Les inflorescences

Valéry Malécot

Grappe, épi, ombelle, capitule, cyme, thyrse, botryoïde, cicinnus,  dichasoïde, anthèle, chaton, sycone, autant de termes désignant des ensembles de fleurs que l’on qualifie d’inflorescence. À cette  diversité de termes s’ajoute une hétérogénéité d’approches descriptives. Au-delà d’une école française, que l’on trouve dans les traités de botanique des abbayes et collaborateurs ou de Chadefaud et Emberger, une école anglo-saxonne (Rickett) et surtout une école allemande (Troll et Weberling) ont largement approfondi le sujet au cours du XXe siècle.

Figure 1 : Fleurs solitaires ou inflorescences ? Dans le cas de Veronica persica les ouvrages francophones parlent généralement de fleurs solitaires, l’interprétation allemande montre qu’il s’agitd’inflorescences (dont la base est pointée par les flèches) où les bractées ont la même morphologie que les feuilles, seule diffère la phyllotaxie (opposées dans la partie végétative, alterne dans l’inflorescence).
Figure 1 : Fleurs solitaires ou inflorescences ? Dans le cas de Veronica persica les ouvrages francophones parlent généralement de fleurs solitaires, l’interprétation allemande montre qu’il s’agitd’inflorescences (dont la base est pointée par les flèches) où les bractées ont la même morphologie que les feuilles, seule diffère la phyllotaxie (opposées dans la partie végétative, alterne dans l’inflorescence).
Figure 2 : Les inflorescences correspondent à une seule pousse, chez Cytisus multiflorus, la floraison est en fait composée de nombreuses grappes de 2-3 fleurs dont les axes sont très réduits, et qui sont disposées sur l’axe de l’année précédente. Ici deux grappes sont pointées par les flèches et leurs fleurs respectives sont notées par des points de même couleur
Figure 2 : Les inflorescences correspondent à une seule pousse, chez Cytisus multiflorus, la floraison est en fait composée de nombreuses grappes de 2-3 fleurs dont les axes sont très réduits, et qui sont disposées sur l’axe de l’année précédente. Ici deux grappes sont pointées par les flèches et leurs fleurs respectives sont notées par des points de même couleur

La définition même d’une inflorescence est sujette à discussion. Mais dans tous les cas, les inflorescences sont composées d’axes (pédoncule et rachis de l’inflorescence), de fleurs, des pédicelles porteurs de ces dernières et de structures foliacées plus ou moins développées nommées bractées lorsqu’elles sont morphologiquement différentes des feuilles (figures 1 et 2).

Inflorescences racémeuses et cymeuses

Les écoles françaises et anglo-saxonnes tendent à distinguer les inflorescences en fonction du devenir du méristème terminal de l’axe principal. S’il donne une fleur, on parle d’inflorescence définie ; s’il ne donne jamais de fleur, on parle d’inflorescence indéfinie. L’importance de cette distinction est sérieusement remise en cause par les auteurs germaniques qui privilégient une classification basée sur l’ampleur et l’organisation de la ramification, sur la longueur relative des axes secondaires et sur la répétition de schémas de ramification. Suivant cette vision (largement diffusée par Peter Endress) on distingue ainsi les inflorescences racémeuses (ou racémiformes) et celles cymeuses. Pour les inflorescences racémeuses, l’axe principal a un nombre variable (non limité) de ramifications latérales qui ne portent pas de ramifications (mais portent théoriquement et idéalement une fleur). Quant aux inflorescences cymeuses, leur axe principal n’a jamais plus de deux ramifications latérales et ces dernières peuvent elles-mêmes porter une ou deux ramifications (mais pas plus). Ainsi, dans le cas des inflorescences racémeuses, le nombre de niveaux de ramification est limité mais le nombre de ramifications est illimité, alors que pour les inflorescences cymeuses, le nombre de niveaux de ramification est illimité alors que le nombre de ramifications est limité (figure 3).

Des facteurs de variation

Figure 3 : Les grandes catégories d’inflorescences en fonction du nombre de ramification et du nombre d’ordres de ramification. Sur cette figure, pour des raisons pratiques, les bractées et bractéoles ne sont pas schématisées, les entre-nœuds sont tous développés et les modes de ramification ne varient pas entre deux niveaux de ramification.
Figure 3 : Les grandes catégories d’inflorescences en fonction du nombre de ramification et du nombre d’ordres de ramification. Sur cette figure, pour des raisons pratiques, les bractées et bractéoles ne sont pas schématisées, les entre-nœuds sont tous développés et les modes de ramification ne varient pas entre deux niveaux de ramification.
Figure 4 : Les quatre grands types d’inflorescences racémeuses simples en fonction de la réduction des entre-nœuds de l’axe principal et des ramifications. Selon que le méristème terminal de l’axe principal donne une fleur (schématisée par un cercle) ou pas (schématisé par une croix) on peut distinguer 8 sous-types.
Figure 4 : Les quatre grands types d’inflorescences racémeuses simples en fonction de la réduction des entre-nœuds de l’axe principal et des ramifications. Selon que le méristème terminal de l’axe principal donne une fleur (schématisée par un cercle) ou pas (schématisé par une croix) on peut distinguer 8 sous-types.

À cette distinction, s’ajoute deux facteurs de variation dans les inflorescences racémeuses : premièrement les différences de longueur relative entre l’axe principal et les axes secondaires (ramifications latérales) ; deuxièmement, la possibilité de répéter le mode de ramification. Le premier facteur de variation permet de distinguer entre ce que l’on a l’habitude de qualifier d’inflorescences simples, à savoir la grappe, l’épi, l’ombelle et le capitule (figure 4), alors que le second facteur conduit à reconnaître les inflorescences composées (grappes de grappes = doubles grappes, épi d’épillet, ombelle d’ombellule, capitule de capitule) (figure 3).

Pour revenir aux inflorescences racémeuses simples, si les entre-nœuds de l’axe et les ramifications sont longs (pédicelles floraux développés) on obtient une grappe ; si les entre-nœuds de l’axe sont longs et les ramifications sont courtes (fleurs sessiles), on obtient un épi ; si les entre-nœuds de l’axe sont courts et les ramifications sont longues on a une ombelle et si les entre-nœuds de l’axe et les ramifications sont courts on obtient une tête. Selon que l’on a une fleur terminant l’axe principal ou non, l’école allemande distingue ainsi le botryum du botryoïde (pour les grappes), le stachyum du stachyoïde (pour les épis), le sciadium du sciadoïde (pour les ombelles), le céphalium du céphalioïde (pour les têtes). Dans tous ces cas, l’usage de la terminaison en – oïde correspond à la présence d’une fleur terminale. De ce point de vue, ce que l’on appelle classiquement un capitule correspond au céphalium. Par ailleurs, en France on a tendance à distinguer le corymbe de l’ombelle sur la base de différence ou non de longueur entre les axes portant les fleurs, et donc de la disposition spatiale des fleurs (sur un plan, les axes étant de longueur différente pour le corymbe, sur un hémisphère, les axes étant de même longueur pour une ombelle), mais une bonne part de cette distinction n’est liée qu’à un stade de développement différent entre les fleurs d’une même inflorescence.

Les inflorescences cymeuses

Figure 5 : Les différents types d’inflorescences cymeuses. Les bractéoles sont figurées en couleur, et la couleur des ramifications alterne entre noir et gris afin de mieux visualiser la position relative des axes entre eux.

Du côté des inflorescences cymeuses, c’est le nombre de ramifications latérales (une ou deux) qui conduit à distinguer deux catégories, les cymes unipares (monochasium) et les cymes bipares (dichasium). S’il n’y a qu’un seul type de cyme bipare, on peut distinguer quatre types de cymes unipares en fonction tout d’abord de l’alternance droite-gauche ou non de la ramification[1]. Le second critère de distinction est la disposition spatiale des fleurs : soit elle se fait dans un plan, soit dans un volume. Lorsque les fleurs sont disposées dans un volume et qu’il y a alternance dans la position des ramifications, on obtient une cyme scorpioide (un cincinnus) (cas des Borraginacées, figure 5). Si la ramification se fait toujours « du même côté » et que les fleurs sont aussi disposées dans un volume, on obtient une cyme hélicoïde (un bostryx) (cas de certains éléments de l’inflorescence d’Hypericum perforatum). Lorsque les fleurs sont disposées sur un plan, et que l’on a une alternance dans la position des ramifications, on obtient un rhipidium (cas des Iris), alors que s’il n’y a pas alternance de la position des ramifications, on parle alors d’un drépanium (cas des Ipomées).

De nombreuses situations différentes

Figure 6 : A gauche, représentation schématique d’un thyrse, où tous les axes sont longs. A droite, thyrse de Lamium purpureum dont les axes sont très contractés et les bractées (de l’axe principal) très développées.
Figure 6 : A gauche, représentation schématique d’un thyrse, où tous les axes sont longs. A droite, thyrse de Lamium purpureum dont les axes sont très contractés et les bractées (de l’axe principal) très développées.

Les inflorescences racémeuses (simples ou composées) et inflorescences cymeuses se distinguent par le nombre de ramification sur un axe et le nombre d’ordres de ramifications (figure 3). Toutefois, dans tous ces cas le mode de ramification est le même quand on passe d’un axe d’ordre X à l’axe d’ordre X + 1. Il existe cependant d’assez nombreuses situations où la disposition des ramifications est différente entre l’axe d’ordre X et l’axe d’ordre X + 1. Diverses transitions sont connues, ainsi une inflorescence racémeuse dont les axes sont longs peut porter des inflorescences racémeuses dont les axes sont courts, on parle alors d’inflorescence composite (par exemple une grappe d’épillets, une ombelle de capitules). Une inflorescence cymeuse bipare peut porter des inflorescences cymeuses unipares, l’inverse n’étant jamais observé. Enfin, lorsque l’axe principal à un nombre élevé de ramifications latérales et que celles-ci n’ont jamais plus de deux ramifications latérales alors on a affaire à un thyrse (figure 6).

Des termes spécifiques

Figure 7 : représentation schématique d’une panicule où le nombre de ramifications diminue régulièrement. L’axe principal porte 5 ramifications, la ramification secondaire la plus base en porte4, la seconde ramification secondaire en porte 3, etc
Figure 7 : représentation schématique d’une panicule où le nombre de ramifications diminue régulièrement. L’axe principal porte 5 ramifications, la ramification secondaire la plus base en porte4, la seconde ramification secondaire en porte 3, etc

De cet ensemble reste un cas particulier, la panicule, qui s’apparente à une inflorescence composée de type grappe de grappes, mais chez laquelle le nombre de ramifications diminue en fonction de l’ordre de l’axe et dont les méristèmes terminaux donnent des fleurs (figure 7).

Enfin, un ensemble de termes spécifiques sont utilisés lorsque les fleurs de la plante sont imparfaites (uniquement mâles ou uniquement femelles). On parle ainsi de chaton pour des thyrses composés de fleurs toutes imparfaites, de cyathium pour des thyrses dont les fleurs terminant les axes secondaires sont femelles et que les autres axes portent des fleurs mâles.

[1] En effet, chaque ramification latérale possède, au moins chez les dicotylédones, deux préfeuilles / bractéoles sub-opposées qui vont axiller la ramification suivante

 

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One thought on “Les inflorescences”

  1. Il me semble que dans le paragraphe « les inflorescences cymeuses » il y a des inversions dans le texte et dans le schéma entre cymes scorpioide et hélicoide..

    Donc selon cet article on ne pourrait plus dire qu’il s’agit d’une cyme seulement au vu de l’état d’épanouissement des différentes fleurs composant l’inflorescence?

    Et que devient la cyme multipare?

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