoriées, 250 sont originaires de Chine. On dénombre environ 60 000 variétés qui ont été dénommées.

Si beaucoup d’espèces sont sensibles au froid, plusieurs cependant peuvent pousser sur le sol français : Camellia japonica, C. sasanqua, C. sinensis, C. hyemalis, C. lutchuensis, C. fraterna, C. pitardii, C. transnokoensis, C. tsaii, C. rosthorniana, C. yushsiebnsi, C. grigii, C. oleifera, C. rusticana.

Les espèces qui ont donné le plus grand nombre de variétés sont les C. japonica, C. sasanqua, C. hyemalis, C. reticulata, C. rusticana, C. higo et les Camellia japonica X saluensis.

Pour en savoir plus

Camélias, choisir et cultiver les meilleures variétés, de Thomas et Olivier Roué, éditions Ulmer, collection Les Essentiels (2013), 160 p, 19,90 €.

Voir aussi les sites de camellias.pics et des pépinières : Roué, Sterviniou, Thoby, Lemaître

Pour contacter ICS France : icsfrance@hotmail.fr