La serre de Bary : Un monument à préserver

Le premier Jardin botanique de Strasbourg a été créé en 1619 sur les vestiges d’un cimetière situé à l’emplacement actuel du jardin de l’École des arts décoratifs (HEAR), ancêtre de l’université. Redevenu lieu de sépulture lors du siège de la ville en 1870, le jardin a été rebâti après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle à l’emplacement des anciens remparts, à l’est de Strasbourg, dans le nouveau quartier de la Neustadt, récemment classé patrimoine mondial de l’Unesco.

 

La Maison de Victoria

Construite dans les années 1880, la serre de Bary de l’Université de Strasbourg est installée dans le cadre du nouveau jardin botanique. Rebâtie après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle, à l’est de la ville, elle fait partie d’un vaste complexe universitaire dédié à l’enseignement et à la recherche en botanique, installé par l’Empire germanique. C’est le recteur de l’Université (1872-1873) et directeur du Jardin botanique, Anton de Bary, qui supervise le projet, conçu par l’architecte Hermann Eggert.

Seul élément aujourd’hui subsistant de ces 4 000 m2 de serres détruites par un violent orage de grêle en 1958, elle a été, dès le départ, dédiée à la culture du nénuphar géant d’Amazonie (Victoria regia ou Victoria amazonica). Elle est appelée à l’origine « Warmaquarium » puis « Victoriahaus ». La serre proprement dite est une structure vitrée, assise sur un soubassement en grès, assez basse pour des raisons de maintien de chaleur et d’humidité, doté d’un bassin central chauffé de sept mètres de diamètre à douze côtés, dans lequel on sème annuellement cette plante aquatique.

Un nénuphar géant

Un des fils de la famille de Bernard Muller, chef jardinier dans les années 1920 – © fonds Muller

Ce nénuphar géant nécessite, pour croître, une eau chaude et un fort ensoleillement. Quand ces conditions sont réunies, la plante déploie d’immenses feuilles en forme de plat à tarte qui dépassent un mètre de diamètre. Elle produit entre 40 et 50 feuilles par saison, tellement grandes et solides qu’elles peuvent supporter le poids d’un enfant de 4 ans. Les fleurs, d’un rayon allant jusqu’à 40 cm de diamètre, sont solitaires. Elles flottent sur la surface de l’eau, tout comme les feuilles, et possèdent un pédoncule de taille variable selon la profondeur. Sa floraison a lieu au mois d’août et dure 48 heures. La fleur s’ouvre pour la première fois en fin d’après-midi avec une couleur blanc ivoire. S’épanouissant durant deux nuits consécutives, elle se referme au matin. Son odeur fruitée attire son principal pollinisateur, un scarabée endémique d’Amazonie. Cultivée en serre en dehors de sa région d’origine, la plante est pollinisée à la main par les jardiniers qui la cultivent.

Le bassin central de la serre est fissuré au cours de la Seconde Guerre mondiale et rempli de terre après les années 1950. On n’y cultive plus de plantes aquatiques jusqu’à une rénovation partielle dans les années 1990. La serre doit son nom actuel aux descendants d’Anton de Bary, qui ont financé cette rénovation pour permettre la remise en eau du bassin. Elle est également classée au titre des monuments historiques par arrêté du 25 mars 1993.

Jusqu’en 2011, la serre de Bary présentait également d’autres plantes aquatiques remarquables comme le palétuvier rouge (Rhizophora mangle), le papyrus du Nil (Cyperus papyrus) ou la fougère des mangroves (Acrostichum aureum).

Un monument en péril

La serre de Bary vue du haut de l’Institut
de botanique – © Shirin Khalili

Une vingtaine d’années après ces derniers travaux, suite à denombreuses intempéries et à une ouverture au public sans interruption, l’état de la serre de Bary s’est fortement dégradé. Le soubassement en grès s’enfonce, ce qui déforme la charpente métallique et entraîne des fêlures sur les vitres. Les fuites dans les bassins empêchent la mise en eau, qui risquerait d’aggraver encore la situation. Le système vétuste de chauffage ne permet pas de mettre sereinement en culture des végétaux de la zone intertropicale. Toute la structure présente des fissures.

Il est donc décidé de fermer la serre au public et de procéder aux premiers diagnostics afin d’évaluer la situation et l’état de péril. Les bassins de la serre sont vidés et toutes les plantes déménagées.

Une renaissance programmée

Le bassin central de la serre avant 2011, avec le palétuvier rouge (Rhizophora mangle) – © Shirin Khalili

Le Jardin botanique de l’Université de Strasbourg est un véritable écrin de verdure pour le joyau patrimonial que représente la serre de Bary. C’est dans un esprit d’ouverture au public et de dialogue entre l’Université et la cité que sont menées les actions de restauration de la serre.

La Faculté des Sciences de la vie, en charge de la gestion du Jardin botanique, a construit un partenariat avec la Fondation du Patrimoine afin de mener à bien le mécénat nécessaire à la sauvegarde de cette serre, architecture unique qu’il est encore possible de sauver. Cette année, l’anniversaire des 400 ans du Jardin botanique sera l’occasion de mettre en lumière la serre à travers des manifestations culturelles, artistiques et scientifiques, qui viendront animer les deux prochaines saisons.

La serre de Bary du Jardin botanique de l’Université de Strasbourg, une fois restaurée, redeviendra un bijou architectural dans son écrin de verdure. Elle sera à nouveau un outil pédagogique au service des étudiants, ainsi qu’un outil de recherche performant en sciences du végétal. Enfin, elle sera rouverte au grand public pour une médiation scientifique de qualité, mais aussi pour permettre aux Strasbourgeois de retrouver tout simplement le plaisir de profiter de toute cette biodiversité.

Shirin Khalili
Chargée de médiation scientifique, Faculté des sciences de la vie, Université de Strasbourg (skhalili@unistra.fr)

 

Zoom sur l’Europe

On peut encore voir aujourd’hui en Europe un certain nombre de serres « à Victoria » âgées de plus d’un siècle et rénovées à l’identique. Les serres citées ici, dans l’ordre chronologique de leur construction, sont « autonomes » et ne sont pas accolées à d’autres structures vitrées :

– Royal Botanic Garden, Kew – Royaume-Uni (1852)
– National Botanic Garden, Meise – Belgique (1854)
– Jardin botanique de l’Université de Strasbourg – France (1884)
– Botanical Garden Basel University – Suisse (1897)
– Bergius Botanical Garden, Stockholm – Suède (1899)
– Botanical Garden Martin-Luther University, Halle – Allemagne (1902)

Le mécénat pour préserver la serre de Bary

Un programme de mécénat populaire est mené conjointement par l’Université de Strasbourg et la Fondation du patrimoine pour sauvegarder cet édifice exceptionnel.

La Fondation du patrimoine est l’un des acteurs majeurs de la sauvegarde et de la mise en valeur de notre patrimoine régional. Elle soutient les porteurs de projets (collectivités et associations) dont la volonté est de préserver des éléments remarquables aujourd’hui menacés.

Il est possible de faire un don en vous connectant sur la page dédiée du site web de la Fondation :
www.fondation-patrimoine.org/les-dons-et-soutiens/faire-un-don?project=6070

Pour tous renseignements, contactez-nous au
03 88 22 32 15
ou par mail à 
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