Quelle lumière pour les plantes d’intérieur ?

Comme toutes les plantes, celles utilisées à l’intérieur de la maison ont un minimum d’exigences pour assurer leur croissance, voire leur survie.

Outre le gaz carbonique disponible dans l’air, une alimentation régulière en eau et en éléments minéraux est indispensable, ainsi qu’un apport journalier de lumière. Ce dernier facteur est le plus contraignant dans un milieu artificiel tel un appartement. Or, il présente un impact fort sur la croissance des plantes.

Lumière, photosynthèse efficace et croissance

La photosynthèse est directement liée à la quantité de lumière reçue par les feuilles. Or, celle-ci décroît très vite quand on s’éloigne de la source lumineuse, selon le carré de la distance. Ainsi, à deux mètres d’une fenêtre, le flux lumineux est quatre fois plus faible que devant la fenêtre. Selon l’orientation de la fenêtre (plus ou moins vers le sud) et la saison, ce flux peut donc très vite se réduire et devenir insuffisant pratiquement toute l’année pour un grand nombre d’espèces. En effet, il faut un minimum d’intensité lumineuse pour que la photosynthèse commence à être efficace et permette le début de la croissance, c’est-à-dire compense la perte de biomasse par la respiration. Ce moment-clé s’appelle point de compensation. Sa valeur dépend de l’espèce végétale. Il est faible pour les plantes de sous-bois, mais beaucoup plus élevé pour les plantes de pleine lumière. Pour ces dernières, il correspond à peu près à l’intensité lumineuse à l’intérieur d’une pièce bien éclairée à mi-saison. Pour que la photosynthèse puisse assurer une croissance normale de la plante, il est donc impératif que le flux lumineux reçu par les feuilles dépasse largement ce point de compensation, pendant suffisamment longtemps durant la journée.

Quant à la floraison, qui correspond à la transformation de bourgeons végétatifs en boutons floraux, c’est un processus qui exige chez beaucoup d’espèces un niveau lumineux élevé, incompatible avec les conditions lumineuses de beaucoup d’appartements, sauf pour quelques espèces de sous-bois tropicaux qui fleurissent bien à la miombre, comme certaines orchidées, l’anthurium, le clivia ou le spathiphyllum.

Plantes vertes en chambre de culture, Chine 2019 © P. Morel

Les effets de l’intensité lumineuse

Un autre phénomène moins connu est la capacité de la plante à interpréter l’environnement lumineux dans lequel elle se situe pour optimiser sa croissance et sa floraison. Elle peut ainsi orienter la croissance de sa tige en direction de la source lumineuse et donc se courber, c’est le phototropisme. Selon la qualité de la lumière perçue (la part relative des différentes longueurs d’onde qui la composent), elle peut aussi limiter la croissance de sa tige, ou au contraire l’allonger exagérément. Les feuilles contiennent en effet des capteurs spécifiques, les photorécepteurs, sensibles à certaines longueurs d’onde (entre les ultraviolets et les infrarouges). Selon l’équilibre relatif entre ces longueurs d’onde, la croissance, mais aussi la ramification, seront plus ou moins activées.

Ainsi, en milieu ombragé, sous la canopée d’une forêt par exemple, les longueurs d’onde entre le bleu et le rouge clair diminuent au profit du rouge sombre. Dans ces conditions, la croissance en longueur des tiges est favorisée, ce que l’on appelle l’étiolement. C’est ce que l’on constate en forêt sur un semis de jeunes arbres, au tronc frêle et long. En conditions artificielles d’appartement, ces mêmes phénomènes interviennent, surtout le phototropisme puisque les plantes sont généralement soumises à un éclairement provenant d’une seule direction (une fenêtre). Il peut également s’y ajouter une modification du spectre lumineux, avec une réduction des courtes longueurs d’onde (pas d’UV, peu de bleu), se traduisant par un étiolement des tiges. Pour contrecarrer ce déséquilibre du spectre lumineux, mais également augmenter la photosynthèse et améliorer la croissance, un apport complémentaire de lumière peut être utile. Les lampes émettant une lumière dont les longueurs d’onde s’échelonnent entre le bleu et le rouge clair sont les plus favorables.

En pratique, il s’agit de lampes à lumière blanche, plus ou moins « chaude » selon la part de bleu et de rouge qui la compose. Les lampes LED actuelles répondent à ces exigences, contrairement aux anciennes lampes à incandescence ou à décharge, qui ne sont plus commercialisées. Ces lampes LED sont d’autant plus intéressantes qu’elles consomment peu d’électricité et émettent peu de chaleur. On peut donc les positionner facilement à proximité des plantes, sans risquer de brûler les feuilles. Ainsi, une lampe LED blanche de 800 lumens, positionnée à une quarantaine de centimètres du feuillage donnera un flux lumineux tout à fait satisfaisant.

Rosier en chambre de culture, Irradiance 2019 © P. Morel

La transpiration, plus importante en lumière naturelle

Le dernier mécanisme physiologique sur lequel la lumière présente un impact est la transpiration, qui correspond à la perte d’eau au niveau des stomates foliaires après son absorption par les racines et son transport dans les tiges. En fait, c’est la partie énergétique de la lumière qui intervient dans ce phénomène en permettant de maintenir les feuilles à une température satisfaisante grâce au changement de phase de l’eau (passage de l’état liquide à l’état gazeux par évaporation au niveau des stomates). Ce flux permet aussi le transport des éléments minéraux des racines vers les autres organes de la plante par la sève brute ascendante. Plus le rayonnement reçu par les feuilles est élevé, plus le limbe de celles-ci s’échauffe. Pour limiter cet échauffement et éviter la destruction des cellules, les quantités d’eau évaporée au niveau des stomates augmentent, ce qui entraîne une baisse locale de la température et le maintien de conditions satisfaisantes pour la photosynthèse.

Laitue en chambre de culture Ful 2016 © P.Morel

En conditions d’appartement, les plantes ne sont généralement pas soumises à un fort rayonnement lumineux, ce serait même plutôt le contraire.

 

Il n’y a donc pas lieu de craindre une transpiration excessive, même si la température ambiante, souvent proche de 20 °C, et l’hygrométrie de l’air, généralement basse, sont plutôt favorables à des échanges gazeux réguliers tout au long de l’année. Cela étant, il faudra être vigilant lors de l’arrosage des plantes vivant en intérieur, donc non soumises au rayonnement solaire, en limitant les quantités d’eau apportées. En été, l’évapotranspiration va bien sûr augmenter du fait de la longueur du jour et des températures plus élevées, mais sans commune mesure avec des plantes placées en conditions naturelles (1*).

Outre les caractéristiques lumineuses décrites précédemment,
globalement plutôt limitantes, les conditions environnementales
d’un appartement ou d’une maison se caractérisent
aussi par une température moyenne plutôt élevée
(20 °C) toute l’année. Ces conditions particulières permettent
a priori d’envisager un large choix d’espèces aux caractéristiques
génétiques adaptées, en particulier celles provenant de
sous-bois de forêts tropicales.

Cependant, ce choix se réduit à cause d’une autre caractéristique plus négative du climat d’un appartement, la faible hygrométrie de l’air, peu adaptée aux plantes tropicales. Malgré tout, quelques espèces ont fait leurs preuves dans ces conditions. À titre d’exemple, on peut citer le spathiphyllum, le fatshedera, le chlorophytum, le clivia, le schlumbergera (cactus de Noël), les ficus, la sansevieria, le plectranthus, la scheffléra, le syngonium et, bien sûr, les orchidées.

 

Philippe Morel
Ancien ingénieur de recherche à l’Inra, membre du conseil scientifique de la SNHF

(1*) Voir aussi : www.jardinsdefrance.org/larrosage-des-plantes-en-pot-une-complexite-decryptee/