Programme SaveBuxus pour la gestion des bioagresseurs du buis : bilan et perspectives

Il y a environ dix ans, on rencontrait de beaux buis partout en France, notamment
dans les parcs et jardins. Mais deux bioagresseurs, la cylindrocladiose et la pyrale,
sont passés par là. Pour conserver leur visage à ces plantations, tout un arsenal est testé. Retour sur ces expérimentations.

Il est essentiel de suivre les vols de papillons de mai à novembre afin de détecter les pics de vols et de caler ainsi les interventions sur les chenilles des générations suivantes – © Maxime Guérin, Plante & Cité

Aussi bien présent en milieu naturel que dans nos parcs et jardins les plus prestigieux, le buis est un arbuste largement utilisé en France qui, il y a une dizaine d’années encore, ne subissait pas d’attaques parasitaires majeures. Depuis, la situation a bien changé, avec la cylindrocladiose du buis (Calonectria pseudonaviculata, C. henricotiae) d’abord, puis la pyrale du buis (Cydalima perspectalis). Face à ces deux bioagresseurs performants, les gestionnaires d’espaces verts et les producteurs de buis se sont retrouvés rapidement dépassés.

C’est pour cela que Plante & Cité (*1) et l’Astredhor (*2) ont lancé, en 2014, le programme SaveBuxus afin de développer des stratégies de gestion alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse contre ces parasites des buis. Les travaux ont été réalisés en collaboration avec l’Inra d’Avignon, Koppert France puis Sumiagro France, ainsi qu’avec une vingtaine d’autres structures partenaires qui ont contribué aux différents travaux (stations d’expérimentation du réseau Astredhor, Réseau Fredon, collectivités, entreprises de paysage…).

Quatre années d’expérimentations

Les principales conclusions de ces quatre années d’expérimentations sont les suivantes :

  • La pyrale du buis a été introduite accidentellement en Europe dans les années 2000. Elle y est rapidement devenue invasive – © Maxime Guérin, Plante & Cité

    Contre la cylindrocladiose, l’utilisation de produits debiocontrôle (micro-organismes, extraits minéraux ou végétaux) à effet fongicide, antagoniste ou stimulateur de défense des plantes peut parfois permettre de contenir la maladie, mais l’efficacité est aléatoire. La meilleure parade reste les mesures de gestion préventive : contrôle de l’irrigation et de la fertilisation, désinfection des outils de taille… Toutes ces mesures sont rappelées dans le guide Bonnes pratiques contre la cylindrocladiose et les autres maladies de dépérissement du buis
    www.astredhor.fr/data/info/141834-Guide_SaveBuxus_basse_
    definition.pdf

  • Pour les nouveaux aménagements à base de buis, il est conseillé d’orienter son choix vers des cultivars tolérants à la maladie (une échelle de sensibilité des cultivars de buis à la cylindrocladiose sera publiée au printemps) :
    www.plante-et-cite.fr/projet/fiche/70
  • Une « récolte » de pyrales – © Vincent Millot

    Contre la pyrale du buis, les différents travaux ont permis de développer une stratégie de gestion adaptée pour les petites parcelles où la pression est faible à moyenne. Pour tenter de limiter les populations et les dégâts, il est impératif de suivre minutieusement ses buis tout le long de la saison, de combiner les différentes techniques de gestion, et de prolonger l’effort dans le temps. Comment procéder ?

Suivez vos buis

Il faut suivre les buis :

  • Surveillez la reprise d’activité de la pyrale après l’hiver en observant les buis, afin de pouvoir intervenir dès que les chenilles commencent à consommer les feuilles ;
  • Suivez les vols de papillons de mai à novembre à l’aide de pièges à phéromones de type entonnoir et d’une phéromone spéciale pyrale du buis, afin de détecter les pics de vols et caler ainsi les interventions sur les chenilles des générations suivantes ;
  • Intervenez sur les chenilles à l’aide d’agents entomopathogènes : à la reprise d’activité des chenilles pour limiter, dès le début de saison, l’impact de la pyrale, puis après chaque pic de vols pour contenir les populations du ravageur et maintenir les buis verts. Pour s’assurer que la préparation utilisée pénètre au cœur des buis, très dense, et atteint les chenilles, il est nécessaire de mouiller les buis jusqu’à atteindre la limite de ruissellement. Parmi les agents testés dans le cadre du programme SaveBuxus, le Bacillus thurengiensis était le plus adapté (agit sur les différents stades larvaires, ne cible que les lépidoptères, groupe peu présent sur le buis). Les préparations à base d’huile de colza et de pyrèthres ont donné de bons résultats mais leur spectre d’action est très large. Quant aux nématodes, ils se sont avérés non adaptés pour lutter contre cette chenille ;
  • Intervenez sur les papillons par piégeage de mai à novembre. Le modèle de piège adapté à la lutte est dif­férent de celui à utiliser pour le suivi. Il faudra ici choisir le Buxatrap®, spécifiquement développé pour gérer la pyrale du buis dans le cadre du programme. Il s’agit d’un piège sec qui sature moins rapidement que les pièges à entonnoir. Il nécessite donc moins d’entretien.
  • Favorisez, par l’aménagement du site, l’installation de la faune auxiliaire, dont les chauves-souris et les mésanges (aménagement de zones refuges, installation de nichoirs et abris).
    En parallèle, des expérimentations ont été conduites pour sélectionner une souche de trichogrammes (*3) capable de parasiter les œufs de pyrale du buis, puis pour développer une stratégie de lâchers. Les travaux sont toujours en cours.

Toutes ces recommandations sont présentées dans le livret de synthèse Gestion de la pyrale du buis – Enseignements du programme SaveBuxus [2014-2017]
www.plante-et-cite.fr/Ressource/fiche/504

 

Les feuilles des buis attaqués par la pyrale brunissent et sèchent. Elles finissent par tomber – © Maxime Guérin, Plante & Cité
La pyrale peut ravager totalement les buis, même si, comme ici, quelques pousses parviennent à résister – © Noëlle Dorion

 

Des résultats prometteurs ont été obtenus au laboratoire sur l’utilisation d’huiles essentielles.

Évolution de la situation : des résultats prometteurs

Depuis le lancement du programme, la situation phyto­sanitaire a fortement évolué, en particulier concernant la pyrale du buis. Sa diffusion dans les espaces naturels forestiers a entraîné un développement exponentiel des populations. Les solutions mises au point dans la première phase du programme SaveBuxus sont désormais le plus souvent insuffisantes pour faire face et contenir un tel afflux, qui revient en force dans les parcs et jardins depuis les espaces naturels où les populations de pyrale prolifèrent. Les travaux vont donc se poursuivre jusqu’en 2020 afin de développer des techniques de gestion complémentaires. La confusion sexuelle, testée en 2018, a déjà montré ses limites. Elle ne continuera pas à être travaillée. En revanche, des résultats prometteurs ont été obtenus au laboratoire sur l’utilisation d’huiles essentielles. L’utilisation de certaines huiles semble limiter la consommation des feuilles de buis par les chenilles. Les résultats sont à confirmer en 2019, ainsi que leur impact sur le comportement de ponte des papillons femelles. Ces substances pourraient venir compléter, d’ici quelques années, l’arsenal de lutte disponible.

En complément, pour les sites sur lesquels les propriétaires et gestionnaires souhaitent remplacer leurs buis, un travail a été lancé en 2018 sur les alternatives aux buis, dans le prolongement des travaux réalisés par le GIE Fleurs et Plantes du Sud-Ouest depuis 2014. L’objectif est d’évaluer le compor­tement d’une vingtaine de taxons en conduite de type bordures et d’en déduire ainsi des recommandations d’utilisation et d’entretien pour les futurs utilisateurs.

Maxime Guérin

Chargée d’études – Protection biologique intégrée et gestion de la flore spontanée chez Plante & Cité

 

*1 Centre technique sur la nature en ville

*2 Institut technique de l’horticulture

*3 Microguêpes, parasitoïdes d’autres insectes.