L’arbre au service de la régulation climatique

L’agroforesterie est reconnue pour ses nombreux bénéfices techniques, environnementaux (1*) qui portent notamment sur l’atténuation du changement climatique. En climat tropical, l’effet est probant.

 

Qu’en est-il en climat tempéré ? C’est l’objectif des recherches de plusieurs équipes françaises dans des contextes divers : étude des bénéfices apportés en situation de prairie et d’élevage ovins (2*), dans un système céréalier (culture de douze variétés de blé dur (3*)) ; dans les deux cas en conditions méditerranéennes et en présence ou non de peupliers ou de frênes.

Évolution des températures diurnes et nocturnes dans le système agroforestier

Des relevés heure par heure ont montré que l’ombre des arbres diminue la température diurne en moyenne de 2 °C. Cette diminution peut atteindre 4 °C dans les parties les plus chaudes de la parcelle et pendant les jours les plus chauds. Au contraire, les températures nocturnes augmentent de 1,5 °C et jusqu’à 3 °C par nuit claire. L’effet régulateur du micro-climat d’un système agroforestier en zone méditerranéenne est donc une réalité. Cependant, il faut se demander quel est l’impact des modifications thermiques et lumineuses (- 50 % de radiations dans certains cas) dans les parcelles.

Agroforesterie et élevage ovin

Les prairies agroforestières ne changent pas de composition floristique mais subissent un retard de développement corrélé au degré d’ombrage. Ainsi, malgré une baisse de productivité parfois importante, ces surfaces expriment leur potentiel plus tard en saison, avec des plantes de meilleure valeur alimentaire pour les ovins. En cas de compétition trop importante entre arbres et prairie, il est recommandé aux éleveurs d’étêter les arbres, renouant ainsi avec des pratiques ancestrales de coproduction de fourrage, de bois énergie et de bois litière. Enfin, les arbres vont fournir l’ombre bienvenue pour les animaux.

Agroforesterie et culture de blé dur

Comme pour la prairie, on observe un retard de développement de la culture ainsi qu’une baisse de productivité caractérisée par une diminution du nombre de grains par épi. Ce résultat s’explique par une baisse insuffisante des températures nocturnes qui privilégie la perte, par respiration, des réserves accumulées pendant la journée (photosynthèse) au détriment de la construction de biomasse. En revanche, cet effet est intéressant quand il s’agit de limiter l’effet du gel. Ces résultats globaux sont toutefois à nuancer selon que le blé est à proximité des arbres ou même sur le côté sud ou nord de ceux ci. Ainsi le bénéfice de l’agroforesterie est réel face au stress thermique mais le risque de perte de productivité augmente de façon plus ou moins supportable selon qu’il s’agit d’élevage ou d’une culture céréalière.

 

Noëlle Dorion
Membre de la SNHF, professeure honoraire à Agrocampus Ouest

Merci à Pierre-Éric Lauri pour sa relecture attentive.

 

(1*) Voir dans Jardins de France, l’article de Pierre-Éric Lauri www.jardinsdefrance.org/agroecologie-et-agroforesterie-les-benefices-de-larbre/
(2*) Béral C, Andueza D, Ginane C, Bernard M, Liagre F, Girardin N, Émile JC, Novak S, Grandgirard D, Deiss V, Bizeray D, Moreau JC, Pottier E, Thiery M, Rocher A. 2018. Agroforesterie en système d’élevage ovin : étude de son potentiel dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. 158 p. www.parasol.projet-agroforesterie.net/
(3*) Inurreta-Aguirre HD, Lauri PE, Dupraz C, Gosme M. Yield Components and Phenology of Durum Wheat in a Mediterranean Alley-Cropping System. Agroforest Syst. 2018;92:961-974. https://doi.org/10.1007/s10457-018-0201-2