Porte-greffes de rosiers, semis ou boutures ?

Jacques Mouchotte

Pour avoir de beaux rosiers, vérifiez que leur porte-greffe est adapté au sol de votre jardin - © J.-F. Coffin
Pour avoir de beaux rosiers, vérifiez que leur porte-greffe est adapté au sol de votre jardin – © J.-F. Coffin

L’utilisation de porte-greffes pour les rosiers est une pratique répandue sur la terre entière avec toutefois énormément de spécificités locales. Il existe deux possibilités pour produire des porte-greffes de rosiers : le semis et la bouture.

 

Porte greffes de bouture

Les porte-greffes de bouture sont utilisés dans les régions à hiver doux : Bassin méditerranéen, Californie, Texas, Afrique du Sud, Australie, etc. Les boutures sont faites à partir de bois aoûté de calibre 8 à 10 mm de diamètre et de 20 à 25 cm de long. La plantation se réalise en plein champ en fin d’été, début d’automne. Les boutures sont ou ne sont pas bourrelées au préalable et protégées de la dessiccation par un buttage avec la terre en place et l’utilisation d’arrosage aérien.

Principaux porte-greffes utilisés

Greffage pour les variétés fleurs coupées : le porte greffe et bouturé puis la variété est greffée en écusson. On voit ici le démarrage du greffon - © N. Dorion
Greffage pour les variétés fleurs coupées : le porte greffe et bouturé puis la variété est greffée en écusson. On voit ici le démarrage du greffon – © N. Dorion

Rosa indica ‘Major’ dans le bassin méditerranéen. Très bonne résistance aux sols calcaires, sensibilité marquée aux gelées extrêmes, système racinaire souple et bien divisé adapté à la culture en pots, excellente aptitude au forçage en serre chaude. De nombreux clones ont été sélectionnés. On en retrouve encore la trace dans les haies libres de Provence avec leur floraison rose pâle précoce et abondante de fleurs doubles.

Rosa ‘Dr. Huey’ aux États Unis. Hybride de R. multiflora, ne supporte pas les terres alcalines. Facile à raciner, excellente reprise au greffage, racines divisées et souples propices aux plantations en conteneur. Floraison printanière stricte, rouge soutenu, demi double, abondante.

Rosa ‘Manetti’ aux États Unis et Amérique du Sud. Surtout utilisé comme porte greffe pour les rosiers de serre. Résistant au calcaire, plus résistant au froid que l’Indica. Système racinaire moyennement divisé, profond, plutôt rigide. Un bon porte-greffe tout terrain.

Rosa multiflora. Afrique du Sud, Japon, Australie. De nombreux clones ont été sélectionnés dans ces différentes régions. Parfois classé plante envahissante. Adapté aux sols acides et à la mise en conteneur.

A noter le Natal Briar qui est une sélection de Multiflora surtout utilisé pour réaliser des greffes/bouture dites « Stunting » en cycle court et serre chaude pour la production de rosiers de serre.

Porte-greffes de semis

Les porte-greffes de semis sont produits par des horticulteurs spécialisés qui élèvent les jeunes plants pendant toute une saison à partir de semis réalisé directement en pleine terre. A la récolte en hiver, ces jeunes plantes sont calibrées en fonction du diamètre du collet en mm. 2/3, 3/5, 4/6, 6/8, 8/10, 10/12.

Deux grandes familles : Canina et Multiflora

 

Un Rosa multiflora, un porte-greffe adapté aux sols acides et aux conteneurs - © N. Dorion
Un Rosa multiflora, un porte-greffe adapté aux sols acides et aux conteneurs – © N. Dorion

Multiflora. Porte greffe dominant dans la vallée de la Loire. Ses avantages sont les suivants. Les plantes produites sont très ramifiées et trapues. Le système racinaire est lui aussi plus divisé et souple, ce qui favorise une mise en conteneur ultérieure. Il permet de produire un rosier fleuri très attractif en jardinerie. L’inconvénient majeur est qu’il ne supporte pas les terres alcalines qui sont largement majoritaires sur le territoire français. Il y développe une carence ferrique qui rend le feuillage jaunâtre, seules les nervures des feuilles restent vertes. Dans ces mauvaises conditions de sol, la plante dépérit en quelques années et meurt. La couleur des fleurs produites est légèrement plus claire. Sur une carte géologique de la France on peut visualiser la gravité de la situation pour ce porte greffe. Les zones favorables sont : la Bretagne, du Cotentin au sud de l’estuaire de la Loire, le Massif-Central, les Pyrénées, la Corse, les Vosges. Les zones à très forte densité de population sont toutes à proscrire. Région parisienne, le Nord, la vallée du Rhône, La vallée de la Garonne, la Cote d’Azur (à part l’Esterel et le Maures).

Canina. De nombreuses espèces de Canina ont été utilisées en Europe. Les plus célèbres ont été le Pfanders pour réaliser les piles des rosiers tiges, le Froebelii dans la région lyonnaise. Mais celui qui domine largement à ce jour est le Rosa Laxa. Depuis toujours dominant en Angleterre et Allemagne, il a aussi gagné ses lettres de noblesse en France. Il est difficile de dire s’il y a un rapport avec le R. laxa de Llindley ou le R. laxa de Retzius mais, pour un praticien, il est très proche de ses cousins Canina avec quelques particularités. Le système racinaire est profond, plutôt rigide et organisé en griffes moyennement divisées. Le feuillage est terne, mat avec une sensibilité marquée à la rouille. Excellente résistance aux sols calcaires, à la sècheresse et au gel par ses racines profondes. Il est recommandé de le greffer tôt pour éviter les arrêts de sève qui compromettent la reprise au greffage. Malgré cette contrainte pour les producteurs, le Laxa a pris le dessus sur ses concurrents car au moment de l’opération de rabattage qui consiste à supprimer la partie aérienne du porte greffe au dessus du point de greffe, il émettait beaucoup moins de « têtes de chat » ; un redémarrage de la partie sauvage au dessus du point de greffe. Ces « têtes de chat » doivent être supprimées manuellement, ce qui représente une opération supplémentaire longue et coûteuse. Les rosiers produits ont un calibre plus petit que sur Multiflora et la présentation commerciale en jardinerie un peu moins flatteuse malgré un coloris plus intense. La durée de vie des rosiers sur Laxa ou une autre espère de Canina peut dépasser les vingt ans et ces rosiers sont sans aucun doute une meilleure garantie pour le jardinier consommateur final.

Citons enfin le Rosa canina ‘Inermis’ qui connut son heure de gloire en Allemagne et en Hollande pour la production de greffe à chaud ou greffe sur racine pour la production de rosiers de serre ; l’ancêtre du « Stunting ».

Une autre histoire à écrire

Au début du vingtième siècle la production de rosier se partageait assez équitablement entre rosier greffé et rosier sur ses propres racines. Après la seconde guerre mondiale le greffage est devenu la règle pour tous les producteurs de rosiers de la terre entière. Il a fallu attendre le début des années 1980 pour que des créations nouvelles prouvent à nouveau leur valeur une fois cultivée sur leurs propres racines. Aujourd’hui, au XXIe siècle, il existe des sélections qui peuvent tout à fait se passer de greffage et ce dans toute les catégories commerciales de rosiers. Le rosier de bouture présente des avantages novateurs mais ce n’est pas une panacée. Une autre histoire pourrait s’écrire.

Correspondance botanique

Rosa indica ‘Major’ (Rosa x odorata ‘Fun Wan Lo’ / ‘Fen Zhuang Lo’)

Rosa ‘Dr. Huey’ aux États Unis. Hybride de R. multiflora : Sélectionneur : Capt. George C. Thomas en 1914 ; Introduit aux USA en 1920 par Bobbink & Atkins et A.N. Pierson

Rosa ‘Manetti’ (Rosa x noisettiana ‘Manetti’)

– Natal Briar (Rosa ‘Natal Briar’)

– Canina (Rosa Sect. Caninae)

– Pfanders (Rosa canina ‘Pfanders’)

– Froebelii : Selon Helpmefind « Rosa coriifolia var. froebelli ou Rosa canina froebelii, ou Rosa dumetorum ‘Laxa’, sont souvent regroupés sous le vocable ‘Laxa’ ou Rosa laxa quand ils sont utilisés comme porte-greffe.

d’après Valéry Malécot

 

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