Des acteurs du service des promenades dans les annales de la SNHF

Smaël Boudia

Plusieurs acteurs des services des promenades ont été proches ou ont même participé aux activités de la Société Impériale et Centrale d’Horticulture, devenue aujourd’hui la SNHF. Smaël Boudia s’est plongé dans les archives et nous présente aujourd’hui des extraits puisés dans les annales de la « Société ».

Au cours du XIXe siècle, la conception des espaces urbains a connu d’importantes modifications. Les jar­dins publics ont suivi cette évolution. Un observateur anglais, George Bentham, note à ce propos dans le Gardener’s Chronicle que les jardins nouveaux de Paris « sont devenus un des principaux ornements de leur cité ». La ville de Paris a, en effet, joué un rôle important dans ce changement.

Le préfet Haussmann est chargé de cette mutation. C’est une ville totalement repensée qu’il veut mettre en place où l’accessibilité devient le maître-mot. Les jardins devront être imaginés en conséquence, c’est-à-dire comme un lieu ouvert à toutes les classes sociales et adapté à un nouveau réseau de communication.

Haussmann confie en 1854 à Adolphe Alphand la direction du service des promenades de la ville de Paris qui s’entoure de collaborateurs de talent. À noter que les principales figures de ce service ont été membres de la Société Impériale et Centrale d’Horticulture. Quelles ont donc été leurs activités et leurs rôles au sein de celle-ci ? Et inversement, quels rôles a pu jouer la Société pour ces derniers ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous nous sommes basés principalement sur les Annales de la Société.

Les promenades de Paris et la défense d’Alphand

Deux ans après avoir pris la direction du service des prome­nades, Alphand adhère à la Société. Son nom apparaît dans les Annales pour la première fois en 1867 à l’occasion d’un article sur le Fleuriste de la ville de Paris. En 1874, un article sur Les promenades de Paris rédigé par Ch. Joly prend la forme d’une véritable défense du projet d’Alphand et, de manière plus glo­bale, celui d’Haussmann. Ce dernier a connu de vives critiques. Dans Les comptes fantastiques d’Haussmann* de Jules Ferry, les dépenses liées aux jardins y sont explicitement citées.

Ch. Joly relativise les dépenses liées à la transformation de Paris en les comparant à celles des guerres livrées en Crimée et en Italie. Celles-ci n’apportent que « des haines et de l’ingrati­tude semées à l’étranger. ». À l’inverse, le projet d’Haussmann, et donc celui d’Alphand, n’a que des effets bénéfiques et fait de Paris « une des villes les plus salubres du monde ».

Le parc Monceau et la vue sur la naumachie. Extrait de l’ouvrage Les promenades de Paris, 2 vol. Paris : J. Rothschild, 1867-1873. Bibliothèque de la SNHF. Fonds ancien

*Jules Ferry. Les comptes fantastiques d’Haussmann. Neuilly-sur-Seine : G. Durier, 1868, p. 17

Une statue pour Alphand

Il relève également les critiques liées à l’utilité des plantations en ville, celles-ci pouvant être cause d’humidité et d’obscurité. Pour lui, ces griefs ne sont pas justifiés. À Paris, les espaces verts contribuent à « rendre l’air plus pur » et cela grâce aux indica­tions et études dont regorge l’ouvrage d’Alphand et qui font de ce dernier « l’une des plus utiles publications de l’époque ».

Au-delà de l’ouvrage, c’est bien le projet de restructuration de Paris qui est ici soutenu, un modèle dont les plus grandes villes ont suivi l’exemple.

De son côté, Alphand a soutenu la Société notamment en participant aux expositions de 1879, 1881 et 1882 où il fournit un grand nombre de plantes d’ornement. Il soutint également la Société par des dons (en 1886, notamment) et ce, jusqu’à sa mort en 1891. En 1892, la Société relaie une souscription en vue d’élever à Paris une statue pour Alphand.

Édouard André et les jardins publics de Paris

Édouard André intègre le Service des plantations en 1860 et devient membre de la Société la même année. De nombreux ouvrages vont faire l’objet d’articles dans les Annales. Parmi eux : Des plantes de terre de bruyère, L’art des jardins (dédié à Alphand) salué comme un ouvrage « qui exercera l’influence la plus heureuse pour faire aimer la nature », etc. Des réalisations d’Alphand font également l’objet de commentaires – Sefton Park, etc., réalisations qui placent Édouard André « au premier rang de nos paysagistes ».

À noter également que celui-ci a été l’auteur d’un article inti­tulé « Les jardins publics de Paris » dans lequel il exprime sa conception des jardins parisiens et donc, plus globalement, du service des promenades.

Il y distingue les squares anglais des squares français. L’origine du square réside bien en Angleterre mais son importation en France le modifie grandement. Il proposera même dans L’art des jardins le nom d’oasis pour les squares français afin de bien les distinguer.

Le square anglais se compose de « bosquets en guenilles », fermés au public alors que le square français est destiné à des amateurs très différents : étudiants, savants…

Un prestigieux héritage

Peu importe finalement si cette distinction s’avère pertinente, de ce tableau il faut plutôt retenir l’intention : la réalisation de parcs ouverts au plus grand nombre avec une grande variété dans le choix des végétaux.

Dans le Paris-Guide, Édouard André vient préciser ses idées sur les parcs de Paris. Ceux-ci sont aussi bien le résultat d’un pres­tigieux héritage, notamment avec le parc Monceau, où « tout ce qui pouvait rester des vestiges de l’ancien parc a été conservé : la naumachie, […] etc. », que des réalisations du Service des plantations : les dessins de Davioud et la réalisation par Combaz permettent « au ruisseau [de descendre] en cascatelles à la naumachie », le nouveau vient rejoindre ainsi l’ancien…

Au fondement du jardin, de toutes ces caractéristiques, il y a l’idée d’une amélioration morale : « la ville de Paris savait que les améliorations matérielles influent beaucoup sur les mœurs ».

Fleuriste de Paris : vue intérieure de la serre des palmiers. Extrait de l’ouvrage Les promenades de Paris, 2 vol. Paris : J. Rothschild, 1867-1873. Bibliothèque de la SNHF. Fonds ancien

Barillet-Deschamps et le Fleuriste de la Muette

Barillet-Deschamps entre au service des promenades et plantations de la Ville de Paris en 1855 et, en 1856, à la Société Impériale et Centrale d’Horticulture de France. À de nom­breuses reprises, il participe à des évènements organisés par la Société. À l’exposition de mai 1864, ainsi qu’à celle de 1865, il est remercié pour avoir fourni un nombre important de végé­taux (bananiers, etc.). Il est élu secrétaire de la Société en 1866 et, la même année, crée une école au Fleuriste de la Muette. Barillet-Deschamps est directeur de cet établissement. Un compte-rendu lui est d’ailleurs consacré en 1867.

Dans ce texte, l’auteur note l’évolution qu’ont connue les jardins modernes. Les explorations des naturalistes et des hor­ticulteurs ont permis l’introduction de milliers d’espèces dans les jardins botaniques.

Il y avait donc là une véritable opportunité pour l’horticulture de varier les espèces présentes dans les jardins d’agrément. Les plantes des régions tempérées étaient déjà bien présentes mais ce sont surtout les plantes des pays chauds qui étaient exclues des cultures de plein air. La ville de Paris a été précurseur dans l’utilisation de ces plantes dans les jardins publics, et cela grâce au Fleuriste de la Muette qui permet de rechercher et d’expé­rimenter. Le Fleuriste de la Muette permet donc de fournir à la ville des plantes en toutes circonstances et cela grâce, d’une part, à l’ « habile direction » d’Alphand ainsi qu’au « zèle, [au] talent du jardinier en chef M. Barillet-Deschamps ».

Des membres éminents

D’autres membres éminents du Service des plantations ont été membre de la Société : Jean Darcel qui, entre autres activi­tés, donnera des leçons sur le tracé des jardins au sein de la Société*. Gustave Delchevalerie publiera des articles sur de nombreux sujets : bouturage, végétaux et jardins en Égypte… Joseph Laforcade et Combaz seront également des membres actifs de la Société… Toutes ces personnalités témoignent des liens qu’ont pu tisser la ville de Paris et la Société. Ultime trace de cette entente : la ville de Paris a décerné à la Société une médaille en 1937.

*Annales de la Société Impériale et Centrale de France. Année 1870. p. 134