Samuel Albert : le cuisinier local international
Son parcours scolaire « chaotique » ne semblait pas lui promettre un bel avenir, dit-il. En fait, l’enseignement qu’il recevait ne lui permettait pas de révéler ses talents cachés. Car Samuel Albert, jeune chef cuisinier de 31 ans, installé à Angers (Maine-et-Loire), est aujourd’hui un homme réputé et médiatique, non sans raison.
Les origines horticoles de Samuel Albert pourraient l’avoir influencé dans sa destinée de grand chef cuisinier. Son père horticulteur possédait, en parallèle à son exploitation, un potager et soignait ses légumes avec respect. La production était destinée à la cuisine familiale. « Mon père cultivait avec passion ce jardin luxuriant. Cela m’a influencé dans la recherche permanente de l’excellence, avec de beaux plats et de beaux légumes », reconnaît Samuel. Et d’ajouter: « Cela m’a aussi sensibilisé au respect de la nature et de ses saisons. » Les arômes de la cuisine de sa mère et de ses grands-mères, dans lesquels il a baigné dès son plus jeune âge, ont sûrement contribué à sensibiliser Samuel aux saveurs dont il est devenu maître aujourd’hui.
L’appel du large
Très jeune, Samuel Albert mijote l’envie de s’ouvrir sur le monde, « de voir plus loin ». Dès treize ans, avec Julien, l’un de ses amis qu’il considère comme son frère, ils ressentent déjà l’envie d’un avenir dans l’hôtellerie-restauration. Il connaît sa première expérience à l’âge de 19 ans, en intégrant la brigade de Joël Robuchon, au Métropole Palace, à Monaco. Mais l’appel des pays lointains ne le lâche pas. À 20 ans, avec Julien, ils décident de parcourir le monde, à commencer par Londres, pour améliorer leur anglais. Suivront la Suisse, l’Australie, le Japon, la Chine, la Nouvelle-Zélande, l’Ile de la Réunion…
Top Chef 2019
Ce périple conduit Samuel à côtoyer les plus grands chefs, à s’enrichir de la variété des cuisines du monde.
Certains détectent déjà les talents d’un grand cuisinier, voient en lui un vainqueur potentiel à « Top chef » et le poussent à candidater.
Samuel accepte le pari et postule au concours 2019 « comme 2 000 autres candidats, dont de nombreux chefs étoilés représentant plus de mille étoiles au Michelin! », souligne-t-il… Et il remporte l’édition.
Le jury a été séduit par sa combinaison de produits « d’ici et d’ailleurs », sa capacité d’innovation cassant les codes. « J’ai pu réaliser une quarantaine d’épreuves avec les plus grands chefs de France, tels qu’Alain Ducasse, Pierre Gagnaire, Anne Sophie Pic et beaucoup d’autres », savoure-t-il.
Un autre point de fierté que Samuel aime évoquer est son passage à l’ambassade de Belgique à Tokyo, en tant que chef privé pendant trois ans. Cela lui a valu d’être décoré chevalier de l’ordre de la Couronne « pour ce qu’il a apporté en combinant les traditions belge et japonaise ».
Retour aux origines
Après leur périple de dix années, couronné par la victoire à Top Chef de Samuel, les deux compères décident de revenir sur leur terre natale pour exercer leur passion, avec des idées plein la tête, récoltées dans les différentes cultures du monde entier. Samuel ouvre un restaurant à Angers (Maine-et-Loire) qu’il baptise « Les Petits Prés », en clin d’œil à son territoire angevin d’origine et à sa famille. Alors que Julien officie en salle, Samuel se met aux fourneaux : « Je voulais associer les produits locaux et internationaux, sains, bio, combinant recettes locales mais aussi novatrices inspirées de la cuisine du monde. »
Exotisme régional
« Je change la grande carte une fois par an, que j’ajuste régulièrement en fonction de la saison, plus un menu du jour avec des produits de saison », indique Samuel tout en soulignant sa recherche permanente de créer de nouvelles saveurs à partir du local. « La production régionale offre une grande palette, même pour des produits dits exotiques ou tropicaux. » Par exemple les agrumes, cultivés aussi dans la région, constituent une des spécialités culinaires de Samuel. C’est aussi le cas de champignons d’origine japonaise produits localement, très utilisés dans la cuisine asiatique. Outre les légumes et fruits, Samuel met en valeur la volaille fermière d’Anjou, Label Rouge, qu’il trouve dans une coopérative fermière locale. Il va jusqu’à nous dévoiler son secret: une cuisson à basse température à 68 °C, pendant une heure, puis il désosse la volaille et la reconstitue avant de la passer au gril! Comment résister ?
Le chef utilise aussi beaucoup de fleurs, tant comestibles que décoratives, qu’il se procure auprès d’un producteur de Mazé (Maine-et-Loire). Par exemple, il combine les fraises avec les feuilles et fleurs d’agastache. Sa philosophie est de tout utiliser dans les plantes, sans rien jeter. Par exemple, pour la coriandre, les feuilles parfumeront les sauces, les tiges seront travaillées comme condiment et les fleurs en décoration.
Hommage aux jardiniers
Le jeune cuisinier est un battant. « Je suis plutôt un fonceur, un déterminé, j’essaye toujours de m’améliorer avec mes équipes », se décrit-il. Malgré la crise sanitaire, sa tête est remplie de projets, comme celui de créer un nouveau restaurant, « toujours en respectant cette démarche de combinaison du local et de l’international ». Et de conclure, peut-être imprégné de ses origines horticoles : « Je veux rendre hommage à tous les jardiniers. Je ne fais que sublimer leurs produits en veillant à ne pas les dénaturer. »
Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France
Les Petits Prés
6 place du Ralliement
49100 Angers
Tél. : 02 41 88 42 87
www.lespetitspres.fr