Conservation des produits frais. Un impact sur les phytomicronutriments

Stéphane Georgé

La conservation des produits frais peut conduire à une diminution des teneurs en micronutriments - © INRA
La conservation des produits frais peut conduire à une diminution des teneurs en micronutriments – © INRA

La conservation des produits frais

La conservation des produits frais conduit généralement à une diminution des teneurs en micronutriments qui peut varier de 10 à 90 % selon la fragilité des produits. Les légumes feuilles, qui présentent une surface de contact avec l’air très importante, sont les plus touchés. Après trois jours de conservation post récolte, une salade ne contient plus de vitamine C ! Par contre, la peau épaisse d’une orange est une barrière à l’oxygène qui permet de préserver toutes les vitamines oxydables, comme la vitamine C.

Chez la tomate, la teneur en caroténoïdes continue à augmenter après récolte. On observe ce phénomène quand on cueille une tomate au stade vert-orange et qu’on la laisse murir à la cuisine. Mais, de manière générale, la conservation après récolte entraîne une perte en caroténoïdes. De plus, ces pertes sont plus importantes dans une salade quand on ajoute une sauce vinaigrette.

Six gammes de fruits et légumes, deux types de produits

– Le marché des fruits et légumes peut se répartir en 6 gammes, en fonction des modes de fabrication et des modes de conservation :

  • La 1e gamme ou 1e gamme améliorée : produits frais, éventuellement parés ou tranchés, conservés à température ambiante ou réfrigérés
  • La 2e gamme : les produits pasteurisés ou stérilisés, conservés à température ambiante
  • La 3e gamme : les produits surgelés, conservés à -18°C
  • La 4e gamme : les produits frais prédécoupés, prêt à l’emploi, (salades sous sachet), conservés au froid (+4°C)
  • La 5e gamme : les produits cuits sous vide, pasteurisés ou stérilisés, conservés au froid (+4°C)
  • La 6e gamme : les produits déshydratés, conservés à température ambiante

On peut distinguer deux grands types de produits :

  • les produits frais : 1e et 4e gammes
  • les produits transformés : 2e et 6e gammes (à conserver à température ambiante) ; 5e gamme (à conserver à température réfrigéré) et la 3e gamme (à conserver à température négative)

D’autres produits existent comme les produits fermentés.

Des phytomicronutriments plus ou moins fragiles

Les principaux phytomicronutriments des fruits et légumes sont :

  • les vitamines du groupe B (en particulier les folates), Vitamine C, Vitamine E
  • les caroténoïdes dont le béta-carotène, le lycopène, …
  • les polyphénols dont les anthocyanines, les flavonoïdes, …
  • les glucosinolates
  • Les fibres alimentaires

Les plus fragiles vis-à-vis des procédés de fabrication ou de conservation dans lesquels la température est utilisée sont les folates (vitamine B9), les glucosinolates, la vitamine C et les anthocyanines. Par contre, les caroténoïdes, la plupart des polyphénols et les fibres alimentaires ne sont que peu impactés. De nouveaux procédés n’utilisant pas la température comme technique de stabilisation tels que les hautes pressions ou les champs électriques pulsés sont utilisés pour préserver les qualités nutritionnelles et organoleptiques des produits.

L’épluchage impacte la qualité nutritionnelle des produits végétaux

Les nutriments sont très concentrés dans les parties externes des fruits et légumes. L’épluchage est donc un facteur majeur de diminution des teneurs en phytomicronutriments, en particulier pour les polyphénols mais aussi les caroténoïdes. Dans la pomme, 50 % des polyphénols sont concentrés dans l’épiderme. Dans la tomate, la peau et les graines contribuent en moyenne à 53 % des polyphénols, 48 % du lycopène, 43 % de la vitamine C.

 Les produits stabilisés par la température

La conservation par le froid est un bon moyen de stabilisation et de conservation

En dehors de l’épluchage, les opérations de lavage et de blanchiment avant congélation diminuent les teneurs en composés susceptibles d’être perdus par diffusion dans l’eau comme les folates, les glucosinolates et certains polyphénols.

La congélation ralentit fortement les réactions chimiques de dégradation. Elle permet de préserver la qualité nutritionnelle à condition que les emballages ne soient pas perméables à l’oxygène. Plus le végétal est finement découpé ou broyé, plus la sensibilité à l’oxygène des composés est grande entraînant des pertes importantes.

Framboises congelées : la congélation ralentit fortement les réactions chimiques de dégradation - © INRA
Framboises congelées : la congélation ralentit fortement les réactions chimiques de dégradation – © INRA

Les caroténoïdes sont assez stables dans ces conditions de conservation. Cependant, pour des cubes ou de la purée de pastèque congelés, des pertes de 30 à 40 % ont été observées après un an de stockage à – 20°C. L’emballage (perméabilité) a également son importance puisque pour des jus concentrés, une perte plus importante a été constatée pour un stockage réalisé dans des emballages en plastique comparé à celui réalisé dans des boîtes métalliques.

Les polyphénols sont également stables à la congélation, par exemple pas de perte dans le cas du jus de framboise à la congélation/décongélation.

Sans blanchiment préalable permettant d’inhiber les enzymes de leur dégradation, la disparition des glycosinolates est quasi-totale lors de la décongélation.

Les températures élevées permettent également de stabiliser les produits.

Les composés hydrosolubles comme les folates, la vitamine C, les glucosinolates et certains polyphénols sont lessivés lors de la cuisson à la vapeur mais surtout par la cuisson à l’eau. La cuisson dans un minimum d’eau ou vapeur est donc recommandée. Pour les micro-ondes, les études montrent plutôt une bonne rétention des phytomicronutriments comme les polyphénols.

La chaleur inhibe la myrosinase empêchant la transformation des glucosinolates en isothiocyanates. Cependant, à partir de 125 °C, les glucosinolates sont dégradés en isothiocyanates. La dégradation des glucosinolates en isothiocyanates intervient aussi lors de la digestion.

Les polyphénols semblent stables au traitement thermique.

Les produits déshydratés

La déshydratation s’effectue par des séchages classiques ou par des méthodes d’échanges de solutés (confisage, déshydratation osmotique). Dans le cas du séchage classique, il y a des dégradations enzymatiques. Caroténoïdes et vitamine C sont particulièrement touchés. Lors des opérations de séchage long comme pour les pruneaux, les polyphénols sont oxydés d’où la couleur brun foncé. La déshydratation osmotique présente un certain nombre d’atouts par rapport aux techniques traditionnelles de séchage car l’aliment est traité à plus basse température (max 85°C) et à l’abri de l’oxygène (immersion).

Champs électriques pulsés et hautes pressions

Les champs électriques pulsés donnent les mêmes résultats que les traitements thermiques classiques.

Dans les traitements haute pression, les études montrent la rétention de la vitamine C à 80 %. Mais il existe des exceptions. L’utilisation de niveaux de pression à hauteur de 6 000 bars peut aboutir à une dégradation similaire à celle obtenue avec une pasteurisation thermique.

Les études portant sur le béta-carotène sont controversées. Des traitements de 6 000 bars à 25°C pendant 60 minutes peuvent être sans effet sur le béta-carotène alors que des traitements de 5000 bars à 25°C pendant 10 minutes et 60 minutes peuvent entraîner au contraire des pertes en béta-carotène de 40 % et 60 % respectivement. De plus, les hautes pressions ne permettent pas une inactivation totale des enzymes, d’où un brunissement qui apparait au cours du stockage des produits transformés, comme les jus de pomme.

Fermentation bénéfique

Les fruits et légumes s’adaptent particulièrement bien à la fermentation. La lacto-fermentation ne nécessite aucune énergie et a une action antiseptique sur les fruits et légumes. La teneur en vitamines des produits lacto-fermentés est préservée. Non seulement la fermentation assure une bonne conservation des vitamines présentes mais les microorganismes synthétisent également de nouvelles vitamines notamment B. L’ingestion de produits lacto-fermentés favoriserait la flore intestinale.

A lire …

Alimentation et processus technologies. Alain Branger, Marie-Madeleine Richer et Sébastien Roustel. Éditions Éducagri, 2007 (ISBN 2844445594), p. 85.

 

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