Biostimulants et nutrition des plantes : Une efficacité reconnue

Depuis que les biostimulants ont été officiellement reconnus au travers d’un règlement européen, en 2019, le marché est en plein essor. Ce secteur met en lumière la vie cachée des sols. De nombreuses spécialités, de nature diverse, sont très prometteuses.

Pour le potager comme pour les fleurs, les biostimulants offrent de multiples avantages
Pour le potager comme pour les fleurs, les biostimulants offrent de multiples avantages © C. Watier Semae

À l’heure où l’on ne parle que de la réduction des intrants agricoles, le marché des biostimulants, lui, est en pleine croissance. Ce secteur a longtemps été méconnu, car il était marqué par une grande confusion autour de produits de nature très diverse et aux propriétés mal définies. De nombreuses appellations étaient données à ces produits : stimulateurs de croissance, activateurs de défenses naturelles, biofertilisants, physio­ activateurs, nutriciteurs, etc. quand d’autres, parmi les détracteurs, les rabaissaient en tant que « poudres de perlimpinpin ». Il est vrai que le flou a longtemps régné autour de l’efficacité de ces substances. Il était donc important de leur donner un cadre légal. Elles ont enfin été formellement reconnues par un règlement européen adopté en 2019 et mis en application en juillet 2022. Elles entrent ainsi officiellement dans la famille des matières fertilisantes et supports de culture (MFSC), sous le terme « biostimulant ».

Une reconnaissance officielle

Selon ce règlement, un biostimulant est « un produit qui stimule les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’il contient, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère : l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs ; la tolérance au stress abiotique ; les caractéristiques qualitatives ; la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère ».

En Europe, la mise sur le marché des biostimulants dépend pour le moment des normes en vigueur dans chaque pays visé. En France, c’est l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui est chargée de l’évaluation et des AMM (autorisation de mise sur le marché). Si le produit est homologué en France, il l’est également pour les vingt-sept pays de l’Union européenne. Cette définition nous montre bien que le biostimulant n’est pas défini par sa nature, mais par son action. On ne peut plus le confondre avec certains produits de la protection des plantes ou biocontrôle. Pour distinguer ces deux groupes, il est bien fait mention dans la définition de stress abiotique », qui peut être dû à une carence en un élément nutritif, à l’asphyxie racinaire ou à la sécheresse, à un manque d’ensoleillement, etc. mais pas à l’attaque d’un agent pathogène.

Un marché en plein boom

Si le marché des biostimulants est en plein essor, ce n’est pas seulement grâce à la nouvelle réglementation ou à la découverte de nouvelles matières actives, c’est surtout grâce à une meilleure compréhension des interactions sol-plante. La recherche scientifique a effectué de grandes avancées et de nombreuses sociétés s’intéressent à ce secteur. Parmi elles, des TPE comme de grandes agro-multinationales. Le poids de ce marché est estimé à plus de 4 milliards de dollars.

Les propriétés des biostimulants sont multiples :

• Ils renforcent l’activité microbienne des sols et permettent une meilleure humification ;

Ils optimisent la biodisponibilité des composés nutritifs, macro- et microéléments (N, P, K, Ca, Mg, Mn…) ;

• Ils améliorent l’absorption et l’utilisation par la plante de tous ces macro- et micronutriments, qu’ils soient présents naturellement dans le sol ou apportés par les engrais. N’apportant pas d’éléments nutritifs en quantité significative, ils sont considérés comme complémentaires des engrais et amendements, qu’ils ne remplacent pas.

Les biostimulants peuvent être appliqués en traitements de semences : succès assuré pour booster la germination
Les biostimulants peuvent être appliqués en traitements de semences : succès assuré pour booster la germination © C. Slagmulder-Inrae

De multiples actions physiologiques

Ces composés peuvent ainsi agir sur la physiologie de la plante en modulant des activités enzymatiques ou hormonales et en induisant la production de métabolites. Certains biostimulants, par exemple, vont avoir le pouvoir de fortifier les cultures par l’apport accru de nutriments indispensables. Les autres vont stimuler la photosynthèse, d’où une croissance accélérée, un gain en rendement et en qualité. D’autres, encore, peuvent contribuer à améliorer l’absorption d’eau par les racines ou limiter la transpiration des feuilles, ce qui conduira à une meilleure tolérance à la sécheresse. Il est important de souligner que les biostimulants peuvent être utilisés à tous les stades de la culture, de la préparation du sol à la récolte…

D’origine très diverse, ils ont été classés selon trois catégories : microbiens, non microbiens organiques (comme les extraits végétaux) et inorganiques (comme les extraits minéraux).

Mycorhize, rhizobiums et autres « bons microbes »

La microbiologie des sols permet d’expliquer de nombreuses propriétés des biostimulants. Et des découvertes sont encore à venir !
La microbiologie des sols permet d’expliquer de nombreuses propriétés des biostimulants. Et des découvertes sont encore à venir ! © N. Bertrand-Inrae

Pour le moment, les biostimulants microbiens se limitent aux quatre types Azobacter, Rhizobium, Azospirillum et champignons mycorhiziens. D’autres formes pourront être ajoutées par la suite car le règlement européen se veut évolutif. La mycorhize est la plus répandue. Elle peut se définir comme un organe particulier, constitué à la fois de la racine de la plante et du champignon, dit aussi mycélium. Ces filaments s’insèrent dans les interstices les plus fins du sol, en quête de l’eau résiduelle, et améliorent ainsi la résistance de la plante à la sécheresse. Ils vont puiser également des sources d’éléments nutritifs auxquels la plante seule a difficilement accès.

Leur rôle dans la nutrition minérale est important, en particulier au niveau du phosphore, mais aussi de l’azote et des oligoéléments. Dans cette famille des « bons microbes », une place particulière revient aux rhizobiums, qui sont à l’origine des plantes dites « fixatrices d’azote ».

On les utilise depuis bien longtemps et, à l’époque, on ne parlait pas de biostimulant. Les légumineuses, ou fabacées, en sont un bon exemple. Comme toutes les plantes, elles ont besoin d’azote, mais elles peuvent se passer des apports d’engrais, car elles ont la chance de vivre en symbiose avec des bactéries qui leur permettent de puiser cet élément à partir de l’atmosphère.

 

En fait, ce n’est pas la plante elle-même qui est capable de fixer l’azote de l’air, ce sont les bactéries, et l’assimilation se fait au niveau des nodosités. Les bactéries réduisent l’azote gazeux de l’air en ammoniac et cèdent l’azote fixé à la plante. Ce processus naturel est d’autant plus remarquable qu’il peut être comparé à la synthèse industrielle des engrais, sans les surcoûts, et avec des bénéfices environnementaux considérables.

Le pouvoir magique des algues

Les produits non microbiens organiques forment un groupe très diversifié. Ils représentent de loin la plus large part de marché (plus de 75 %). Les plus courants sont fabriqués à partir d’algues, des genres Laminaria, Ascophyllum, Ecklonia… Dès l’Antiquité, on connaissait les bienfaits de ces sources marines dans le monde agricole. Les propriétés des algues proviennent en partie des nombreux oligo-éléments et des phytohormones qu’elles contiennent. Parmi ces hormones de croissance, il faut faire mention de la bétaïne, qui participe à la production de la chlorophylle et qui est considérée comme le meilleur agent antistress végétal. On a pu montrer qu’elle intervient dans le cycle du formaldéhyde, utilisé comme agent protecteur contre les nématodes. Citons également les cytokinines, qui participent activement à la division cellulaire et à la formation des membranes, sans oublier les auxines et gibbérellines, qui induisent non seulement l’élongation cellulaire des tissus végétaux, la ramification des parties aériennes, mais aussi, dans le cas des auxines, la formation des racines adventives.

Dans ce même groupe sont rangés les extraits végétaux. Pour certains, comme la tourbe ou le lignite, leur effet stimulant avait été décelé il y a bien longtemps, au début du XXe siècle, sans que l’on sache bien expliquer le phénomène. Aujourd’hui, avec les progrès de la science et l’évolution des technologies d’analyse de données, les modes d’action de ces produits sont identifiés avec beaucoup plus de précision. Ce n’est donc plus l’extrait de végétal dans sa globalité que l’on va utiliser, mais une partie encore plus fine, constituée notamment d’acides aminés, que l’on aura séparés par hydrolyse enzymatique. On a pu montrer que les acides humiques, en stimulant les échanges cationiques, améliorent la disponibilité du phosphore par la précipitation du phosphate de calcium.

QUELQUES EXEMPLES DE PRODUITS

Si on se limite au secteur arboriculture, maraîchage, pépinières, voici quelques exemples :

– Biosmart, à base de métabolites de fermentation et d’extraits de levure, et Moka, à base d’extraits de levure  (Agrauxine) ;

– Arvense, à base d’extraits végétaux (Biovitis) ;

– Basfoliar Rhizo bio, à base d’extraits d’algues et de microorganismes bacillus, Basfoliar Si SL et Silistress, à base de silice, d’extraits d’algues et de microorganismes (Compo Expert) ;

– Rise P Micro et Rise P Locacell, à base de bacillus et de fractions spécifiques de levures, Myc 4000 et 800, à base de spores d’endomycorhize (Lallemand) ;

– Kinactiv fruit, à base d’acides aminés, Kinactiv initial, à base d’acides aminés et d’extraits d’algues, Nurspray, à base d’oligosaccharides purifiés (Sumi Agro).

Tous les bienfaits d’un apport en silice

La troisième catégorie de biostimulants est constituée de produits inorganiques, ou extraits minéraux. L’un des oligoéléments essentiels est le silicium. Des recherches et expérimentations ont montré combien cet élément est indispensable pour la croissance et le développement des plantes, en particulier lorsqu’elles sont exposées à des stress abiotiques. Tous les mécanismes ne sont pas élucidés, mais on peut avancer certaines explications. Le silicium, en pénétrant les tissus végétaux, pourrait leur fournir une résistance mécanique. Cette propriété influerait également sur la mobilité des nutriments et de l’eau à l’intérieur des plantes. Il pourrait également jouer un rôle dans la stimulation du système antioxydant des plantes.

Impossible de recenser ici tous les biostimulants commercialisés aujourd’hui, tant il y a profusion. De même, la liste des fabricants s’allonge de saison en saison. Pour un conseil sur l’offre, on pourra toujours se référer au site de l’Afaïa.

 

Laure Gry
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France