Mais pourquoi tailler les légumes ?

Michel JavoyMichel PitratJean-Daniel Arnaud

Figure : Plant greffé conduit à deux têtes - © Michel Javoy
Plant greffé conduit à deux têtes – © Michel Javoy

Sur  quelques légumes fruits, de la famille des solanacées (aubergine, poivron, piment, tomate, …) et des cucurbitacées (concombre, cornichon, courges, melon, …), il est recommandé de couper (ou pincer) certains organes afin d’optimiser la qualité, la quantité et la précocité de la récolte.

La taille des légumes fruits concourt à différents objectifs complémentaires parmi lesquels :

  • Le maintien d’une croissance et d’un développement équilibrés entre les différentes parties de la plante (tige, feuilles, fruits, racines). Cet état d’équilibre favorise la production de fruits, sans affaiblissement de la croissance végétative et améliore la résistance aux attaques des bioagresseurs de toutes origines ;
  • La bonne implantation racinaire de la plante avant sa mise à fruits et la régénération racinaire avec production de racines fines, plus actives dans l’alimentation minérale de la plante ;
  • L’augmentation du calibre des fruits ;
  • L’assurance d’un éclairement optimal des feuilles les plus actives dans la photosynthèse par élimination des feuilles âgées.
  • La circulation de l’air au sein de la plante favorisant sa transpiration sans conservation d’humidité excessive favorable aux bioagresseurs, champignons et bactéries notamment.

Surveiller pour bien tailler les tomates

C’est sur la tomate que la pratique de la taille est la plus élaborée.

Pratiquement, pour maintenir au mieux l’état d’équilibre végétatif/reproducteur, il faut en permanence surveiller les organes de la plante avec quelques repères :

  • Des tiges cylindriques, de diamètre régulier, vert foncé indiquent un état équilibré. Des tiges vert-clair ayant tendance à s’aplatir sont le signe d’un excès de végétation ;
  • Des feuilles à port faiblement retombant présentant des folioles vert-foncé signalent un bon équilibre. A l’inverse, des feuilles de teintes claires pourvues de larges folioles, lourdes retombantes traduisent un excès de vigueur ;
  • Des fleurs jaune-foncé aux pétales et sépales bien retroussés sont le signe d’un bon fonctionnement de la plante. Des fleurs jaune-pâle aux sépales tubulaires sont souvent peu fertiles ;
  • Les groupes de fleurs, communément appelées « bouquets » doivent évoluer graduellement et de manière ordonnée du bouton au stade de début de grossissement du fruit ;
  • Les fruits doivent également présenter un ordre logique de grossissement échelonné de la formation à la maturation.

Tailler à bon escient différents organes

A partir de ces observations, il est possible de faire des choix sur les tiges, les feuilles et les fruits en formation.

Sur les tiges et les bourgeons :
  • Suppression au stade jeune, des bourgeons axillaires pour favoriser la croissance de la tige principale. Les jardiniers appellent ces bourgeons « des gourmands », une nette allusion à leur consommation d’assimilats[1] au détriment de la croissance continue de la tige principale ;
  • Coupe de la tige principale en cours de culture pour favoriser l’émergence d’une ou plusieurs tiges axillaires ;
  • Coupe de la tige principale en fin de culture pour favoriser le transfert des assimilats vers les derniers fruits en cours de grossissement ;
  • Maintien de nouvelles tiges axillaires (sans coupe de la tige principale) pour augmenter le nombre de bouquets floraux en compétition. Cette action permet de rendre la plante plus « reproductrice » et de récolter plus de fruits, de plus petits calibres. Elle se pratique à différents stades de la culture pour compenser une situation trop végétative ou dès le début notamment dans le cas d’utilisation de plants greffés.
Le pincement des gourmands et des tiges pendant la pousse permet d’agir sur la fructification et la qualité des fruits (dessin Alice Arnaud)
Sur les feuilles (ou exceptionnellement des portions de feuilles) :
  • Le retrait de jeunes feuilles, avant complet développement, réduira la phase végétative et favorisera la floraison et la fructification. Cette action est systématique pour les variétés très vigoureuses, où de manière ponctuelle, pour rattraper une situation déséquilibrée ;
  • Le retrait progressif de vieilles feuilles à la base des plantes (feuilles devenues peu actives dans le processus de photosynthèse) n’influence pas l’équilibre végétatif/génératif mais aère la plante et réduit le risque de développement de maladies.
Sur les fruits :

Le retrait de jeunes fruits en tout début de grossissement est recommandé dans deux cas : pour obtenir des fruits de plus gros calibre ou pour rétablir une situation devenue exagérément générative et ainsi relancer la végétation.

Faut-il tailler les melons ?

Dans le cas du melon, la répartition des fleurs sur la plante est la suivante : sur la tige principale il n’y a que des bouquets de fleurs mâles. Sur les tiges secondaires (ou tertiaires), il y a une fleur femelle à chacun des deux ou trois premiers nœuds puis des bouquets de fleurs mâles. L’obtention de fruits nécessite donc de favoriser les ramifications. Les anciennes variétés ont une assez forte dominance apicale et peu de ramifications si l’on ne pince pas l’extrémité de la tige principale. D’où des systèmes de taille que l’on trouve dans des ouvrages anciens et qu’il faut appliquer à des variétés anciennes. Les variétés hybrides F1 modernes ont une dominance apicale réduite ; la taille de la jeune plante après la deuxième feuille est en général suffisante pour avoir une production de 4-5 fruits par plante.

Comme pour la tomate, il faut respecter un certain équilibre entre le nombre de fruits et la partie végétative. Des tailles trop sévères peuvent entraîner une trop forte nouaison par rapport au nombre de feuilles et des fruits de médiocre qualité.

Pour les autres cucurbitacées

Pour les autres Cucurbitacées les grands principes de recherche d’équilibre sont identiques notamment pour les fruits qui se récoltent au stade immature comme les concombres.

Par contre, pour les courges ou les pastèques il n’est pas nécessaire de tailler car les fleurs mâles et femelles sont réparties de manière assez équilibrée sur les tiges. Il ne faut surtout pas tailler les courges non coureuses (courgettes) car il n’y a pas de développement de tige secondaire.

Quelques règles pour une bonne taille :

Pratiquer aux heures chaudes et ensoleillées de la journée. La plante est moins turgescente et il y a moins de risque de casse à la manipulation, moins de risques d’éclatement de fruits et les plaies de taille cicatrisent plus vite. Il convient toutefois d’éviter les périodes de très fortes chaleurs où la simple manipulation des plantes est source de stress.

Dans la mesure où le faible diamètre de l’organe le permet, l’ablation manuelle des bourgeons et des feuilles est conseillée car elle respecte au mieux les assises cicatricielles de la plante. Dans le cas contraire, il convient d’utiliser un couteau à lame fine et coupante en agissant au plus près du point d’insertion pour ne pas laisser de tissus morts.

Toute opération de taille entraîne des blessures qui, en l’absence de mesures prophylactiques rigoureuses, peuvent déclencher des maladies.

Et pour les autres légumes

Certains légumes, tels que des légumes feuilles, peuvent être taillés pour d’autres objectifs. Ainsi, en coupant les hampes florales en cours de croissance on peut prolonger la pousse de feuilles qui sont les organes recherchés pour la consommation. C’est le cas de différentes salades (laitues, chicorées, roquette, …) et de plantes aromatiques (basilique, ciboulette…).

Quand à la taille des feuilles de poireaux en cours de culture, c’est un sujet controversé. Il est surtout important de bien les nourrir et de les protéger !

[1] Assimilation : processus par lequel des substances et des matériaux extérieurs (carbone, azote, …) sont transformés en substances et matériaux intérieurs à la plante

 

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