À la poursuite de toutes les chimères

Alain Cadic

Le mot chimère fait référence à l'animal fantastique de la mythologie grecque portant une tête de lion sur un corps de chèvre et pourvu d'une queue en forme de tête de dragon. Même si elles revêtent un caractère moins fantasmagorique que dans l'imaginaire antique, l'existence de chimères est avérée chez les animaux, y compris chez l'homme[1]. Chez les végétaux, l'existence de chimères est connue de longue date et l'exploitation à des fins horticoles en a été banalisée.

 

Panachure du feuillage d'un Forsythia sp. - © INRA, A. Cadic

Panachure du feuillage d'un Forsythia sp. - © INRA, A. Cadic

 

Par analogie au mythe ancien, le mot chimère pourrait s'appliquer à des animaux ou des végétaux dont le corps est constitué de cellules, de tissus ou de parties génétiquement distinctes. Cependant, cette définition très large a été fréquemment restreinte pour ne s'appliquer qu'aux seuls tissus. L'exemple le plus évident est celui d'une répartition de tissus chlorophylliens et non chlorophylliens dans les panachures du feuillage.
On doit au botaniste allemand Hans Winkler (1877-1945) l'emploi, dès 1907, de ce terme.

 

Les chimères au sens restreint

La chimère, au sens habituel, désigne l'arrangement de tissus constitués de cellules portant des informations génétiques distinctes. Ces chimères peuvent avoir pour origine une mutation naturelle mais elles peuvent également résulter de traitements mutagènes[2].
Des chimères peuvent survenir chez tous les végétaux, mais elles disparaissent rapidement chez les plantes annuelles ou bisannuelles qui ne survivent pas à la formation de leurs fruits. Chez les plantes pérennes, arbustives ou vivaces, les chimères ont été de longue date repérées par les horticulteurs et désignées chez les anglo-saxons par le vocable 'sport'. Elles peuvent être conservées par multiplication végétative.

 

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[1] Naturellement, des échanges de cellules entre la mère et le fœtus ont été montrés chez l'homme. Chez le ouistiti, des œufs fécondés peuvent fusionner et donner des individus complètement chimériques. Artificiellement on a pu créer un animal chimérique entre une chèvre et un mouton. Pour les besoins de la connaissance, des cellules chimériques sont créées, en particulier à partir de cellules souches.

[2] Voir dans Jardins de France N°628, 629 et 630 'La mutagénèse en pleine mutation'