Processionnaires du pin et du chêne : Biologie, risques et stratégies de régulation

Les processionnaires Thaumetopea pityocampa et Thaumetopoea processionea sont connues pour leurs fortes nuisances sur l’homme et les animaux ainsi que pour leurs dégâts sur les arbres hôtes. Elles sont inféodées, pour la première, aux résineux (pins, cèdres, mais aussi sapins, douglas…) et, pour la seconde, aux chênes. Leurs cycles de vie sont généralement annuels. Cependant, on observe de fortes variations (2-5 ans) chez la processionnaire du pin en fonction de la latitude ou de l’altitude. Le déplacement en procession, commun aux deux espèces, est caractéristique de leur comportement.

Reproduction et cycles de vie

Les papillons de processionnaire du pin émergent du sol au cours de l’été, de juin à octobre, à la tombée de la nuit. Le vol de la processionnaire du chêne est, lui, plus centré sur le mois d’août. Quelques heures après l’émergence, les femelles émettent une phéromone sexuelle spécifique à chaque espèce dans le but d’attirer les mâles pour l’accouplement. À la fin de celui-ci, elles se mettent à la recherche d’un arbre hôte pour pondre. Elles pondent environ 200 œufs autour de deux aiguilles de pin pour l’une, et sur des rameaux de chêne pour l’autre. Les mâles et les femelles meurent quelques heures après.

L’éclosion des œufs est caractéristique de chaque espèce. Elle survient après trente à quarante jours pour la processionnaire du pin et seulement au printemps suivant pour celle du chêne. Dès leur éclosion, les jeunes chenilles tissent un réseau de soie très léger, puis sur pin, elles tisseront le nid d’hiver, une boule soyeuse jouant le rôle de radiateur solaire durant la journée. L’alimentation a lieu généralement la nuit.

À la fin de l’évolution larvaire, les chenilles de la processionnaire du pin se mettent en procession de nymphose, de janvier à mai, selon le climat, afin de s’enfouir dans le sol. En climat océanique, il peut y avoir des processions dès octobre (Figure n° 1).

Figure n° 1 : Cycle de la processionnaire du pin en fonction des zones climatiques en France métropolitaine.

 

Chez la processionnaire du chêne, la nymphose a lieu beaucoup plus tard, en juillet. Les chenilles tissent un cocon directement sur le tronc, sans quitter l’arbre hôte. Les plaques de nymphose ainsi constituées resteront sur les troncs pendant plusieurs années et les soies urticantes pourront être véhiculées par le vent et dangereuses pour l’homme, lors du passage en forêt, lors de travaux forestiers et même jusqu’à la scierie. Certains animaux sont aussi sensibles aux chenilles processionnaires (pin et chêne) comme les chiens, les ovins et les chevaux. Les soies urticantes, véritables micro-harpons toxiques, qui sont produites par les chenilles des deux espèces, sont très ressemblantes (Figures n° 2 et 3).

 

Se protéger ou réguler les processionnaires

Les processionnaires, même si elles affaiblissent le pin ou le chêne, ne sont pas responsables, à elles seules, de la mortalité des sujets. La combinaison de plusieurs facteurs, comme les dégâts de processionnaires, puis un stress hydrique et l’arrivée de parasites secondaires (insectes xylophages par exemple) conduira néanmoins à la mort de l’arbre hôte. En règle générale, seule la protection des personnes contre le risque « processionnaire » nécessite d’intervenir.

 

Les moyens de lutte contre la processionnaire du pin

Depuis une quinzaine d’années, l’UEFM  (1*) a développé plusieurs stratégies de régulation adaptées à la processionnaire du pin. Pendant la période larvaire, l’échenillage, une technique ancienne, consiste à couper le nid d’hiver de l’insecte. Cette intervention est difficile et nécessite un équipement pour accéder au nid.

Piéger les chenilles au moment de la procession de nymphose est une technique possible grâce au piège à chenilles. Il utilise deux séquences du comportement, la descente de l’arbre et la nymphose dans la terre, pour piéger les chenilles et les conduire vers un sachet rempli de terre.

Déposer de manière ciblée du biocide à base de Bacillus thuringiensis Kurstaki (BtK) à l’aide d’un drone sur le pourtour du nid des processionnaires du pin permet de réduire de plus de 70 % la quantité de BtK pulvérisée par rapport à un traitement conventionnel depuis le sol ou par voie aérienne avec un résultat dont l’efficacité sera supérieure à 90 %. Cette option nécessite une forte technicité (les expérimentations actuelles sont conduites en partenariat entre l’Inra et la firme Agrobio Tech Nice 06) et doit être mise en œuvre dans le respect de la réglementation en vigueur.

Favoriser la nidification des mésanges, par la pose de nichoirs adaptés, contribue à réduire significativement les populations de processionnaires (pin et chêne). Une étude conduite pendant dix années sur plus de 100 hectares a montré des réductions de processionnaire du pin jusqu’à 68 % par rapport aux témoins.

Intervenir pendant le vol des papillons à l’aide du piège à phéromones permet de réduire les rencontres mâles/femelles et la descendance. Le piège Buxatrap®, s’utilisant sans eau ni adjuvant, constitue un excellent compromis entre prix de vente, efficacité et facilité de pose ou d’entretien. Perturber le comportement des papillons mâles par la confusion sexuelle est une technique de régulation récemment mise au point.

Deux méthodes de dépôt de la phéromone ont été expérimentées :
• des billes Pheroball Pin chargés de phéromone biodégradable sont déposées par un lanceur paintball,
• des diffuseurs Ginko Pin largués par drone sur les houppiers ont permis d’obtenir une réduction très significative de la descendance.

Combiner les techniques de régulation permet de réduire le risque santé publique, éventuellement jusqu’au risque zéro. Néanmoins, deux de ces techniques ne sont pas juxtaposables sur un même site, du fait de leur antagonisme : le piégeage de masse et la confusion sexuelle.

Figure n° 4 : Les stratégies de lutte contre la processionnaire du pin en fonction du stade phénologique de l’insecte.

La lutte contre la processionnaire du chêne

Les méthodes de régulation de la processionnaire du chêne ont été moins étudiées que celles de la processionnaire du pin. Hormis la lutte mécanique par aspiration ou par brûlage (avec un risque d’incendie) des plaques de nymphose, aucune technique de lutte n’a été adaptée à cette étape du cycle.

Le piégeage phéromonal des papillons mâles nécessite l’utilisation de phéromones performantes. Le piège Buxatrap® chargé avec deux diffuseurs de phéromone est adapté à cet insecte pour la pose en hauteur et pour sa facilité d’utilisation. Mais le piégeage phéromonal ne peut pas, à lui seul, réguler les populations de processionnaire du chêne, il doit être associé à une autre méthode de lutte.

La confusion sexuelle, qui utilise aussi les phéromones, est en cours d’étude. Le traitement Biocide à base de Bacillus thuringiensis Kurstaki (BtK) à l’aide de drones reste la méthode la plus efficace pour lutter contre la processionnaire du chêne. Avant d’effectuer un traitement, le gestionnaire doit s’informer de la réglementation en vigueur.

 

Figure n° 5 : Les stratégies de lutte contre la processionnaire du chêne

Jean-Claude Martin
Inra-Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne

Christophe Bailly
Inra-Unité IAM Nancy

(1*) UEFM: Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne (Inra)