TAB : une plateforme d’essais en agriculture biologique au service des agriculteurs et des arboriculteurs

La plateforme TAB (Techniques alternatives et biologiques) réalise depuis 2011, dans la Drôme, des expérimentations sur les techniques et systèmes de culture en agriculture biologique. Bien ancrée dans un réseau d’acteurs locaux, elle expérimente l’agriculture de demain: innovante, adaptée au changement climatique et moins consommatrice en intrants.

Colza, haie arborée et gîte à chauves-souris © Chambre d’Agriculture de la Drôme

 

Créée en 2011, la plateforme TAB (Techniques alternatives et biologiques) est située à Étoile-sur-Rhône, dans la Drôme. On y réalise des expérimentations sur les techniques et systèmes de culture en agriculture biologique et « faibles intrants ». Pilotée par la Chambre d’agriculture de la Drôme, cette plateforme s’appuie sur un réseau d’acteurs de la recherche agronomique (Inrae, CTIFL, Itab, Grab)(1*), d’instituts techniques spécialisés (Arvalis, Terres Inovia, Sefra), d’agriculteurs et d’acteurs du monde naturaliste (LPO, conservatoire botanique). L’idée est de développer des techniques alternatives aux produits phytosanitaires ou de concevoir des systèmes innovants et moins consommateurs en intrants.

L’ensemble des résultats de la plateforme TAB sont valorisés auprès des agriculteurs de la région.

 

Favoriser la biodiversité

Sur les 20 hectares de la plateforme TAB, la relation entre biodiversité et cultures est un sujet majeur. De nombreux aménagements ont été mis en place pour favoriser son développement jusqu’au cœur des parcelles. Ainsi, 700 mètres de haies diversifiées ont été implantés depuis 2011, venant s’ajouter aux 1 500 mètres déjà présents, qui ont également été élargis et diversifiés. Une mare de 16 m² a été créée en 2015, rapidement colonisée par des crapauds et libellules. De même, une quarantaine de gîtes à chauvessouris ont été implantés sur l’une des parcelles et en périphérie. Un nombre équivalent de nichoirs à passereaux et un réseau de nichoirs pour les rapaces (faucons crécerelles, chouettes diverses) ont été installés. Des tas de pierres et des branchages sont positionnés dans les haies pour encourager la présence de hérissons, reptiles et petits carnivores.

Enfin, des bandes enherbées sont présentes en bordure des cultures, favorisant la présence des auxiliaires au plus près des productions. Ce réseau d’aménagement est continuellement étoffé, afin d’améliorer les interactions entre cultures et faune auxiliaire.

Chacun des aménagements fait l’objet de suivis spécifiques dans le but d’évaluer son efficacité vis-à-vis de son adoption par les mésanges, lézards ou autres faucons crécerelles. En effet, leur nombre, leurs caractéristiques et leur position déterminent leur utilisation par la faune.

 

Quels résultats ? Quelles questions en suspens ?

Dans la plupart des cas, les résultats sont encourageants ! Ainsi, les nichoirs à chauves-souris ont vu leur occupation augmenter au cours des premières années, la quasi-totalité des gîtes ont montré des signes d’occupation dès leur troisième année. Et cette occupation s’est progressivement étendue des haies aux vergers. Depuis 2011, ce sont 35 espèces d’oiseaux nicheurs qui ont été recensés, 20 espèces de chauves-souris, 86 espèces de carabes, 34 espèces de papillons, 24 genres d’abeilles sauvages… La biodiversité est de retour, et c’est une bonne nouvelle pour les cultures !

Le but est de favoriser la présence et les actions « bénéfiques » des auxiliaires comme la pollinisation, la restauration des équilibres biologiques, le contrôle des ravageurs tels que les pucerons, les campagnols et les chenilles foreuses du maïs, ainsi que la fertilité des sols. Malgré tout, le pilotage des aménagements est complexe car il faut favoriser les effets bénéfiques, sans pour autant favoriser les espèces susceptibles de causer des dégâts.

De nombreuses questions fondamentales restent en suspens : Quels sont les auxiliaires impliqués ? Quelle est la part de chacun dans la régulation des ravageurs ? Comment se répartissent-ils dans les parcelles ? À quelle distance de leur nichoir les mésanges chassent-elles ? Les chauves-souris utilisent-elles les haies pour se déplacer jusqu’aux parcelles et y chasser ?

Une vue aérienne du système agroforestier de la plateforme TAB (Techniques alternatives et biologiques), dans la Drôme. On distingue nettement l’alternance entre grande culture et verger © Chambre d’Agriculture de la Drôme

 

Des essais ambitieux pour préparer l’avenir

Depuis 2019, les études se concentrent sur les relations entre cultures et biodiversité, cherchent à quantifier et à décrire les services rendus par les auxiliaires, pour pouvoir in fine mieux les favoriser. Ainsi, pour déterminer quels sont les niveaux de prédation des passereaux dans les différentes cultures, les techniciens utilisent de fausses chenilles en pâte à modeler, disposées dans les haies, le maïs ou les vergers. La fréquence des marques de becs sur les leurres, plus marquée dans les haies ou à proximité des nichoirs occupés par les mésanges, souligne l’importance de ces aménagements pour la régulation des chenilles de tordeuse ou des pyrales. Nous réaliserons à l’automne une analyse du régime alimentaire des chauvessouris sur des prélèvements de guano des trois dernières années afin d’identifier leur rôle dans la prédation de certains papillons nocturnes, responsables de dégâts dans le maïs ou
les pêchers.

Des nichoirs dans un verger de pêchers © Chambre d’Agriculture de la Drôme

Parmi les autres leviers agroécologiques mis en place, l’association d’arbres aux cultures annuelles – encore appelée agroforesterie – est une thématique importante. Un premier essai (conduit en agriculture biologique) est en place depuis 2013, associant pêchers, grandes cultures (soja, maïs, féverole, colza, blé), haies, nichoirs et bandes enherbées. L’enjeu est de déterminer si la mixité des cultures et des strates permet de diminuer la dépendance aux intrants, d’améliorer la régulation des bioagresseurs et la fertilité des sols.

Deux autres essais, plus complexes seront installés, visant spécifiquement une adaptation et une meilleure résilience face aux effets du réchauffement climatique, ainsi que des réductions importantes de la consommation en eau. Dans ces systèmes, les arbres fruitiers fourniront aux cultures annuelles un effet brise-vent et de l’ombrage à certains moments de la journée, ce qui pourrait ainsi limiter les « coups de chaleur » et la demande en eau. Des productions de plantes aromatiques (thym, lavande…) seront présentes dans ces nouveaux systèmes, et en augmenteront la biodiversité.

Le recours aux couverts végétaux ou à des apports de matière organique (broyat, mulch…) devrait permettre d’augmenter la rétention en eau du sol. Ces essais, conçus et pilotés par des collectifs incluant techniciens, chercheurs et agriculteurs, évalueront l’ensemble des performances techniques, économiques et environnementales des systèmes testés.

 

Florian Boulisset
Chargé de mission plateforme TAB à la Chambre d’agriculture de la Drôme

 

(1*) Inrae: Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; CTIFL: Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes ; Grab: Groupe de recherche en agriculture biologique; Itab: Institut technique de l’agriculture et de l’alimentation biologique; Sefra: Station expérimentale fruits de Rhône-Alpes ; LPO: Ligue pour la protection des oiseaux.