Citrus au jardin ou en pot : Attention à l’eau, au sol et à la température !

Franck CurkOlivier Pailly

Photo 1 : Symptôme d’excès d’eau sur un mandarinier adulte. © F. Curk. Inra
Photo 1 : Symptôme d’excès d’eau sur un mandarinier adulte. © F. Curk. Inra

Cultiver des Citrus au jardin ou en pot pose de nombreuses interrogations aux jardiniers amateurs. Pour les aider à obtenir de beaux sujets, voici des réponses aux questions les plus fréquemment posées…

Pour beaucoup d’Européens, les agrumes sont le symbole de la Méditerranée, alors qu’ils sont presque tous originaires d’Asie et généralement cultivés entre les 40e parallèles Nord et Sud. En France, de nombreux passionnés cultivent des agrumes en pots et continuent ainsi une tradition qui remonte à plus de 300 ans avec la collection d’agrumes de l’orangerie de Versailles.

Les facteurs limitant à leur culture sont le climat (ils n’aiment ni le froid, ni l’excès ou le manque d’eau), le type de sol, les maladies et les ravageurs.

La gestion de l’eau : un casse-tête !

En plein champ ou en pot, les agrumes doivent être irrigués en période sèche. Néanmoins, l’apport d’eau doit être raisonnable. Comme de nombreuses espèces végétales, les agrumes sont sensibles à l’excès d’eau, d’autant que leur feuillage est pérenne, ce qui signifie que la plante est active toute l’année. Les arbres à feuillage caduque sont capables de supporter des périodes d’inondation prolongées lorsqu’ils sont en repos hivernal. L’excès d’eau conduit à la mortalité du système racinaire par asphyxie (privation d’oxygène). Contrairement à un manque d’eau, à moins qu’il ne soit particulièrement prolongé, l’excès d’eau a donc un impact définitif sur le système racinaire qui conduit à la mort de l’arbre. Il est donc beaucoup plus difficile de faire mourir un agrume de sècheresse que d’excès d’eau. Les symptômes sont une inclinaison des feuilles vers le bas, une perte de brillance, parfois un jaunissement, puis un dessèchement et une chute des feuilles et enfin un dessèchement des rameaux (photo 1).

L’importance du substrat

Photo 2 : symptôme de manque d’eau. ©F. Curk. Inra
Photo 2 : symptôme de manque d’eau. ©F. Curk. Inra

Les symptômes d’un manque d’eau sont au contraire une incurvation des limbes vers le haut, comme si la feuille se fermait sur elle-même, puis également dessèchement et chute (photo 2). Les conditions d’enracinement et les caractéristiques du sol sont donc fondamentales. Les sols les plus favorables sont composés de 5 à 20 % d’argile, de 15 à 20 % de limons, de 20 à 30 % de sable fin et de 30 à 50 % de sable grossier car ils concilient à la fois une bonne rétention d’eau et une porosité suffisante pour aérer les racines. Si les agrumes sont cultivés en pot, la composition du substrat doit être comparable au sol « idéal ». La proportion de sable fin et grossier doit constituer environ la moitié du substrat. La présence d’une soucoupe sous le pot est à proscrire car l’eau retenue peut provoquer l’asphyxie des racines. L’eau doit être apportée régulièrement et avec modération durant la saison estivale et doit être limitée durant l’hivernage sans être totalement suspendue. Un dessèchement de la surface du substrat, avant de déclencher, un apport d’eau est un bon indicateur de gestion.

Le calcaire : une situation à éviter

Les sols calcaires ou à forte salinité constituent la limitation majeure à la culture des agrumes dans le monde. Dans de telles conditions, l’assimilation du fer est limitée et, par conséquent, la croissance des plantes et la production de fruits. Cette carence en fer est appelée « chlorose ferrique ». Les symptômes sont un jaunissement des feuilles à l’exception des nervures qui restent vert foncé. Dans de telles situations, par exemple en Languedoc-Roussillon et en Provence, il est important de choisir des variétés greffées sur des porte-greffes tolérants au calcaire (cf. encadré)

Si les agrumes sont cultivés en pots, il est important d’éviter de les arroser avec une eau calcaire ou « dure » car les mêmes symptômes de chlorose ferrique peuvent apparaitre, même si le substrat de culture n’est pas calcaire. Il est préférable de les irriguer avec de l’eau de pluie ou de corriger le pH de l’eau (valeur optimale entre 6.5 et 7).

Agrumes : porte-greffe tolérants au calcaire

– Citrus volkameriania, tolérant aux sols secs, calcaires et salins, il induit une bonne vigueur à la variété. Il est bien adapté aux citronniers, mais attention aux excès d’eau ;

  1. – Citrus macrophylla, tolérant aux sols calcaires et supportant des teneurs en chlorures élevées, induit une bonne vigueur mais sensible à deux maladies : tristeza et cachexie ;
  2. – Le mandarinier Cléopâtre, bien adapté aux sols calcaires et salins mais induisant une faible productivité;
  3. – Le bigaradier commun (ou Oranger amer), le plus ancien des porte-greffes pour les agrumes, s’adapte bien à tous les types de sols, y compris calcaires, bonne affinité avec l’ensemble des variétés mais sensible à la tristeza (hormis pour l’association bigaradier-citronnier).

En revanche, Poncirus trifoliata et, dans une moindre mesure, certains de ses hybrides (les citranges, Carrizo, Troyer, C-35, …) sont à éviter en sol calcaire.

Noircissement des fruits à peine formés et chute

Photo 3 : Le début de la chute physiologique ou « chute de juin ». © O. Pailly. Inra
Photo 3 : Le début de la chute physiologique ou « chute de juin ». © O. Pailly. Inra

Les agrumes ont une floraison abondante, notamment les mandariniers et clémentiniers. Il n’est pas rare de compter 150 à 200 000 fleurs sur un arbre adulte. Pourtant, le pourcentage de fleurs qui donnera un fruit mûr est extrêmement faible : au mieux 5 % ! Si la floraison est particulièrement importante, ce pourcentage peut chuter jusqu’à 1 ‰. C’est un phénomène naturel qui est appelé chute physiologique. Il débute dès la nouaison (chute des pétales) et intervient surtout au début de la croissance des fruits, de début juin à mi-juillet ; on appelle également ce phénomène « chute de juin » (Photo 3). Les jeunes fruits jaunissent, se dessèchent, noircissent et tombent. Ce phénomène correspond vraisemblablement à une régulation physiologique d’ajustement du nombre de fruits en croissance à la disponibilité en élément nutritifs, à l’échelle de la plante. Les fleurs les plus précoces, ou situées en position terminale de pousses feuillées, ont une probabilité de chute physiologique plus faible.

Faible floraison ou absence de floraison : des arbres jeunes…ou qui mènent la belle vie !

Les jeunes arbres passent par une phase de non-production de fleurs appelée « phase juvénile ». La floraison n’a en général pas lieu dans les 3 ans qui suivent le greffage et reste faible les deux années suivantes.

Le phénomène de floraison est dû à la succession de deux processus : l’initiation florale, qui par la réception d’un ensemble de signaux permet à un bourgeon végétatif de passer au stade de bourgeon fructifère et la différentiation florale, (formation des ébauches des différents organes floraux). Chez les agrumes, l’induction florale est provoquée par un stress, le plus souvent environnemental. Sous un climat méditerranéen ce sont les températures basses hivernales qui génèrent ce stress. La différentiation florale sera initiée dès que les températures redeviennent favorables (en mars) conduisant au développement des fleurs mi-mai. Sous un climat tropical, c’est la saison sèche. La différentiation florale interviendra dès le retour des pluies (ou de l’irrigation) et conduira à la floraison deux mois plus tard.

Hivernage : agir avec prudence 

Lorsque les agrumes sont conduits en pot et mis en hivernage, il est donc important de réduire fortement l’irrigation durant l’hiver pour provoquer un stress hydrique. La floraison interviendra alors environ deux mois après la reprise des apports d’eau. Attention, ce stress ne doit pas mettre en danger la plante, il faut donc agir avec prudence. La mise en hivernage ne doit pas se faire dans le salon à côté du radiateur mais dans une pièce hors-gel !

Une végétation abondante, des pousses vigoureuses, une couleur des feuilles d’un vert intense sont les signes de conditions de culture hivernales peu contraignantes pour l’arbre… et donc, peu favorables à l’induction florale. Mais attention, la présence de fleurs ne garantit pas la production de fruits !

A lire

– Les clémentiniers et autres petits agrumes. C. Jacquemond, F. Curk et M. Heuzet (eds). 2013. Editions Quae. Versailles

– Pépinières et plantations d’agrumes. B. Aubert et G. Vullin (eds). 1997. Editions Quae

 

> Télécharger le PDF