Bonnes feuilles : l'écrit sur le végétal, hier et aujourd'hui

Anne-Sophie Berthon

Les bulletins des sociétés savantes de province : un patrimoine écrit, singulier et richeLes bulletins des sociétés savantes de province : un patrimoine écrit, singulier et riche

Né au XVIIe siècle, le livre horticole est le privilège d’une minorité. Les notables se constituent des bibliothèques en même temps que des cabinets de curiosité. Moins onéreuses et mieux diffusées, les revues scientifiques apparaissent au milieu du XVIIIe siècle, suivent aussi les premiers catalogues commerciaux de pépiniéristes et d’horticulteurs… faisant la part belle aux jolies illustrations...

Une gravure extraite de "La théorie et la pratique du jardinage", l'ouvrage de A.-J. Dezallier d'Argenville, 4e éd. chez Pierre-Jean Mariette, 1747. La première édition remonte à 1709. Le seul ouvrage qui informe sur la construction des jardins de l'époque Le Nôtre.


" Il existe aujourd’hui une véritable littérature horticole. On ne compte plus les ouvrages qui se publient sur l’arboriculture fruitière, la floriculture, les maladies des plantes, les engrais. " La première phrase de " L’étude sur la bibliographie et la littérature horticoles anciennes " (Journal de la SNHF, novembre 1905) est toujours d’actualité. À l’époque, Georges Gibault (1856-1941), bibliothécaire de la SNHF, dressait la liste des publications, essentiellement françaises, qui avaient compté dans l’histoire horticole. Il signalait notamment Rarorium plantarum Historia (1601) de Charles de L'Écluse, Théâtre des plans et jardinages (1652) de Claude Mollet, le premier traité français de jardinage, Instruction pour les jardins fruitiers et potagers (1690) de Jean de La Quintinie, La Théorie et la pratique du jardinage (1709) d’Antoine Joseph Dezallier d’Argenville.

 

 

De la multiplication des feuilles

Si les écrits des agronomes de l’Antiquité traitent de l’arboriculture et de la culture potagère, le livre horticole ne naît qu’au XVIIe siècle en se démarquant de l’agriculture. Au Siècle des Lumières, il s’adresse aux « professionnels » et aux « amateurs éclairés ». Les notables se constituent des bibliothèques en même temps que des cabinets de curiosité. Les ouvrages coûtent cher et la culture reste le privilège d’une minorité. Le nombre de lecteurs est donc encore restreint mais certains " best-sellers " sont régulièrement réédités pendant un siècle en dépit d’un style lourd et d’informations jugées, approximatives par les critiques autorisés.



Premières revues savantes

C’est aussi le début de la vulgarisation scientifique. À partir du milieu du XVIIIe siècle, des revues scientifiques font leur apparition. Moins onéreuses que les livres, elles sont aussi plus dif fusables. Les académies et autres sociétés savantes conservent et commentent ces publications, telle Le Bon jardinier, almanach encyclopédiste publié depuis 1754. C’est également l’époque des inventaires des collections d’un jardin ou d’une serre, des livres de voyage décrivant des plantes de pays lointains et des premiers catalogues commerciaux de pépiniéristes et d’horticulteurs. Parallèlement, les flores régionales foisonnent. Dans tous ces imprimés, l’illustration se fait de plus en plus présente.
Aux XIXe et XXe siècles, les progrès de l’imprimerie rendent le livre accessible à presque toutes les bourses. Conjointement, ceux de l’agronomie et de la botanique et la multiplication des jardins privés livrent de nombreuses et nouvelles informations à diffuser. Pour ne donner qu’un exemple, dans sa Bibliographie de l'Art des jardins, l’historien des jardins Ernest de Ganay (1880-1963) répertoriait, en 1944, 571 titres. L’ouvrage fut d’ailleurs réédité en 1989 tant la demande était forte. Dix ans plus tard, la Mairie de Paris publia L’art des jardins, catalogue des collections de quatre grandes bibliothèques parisiennes (Administrative, École du Breuil, Forney, Historique). Il comprenait 3 300 notices.

 

" Nul n’est censé ignorer la loi "

3 ans d’emprisonnement et 150000 € d’amende, c’est ce que vous risquez si vous vous rendez coupable de contrefaçon, c’est-à-dire si vous reproduisez une oeuvre sans en avoir l’autorisation. Si l’auteur est identifié, il est impératif de le contacter pour lui demander (et recevoir) sa permission par écrit. S’il ne l’est pas, son oeuvre n’est pas pour autant tombée dans le domaine public. S’il est décédé, toutes les utilisations ne sont pas non plus possibles. Un texte " libre de droits " correspond à un auteur décédé depuis plus de 70 ans (hors années de guerre) et 100 ans si l'auteur est mort au champ d'honneur. Ainsi, un " vieux " livre de 1895 n’est pas libre de droit si son auteur est décédé en 1941 (1941 + 70 + 6 = 2017). Les calculs (et les recherches) se compliquent si l’oeuvre est collective : il faut alors compter à partir de la mort du dernier auteur décédé. Ne pas perdre de vue que l’auteur, c’est celui qui rédige le texte bien sûr, mais également les illustrateurs. Une exception : si vous reproduisez un périodique dans son intégralité, c’est la date de publication qui fait foi (si vous ne reproduisez qu’un article, le droit des monographies s’applique).
Dans tous les cas, il est totalement illégal de reproduire une oeuvre sans l’accompagner du nom de son auteur original.

 

Et aujourd’hui ?

D’après la dernière enquête de Promojardin (2009), 89 % des foyers français disposent d’un espace de jardinage lié à leur habitat principal et les dépenses liées à ce secteur ne cessent d’augmenter d’année en année. Cet engouement des Français se retrouve naturellement dans les publications, chaque éditeur proposant au moins un titre de périodique ou une collection sur cette thématique. Comme en 1905, les livres sur le jardinage envahissent les rayons. Comme en 1905, le bon grain côtoie l’ivraie. " Il y a clairement surproduction ", commente Olivier Pochard, responsable de la librairie Les Jardins d’Olivier, " les grands éditeurs généralistes manquent d’inspiration et font du " repiquage " en rééditant de vieux titres ou en extrayant des chapitres pour fabriquer un petit opuscule thématique. Seuls les éditeurs spécialisés restent innovants et prennent des risques économiques. Les amateurs éclairés et les professionnels qui se lancent dans l’écriture sont contraints de s’adresser à de petits éditeurs ou de publier à compte d’auteur ; ce sont pourtant souvent des textes de bon niveau. "Le lecteur français ne se complaît pas dans la facilité. L’afflux d’informations le rend plus exigeant et l’accès à la connaissance plus gourmand de " bonnes feuilles ". Il ne demande qu’à être contenté.

 


Le plan du jardin d'acclimatation réalisé dans le Bois de Boulogne par Jean-Pierre Barillet-Deschamps. Gravure extraite du monumental ouvrage de Jean-Charls Alphand "les Promenades de Paris" publié chez Rothschild entre 1867 et 1873.


Les bulletins des sociétés savantes de province :
un patrimoine écrit, singulier et riche

La Société d’Horticulture d’Orléans et du Loiret est née en 1839 sous la présidence de son fondateur Pierre-Félix Porcher, magistrat, alors juge au tribunal d’Orléans. Sa passion pour les fuchsias – il possède plus de 540 taxons dans sa serre – le rapproche de l’horticulture. Dès 1844, le président Porcher apporte sa contribution au patrimoine écrit en publiant un ouvrage Du fuchsia, son histoire, sa culture. Ce livre sera réédité en 1848, 1857 et 1874 avant d’être repris par la SNHF (section fuchsias) qui procédera à sa 5ème édition en 1996. Il contribuera également à l’enrichissement du genre avec la création de trois nouvelles variétés, entre 1851 et 1853. Pendant près d’un siècle, les membres de la société effectuent des recherches poussées dans les domaines de l’agronomie, de la physiologie végétale, organisent des expositions et des visites techniques de jardins. Toutes ces actions sont minutieusement relatées dans les procès-verbaux des séances, regroupés en bulletins. Les nouvelles obtentions et introduction végétales y sont soigneusement consignées.
De 1841, date de parution du premier bulletin de la société, jusqu’en 1911, 21 tomes de ces bulletins seront édités sans discontinuité, sous forme de livres reliés représentant au total 10 750 pages. Ce patrimoine témoigne de l’évolution de l’horticulture. Il constitue une source précieuse d’informations pour des botanistes, des passionnés de plantes, mais aussi des historiens. Au-delà des aspects horticoles, ces derniers peuvent y puiser des informations permettant de retracer l’évolution économique et sociale de la région. La mutualisation des fonds documentaires constitués par les bulletins de nos sociétés savantes de province, sous l’égide de la SNHF, représente une avancée majeure dans le domaine de la transmission des connaissances perpétuant ainsi la longue tradition des sociétés savantes. Par Michel Javoy, président de la SHOL

La bibliothèque de la Société Nationale d'Horticulture de France

Créée en même temps que la Société, soit en 1827, la Bibliothèque de la SNHF conserve, depuis l’origine, les périodiques, mémoires et ouvrages envoyés par les autres sociétés savantes et auteurs désireux de faire connaître leurs travaux. Actuellement, le fonds compte 7 900 ouvrages français et étrangers dont 3 200 ouvrages anciens (à partir de 1541), 1 013 titres de périodiques anciens (dont les bulletins des sociétés adhérentes), 545 titres actuels français et étrangers, une collection unique en France de catalogues de 443 horticulteurs, pépiniéristes et fournisseurs de matériel, source indispensable pour l’étude de l’introduction des plantes dans notre pays…
Informations pratiques
- ouverture les mercredis et vendredis de 9h à 12h30 et 14h à 17h30.
- entrée gratuite pour les adhérents de la SNHF et affiliés, payante (5 euros) pour les autres lecteurs .

a la recherche des jardins perdus

Comme témoins de l’actualité des écrits sur le végétal, deux nouvelles banques de données numériques viennent de paraître. Elles visent à contribuer aux études sur les jardins et les paysages en proposant un matériel riche et varié qui apporte des éléments nouveaux à un domaine de recherche en continuelle évolution. Le Musée du vivant-AgroParisTech, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles-Marseille (ENSP), a créé " Images de jardins ", la première banque de données mondiale de ce genre. Ce projet, qui vient d’être mis en ligne avec un premier corpus de documents, vise à mettre à disposition du grand public les exceptionnelles ressources des deux institutions (traités d’horticulture et de jardinage, planches, gravures, photos, dessins etc.) et d’appeler le grand public et d’autres institutions à se joindre à cette entreprise pionnière. http://docpatrimoine.agroparistech.fr
Le Centre de recherche du Château de Versailles mettra en ligne, à la fin de l’année, la base de données Hortus élaborée dans le cadre du programme de recherche « Le végétal dans les grands jardins européens à l’époque moderne ». La banque de données a pour objectif de rassembler et de confronter les nombreuses listes de plantes existantes dans les archives européennes, ainsi que les documents iconographiques et de mettre en correspondance les noms cités dans les sources et les noms scientifiques de ces plantes.
Base Hortus : http://www.chateauversailles-recherche-ressources.fr
Par Chiara Santini

 

3 thoughts on “Bonnes feuilles : l'écrit sur le végétal, hier et aujourd'hui”

  1. Bonjour,

    Je suis à la recherche de tous types de documents susceptible de m’aider dans la création d’un jardin au XVI -XVII. Je souhaite connaître les arbres et plantes qui ornaient les grands jardins de cette époque. Auriez vous des écrits à me conseiller?
    Cordialement,
    Mme Madly ROUSSEL

    1. Bonjour,
      Nous vous invitons à poser votre question directement aux experts de la Société Nationale d’Horticulture de France sur le service de questions/réponses HortiQuid: http://www.hortiquid.org.
      Belle journée à vous.

    2. Bonjour,
      Nous vous invitons à poser votre question directement aux experts de la Société Nationale d’Horticulture de France sur le service de questions/réponses HortiQuid http://www.hortiquid.org.
      Belle journée à vous.

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