Régulation naturelle des ravageurs des légumes en verger-maraîcher

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Les parcelles agroforestières (associant arbres et cultures ou animaux) se multiplient. Des chercheurs ont étudié quelle influence la présence d’arbres aux alentours des cultures pouvait avoir. Les résultats s’avèrent prometteurs.

Pieris brassicae, la piéride du chou (ici photographiée à Fronton, Haute-Garonne), fait partie des ravageurs rencontrés dans la parcelle étudiée © D. Descouens-Creative Commons 4.0

Les parcelles agroforestières (associant arbres et cultures ou animaux) se multiplient ces dernières années. Les arbres fournissent de nombreux services d’intérêt général, tels que le stockage du carbone ou la limitation de l’érosion. Pour l’agriculteur, l’arbre peut également constituer une source de revenus. Le verger-maraîcher, associant des arbres fruitiers et des légumes, s’avère en cela pertinent : dans ces parcelles, l’ensemble de l’espace 3D disponible est utilisé pour la production de nourriture avec des légumes au sol et, à différentes hauteurs, des fruits, et potentiellement du bois, pour certaines espèces à double fin. Les vergers-maraîchers sont donc une façon de mieux gérer les aléas (en produisant à la fois des légumes et des fruits, l’agriculteur ne met pas tous ses œufs dans le même panier (1*) ) et de répondre à la faible disponibilité des surfaces agricoles dans certaines zones, périurbaines notamment.

Les fourmis faisaient partie des prédateurs communs les plus rencontrés par les chercheurs © Hélène Rival – Wikimedia Commons 4.0

Accueillir les prédateurs des ravageurs : une alternative aux pesticides de synthèse

En parallèle, les ravageurs, qui causent des dégâts sur les cultures, sont l’une des plus grandes causes de perte de récoltes. Une alternative possible à l’usage des pesticides de synthèse est la régulation naturelle des ravageurs par les prédateurs qui s’en nourrissent tels que les araignées ou les carabes. Les arbres constitueraient une source de refuges et de nourriture pour ces prédateurs.

Ainsi, on peut penser que la régulation des ravageurs serait plus efficace dans des parcelles agricoles associant cultures et arbres, comme les vergers-maraîchers, que dans les monocultures. Cependant, l’effet positif, négatif ou neutre des arbres sur la régulation des ravageurs des cultures dépend fortement du contexte et rend difficile toute généralisation. De nombreuses variables agissent sur la régulation des ravageurs et ce, à plusieurs échelles : l’efficacité de la régulation dépend de l’espèce du ravageur, de la culture et des prédateurs présents (2*), du type de diversification végétale (3*), des pratiques agricoles employées sur la parcelle (4*) et enfin de la structure du paysage (5*) (présence d’habitats semi-naturels par exemple).

De plus, ces variables interagissent entre elles, ce qui complique encore davantage la compréhension du système. La chaîne alimentaire comprenant les ravageurs est aussi très complexe car certains de leurs prédateurs, comme les araignées, présentent un régime alimentaire très généraliste, se traduisant par la consommation non seulement de ravageurs mais aussi d’autres insectes dont certains sont utiles (comme les autres espèces d’araignées) !

Choux plantés entre pommiers vs choux en monoculture

Le parti pris de l’étude présentée ici (6*) a été de limiter au maximum le nombre de variables mises en jeu pour simplifier le problème. Nous avons donc comparé la régulation naturelle des ravageurs de parcelles en verger-maraîcher et de monocultures maraîchères en se basant sur des vergers-maraîchers simplifiés avec deux espèces (choux pointus et brocolis, et pommiers). Nous avons considéré la régulation de l’ensemble du cortège de ravageurs du chou. Nous nous sommes demandé si les ravageurs étaient moins nombreux sur les choux plantés entre des pommiers que sur des choux en monoculture et, à l’inverse, si les prédateurs y étaient plus nombreux.

D’avril à juin 2016, nous avons compté les ravageurs présents sur les choux dans ces deux types de parcelles, implantées sur le centre Inra d’Avignon, donc sous un climat méditerranéen. En parallèle, nous avons suivi les prédateurs grâce à trois méthodes selon leur mode de déplacement : les prédateurs terrestres ont été capturés à l’aide de pots-pièges, pots enterrés au ras du sol dans lesquels ils tombent, les prédateurs ne bougeant que très peu des choux ont été comptés en même temps que les ravageurs, sur les choux, et les prédateurs volants lors de sessions d’observation de cinq minutes. Les prédateurs sont d’autant plus efficaces pour contrôler les ravageurs qu’ils sont nombreux et qu’ils appartiennent à différentes espèces équitablement représentées. Nous avons calculé en plus de l’abondance, le nombre d’espèces et l’équitabilité des prédateurs du sol (insectes et araignées).

Résultats et hypothèses

La communauté de ravageurs des choux était très diversifiée. Elle se composait de pucerons (le puceron vert du pêcher Myzus persicae et le puceron cendré du chou Brevicoryne brassicae), des œufs et de chenilles de Lépidoptères (piéride du chou Pieris brassicae, piéride de la rave P. rapae, piéride du navet P. napi, la pyrale du chou Evergestis forficalis et la teigne des crucifères Plutella xylostella) et d’aleurodes sous forme d’œufs, de pupariums et d’adultes (Figure n° 1). Les prédateurs les plus communs étaient les fourmis, les coléoptères et les araignées (Figure n° 2). Contrairement à notre hypothèse initiale, la plupart des ravageurs étaient plus nombreux sur les choux du verger-maraîcher alors que c’était l’inverse pour les prédateurs. De plus, le nombre d’espèces de prédateurs et l’équitabilité étaient plus faibles dans les vergers-maraîchers que dans les parcelles en monoculture de choux.

Les prédateurs délaissent peut-être, dans les vergers-maraîchers, les ravageurs pour d’autres proies. De plus, les prédateurs se reproduisent lentement et ne bénéficieraient des ressources plus élevées en verger-maraîcher qu’après un temps plus long. Notre verger-maraîcher simplifié ne favorise donc pas la régulation des ravageurs à court terme. Mais qu’en serait-il à plus long terme ? D’autres mécanismes se seraient-ils mis en place ? Qu’en serait-il pour un verger-maraîcher présentant une plus grande diversité d’arbres fruitiers et de cultures ? Ce résultat est-il typique du climat méditerranéen, les arbres protégeant les ravageurs des grosses chaleurs et du Mistral ? En comprenant les mécanismes et la dynamique de cette régulation, des pistes pourront être trouvées pour aménager les vergers-maraîchers de façon à favoriser les prédateurs et à terme, réguler plus efficacement les ravageurs.

 

Camille Imbert (1*), Julien Papaïx (2*), François Warlop (3*), Léa Husson (1*), Claire Lavigne(1*)

(1*) Plantes et Systèmes de culture horticoles (PSH), INRAE Avignon
(2*) Biostatistiques et processus spatiaux (BioSP), INRAE Avignon
(3*) Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), Avignon

REMERCIEMENTS

Cette étude a été financée dans le cadre de l’appel à projets « Agroforesterie Tempérée », lancé en 2015 par la Fondation de France.

POUR ALLER PLUS LOIN

Projet SMART: www.grab.fr/le-projet-smart-9497

Imbert C., Papaïx J., Husson L., Warlop F. & Lavigne C. (2019) Pests, but not Predators, Increase in Mixed Fruit Tree– Vegetable Plots Compared to Control Vegetable Plots in a Mediterranean Climate. Agroforestry Systems, 1-12.

Imbert C., Papaïx J., Husson L., Warlop F. & Lavigne C. (sous presse) Estimating Population Dynamics Parameters of Cabbage Pests in Temperate Mixed Apple Tree-Cabbage Plots Compared to Control Vegetable Plots. Crop protection[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_media_grid element_width= »6″ item= »masonryGrid_BlurOut » grid_id= »vc_gid:1583406239440-7f269cea-3ef9-3″ include= »17402,17401″][/vc_column][/vc_row]

 

(1*) Paut R., Sabatier R. & Tchamitchian M. (2019). Reducing Risk Through Crop Diversification: An Application of Portfolio Theory to Diversified Horticultural Systems. Agricultural systems, 168, 123-130.

(2*) Pumariño L., Sileshi G.W., Gripenberg S., Kaartinen R., Barrios E., Muchane M.N., Midega C. & Jonsson M. (2015) Effects of Agroforestry on Pest, Disease and Weed Control: A MetaAnalysis. Basic Appl. Ecol. 16, 573–582. https://doi.org/10.1016/j.baae.2015.08.006.

(3*) Dassou A.G. & Tixier P. (2016) Response of Pest Control by Generalist Predators to Local-Scale Plant Diversity: a MetaAnalysis. Ecol. Evol. 6, 1143–1153. https://doi.org/10.1002/ece3.1917.

(4*) Trichard A., Ricci B., Ducourtieux C. & Petit, S. (2014) The Spatio-Temporal Distribution of Weed Seed Predation Differs Between Conservation Agriculture and Conventional Tillage. Agric. Ecosystems & Environ. 188, 40-47.

(5*) Holland J.M., Douma J.C., Crowley L., James L., Kor L., Stevenson D.R.W. & Smith, B.M. (2017). Semi-Natural Habitats Support Biological Control, Pollination and Soil Conservation in Europe. A Review. Agron. Sustain. Dev. 37, 31. https://doi.org/10.1007/s13593-017-0434-x.

(6*) Imbert C., Papaïx J., Husson L., Warlop F. & Lavigne C. (2019) Pests, but not predators, increase in mixed fruit tree–vegetable plots compared to control vegetable plots in a Mediterranean climate. Agroforestry Systems, 1-12.