Valentine de Ganay : L’énergique dame de Courances

Au cœur du Gâtinais, à cinquante kilomètres de Paris, Valentine de Ganay accueillait en juin, à Courances (Essonne), les journalistes de l’AJJH (1*). Elle présentait son domaine, constitué d’un immense parc et de son château mais aussi d’une exploitation agricole de 800 hectares gérée sous le modèle agroécologique.
Rencontre avec cette
dame en permanente ébullition.

Elle est aristocrate et elle assume. Elle en a même tiré un ouvrage, Aristo ? (2*) Mais sa naissance ne lui prend pas la tête. Loin de s’installer dans un confort tranquille que pourrait lui permettre sa situation, Valentine de Ganay déborde d’idées et d’activités pour gérer son capital patrimonial et culturel, à commencer par le domaine de Courances (Essonne) dont elle a hérité. Ce magnifique château, remanié au cours des siècles, trône au milieu d’un parc de 75 hectares « antérieur à Le Nôtre ».

Des paysagistes de renom

Le parc du château, classé « Jardin remarquable », a été aménagé pendant cinq siècles sous le signe de l’eau, omniprésente. Traversé par la rivière Éole, le domaine de Courances tiendrait son nom des « eaux courantes ».
« Quatorze sources et 17 pièces d’eau, dont les plus anciennes remontent au XVIe siècle et les plus récentes au siècle dernier », nous précise-t-on.

Valentine de Ganay
Valentine de Ganay accueillant les journalistes de l’AJJH et plaidant pour la promotion du lycée Saltus Campus dont elle est l’une des fondatrices © J.-F. Coffin

Le côté remarquable du domaine est la gestion subtile de cette eau. Alors que le terrain offre une très faible déclivité, canaux, pièces d’eau, fontaines parcourent le parc, se nourrissant mutuellement via les fameux « gueuloirs », des bouches d’eau en forme de tête de dauphin. Même s’ils ne sont pas tous à leur emplacement d’origine, ils ont été réutilisés en respectant toujours l’esprit initial.

Plusieurs paysagistes de renom se sont succédé, à la demande des propriétaires respectifs, et chacun a su apporter sa touche sans dénaturer l’esprit de départ d’un jardin d’eau de la Renaissance, jusqu’aux Duchêne, père et fils, qui restaurent, au XIXe siècle, le parc alors abandonné. Encore aujourd’hui, Valentine de Ganay fait appel à des paysagistes de renom pour valoriser les « coulisses » du parc, voulant y conserver un aspect sauvage en opposition avec la partie « à la française »

La gestion remarquée des Arbres remarquables

La gestion des arbres a également évolué. Le parti pris est de ne plus élaguer systématiquement, ni de tailler à outrance selon la tradition française. Valentine explique cette volonté de laisser évoluer à leur rythme les frondaisons, notamment celles des superbes haies de platanes. Le résultat donne un aspect majestueux, formant par endroits des allées cathédrales, qui toutefois ne perturbent pas les grandes perspectives principales. En 2015, l’ensemble des platanes du parc de Courances a obtenu le label Arbres remarquables.
Valentine aime évoquer son gros platane « Samuel », découvert en défrichant la végétation dense qui l’entourait. Il a ainsi pu se développer sans aucune contrainte pour offrir aujourd’hui à son port imposant. Parmi les touches apportées au XIXe siècle, on notera le jardin japonais aménagé en bordure du parc.

Jardin japonais
Le jardin japonais créé au XIXe siècle selon la mode de l’époque © J.-F. Coffin
Courances Essonne
L’eau est omniprésente à Courances (Essonne), dont cette immense pièce d’eau où se eflète la partie sud du château © J.-F. Coffin

Un potager historique

Comme la plupart des domaines à l’origine, celui de Courances possède un magnifique potager que Valentine de Ganay a réhabilité après avoir suivi une formation spécifique. Entouré d’un mur et d’une superficie de près de trois hectares, le potager produit tomates (près de vingt variétés), carottes, céleris, courges et de nombreux fruits et autres légumes. La production, certifiée AB (Agriculture biologique), est commercialisée en circuits courts auprès de la population locale, via le magasin Les Jardins de Courances, le restaurant du domaine, les restaurateurs et les distributeurs bio des environs. Pour rester dans la démarche zéro déchet, la boutique propose soupes, plats cuisinés et autres confitures confectionnés à partir de la production du potager.

Gueuloirs bassins
Les fameux « gueuloirs », ces bouches d’eau à tête de dauphin qui distribuent l’eau dans les différents bassins. © J.-F. Coffin
Frondaisons et pièces d'eau
Frondaisons et pièces d’eau offrent des facettes différentes selon le moment de la journée © J.-F. Coffin

Agriculture biologique

Sur la plaine de Fleury, Valentine de Ganay est copropriétaire, avec neuf cousins, de 800 hectares à proximité du parc du château. Leur particularité est d’être d’un seul tenant, seulement traversé par l’autoroute du Sud. Après une profonde réflexion, ils décident, en 2012, de les faire passer de l’agriculture traditionnelle intensive à l’agriculture biologique et respectueuse des sols. « Notre premier virage a été pris en 2014, avec la plantation de 1 800 arbres dans les champs, soit 70 hectares, le plus grand chantier agroforestier au nord de la Loire. »

Aujourd’hui, cette exploitation est le lieu d’expérimentation pratique de Saltus campus, premier lycée agroécologique dont Valentine de Ganay est la cofondatrice (cf. encadré), la partie enseignement théorique étant assurée au lycée de Sevran (Seine-Saint-Denis). Allez découvrir Courances, ce domaine extraordinaire. Et à la fin de votre visite, vous y remarquerez une plaque qui vous confortera dans le bien-fondé votre venue : « Bravo, vous venez de parcourir cinq siècles de l’histoire des jardins ! »

SALTUS CAMPUS, PREMIER LYCÉE 100 % ÉCOLOGIQUE

Un nouvel établissement d’enseignement agricole a ouvert ses portes à la rentrée 2022 : Saltus Campus. Il se déploie sur deux sites : à Sevran (93) pour l’enseignement théorique, et à Courances (91) pour les travaux pratiques. Valentine de Ganay en est à l’origine, avec la paysagiste agricultrice Agnès Sourisseau. « Des formations seront essentiellement dédiées à l’agroécologie au service des paysages vivants. L’idée est de former les paysans de demain, de développer des savoir-faire agroécologiques pour donner une valeur et un sens nouveaux aux métiers agricoles », explique la fondatrice.

Les enseignements sont de différents niveaux :
– 4e et 3e agricoles : cycle d’enseignement général;
– CAPA Métiers de l’agriculture: option grandes cultures ;
– Formation aux métiers d’ouvrier qualifié et polyvalent ;
– Bac pro GMNF, gestion des milieux naturels et de la faune;
– Bac pro CGEA, conduite et gestion de l’exploitation agricole.

Plusieurs partenaires sont associés à ce projet. Les salaires des enseignants sont pris en charge par le ministère de l’Agriculture. Courances met à disposition ses terres et son personnel. Si des mécènes apportent leur aide financière (Fondation de France, Ademe, et Fondation Sisley-d’Ornano), il reste un trou financier qui s’élevait, en septembre, à 600000 euros. Valentine se mobilise pour trouver les fonds nécessaires alors que la Région Île-de-France semble se désintéresser de la réalisation du projet. www.saltuscampus.fr

Travaux pratiques de Saltus Campus
Les travaux pratiques de Saltus Campus sur le domaine de Courances © D.R.

Jean-François Coffin
Journaliste et membre du comité de rédaction de Jardins de France
www.domainedecourances.com

(1*) AJJH, Association des journalistes du jardin et de l’horticulture, www.ajjh.org
(2*) Aristos ?, aux éditions J.-C. Lattès