Pollinisation et qualité des semences

Jean-Daniel Arnaud

recolte semences oignons
Des mesures rigoureuses sont appliquées dans les zones de production de semences en France afin d’assurer une fécondation optimum. Ici, une récolte de semences d’oignons – © Gnis

Les semences sont à la fois le premier support de l’alimentation mondiale et de la biodiversité végétale. Elles sont aussi le point de départ des cultures et donc une production stratégique. Pour satisfaire toutes les demandes, il est nécessaire de produire tous les ans chaque variété de chaque espèce en quantité adaptée et de qualité suffisante. Cela oblige à une anticipation des besoins, difficile compte tenu des aléas climatiques et des particularités de chaque production.

Depuis des années des mesures rigoureuses sont appliquées dans les zones de production de semences en France afin d’assurer une fécondation optimum des espèces et variétés concernées. C’est pour cette raison que des semenciers de nombreux pays viennent produire des semences potagères sur notre territoire.

Pour un grand nombre d’espèces potagères (allogames notamment), des règles très précises sont définies et une gestion informatisée des isolements par cartographie est mise en œuvre.

Une semence doit correspondre à la variété

Pour mieux répondre aux attentes des consommateurs, les professionnels agriculteurs et maraichers exigent des semences de plus en plus performantes. Les jardiniers amateurs sont souvent moins difficiles mais veulent des semences qui germent et qui correspondent effectivement à la variété recherchée.

Une semence de qualité doit être propre, sans débris de végétaux et de graines étrangères (pureté spécifique). Elle doit avoir une très bonne faculté germinative, être en bon état sanitaire et correspondre exactement à la variété (ou au cultivar) recherché. C’est cette dernière qualité, directement liée à la pollinisation, qui va être traitée ici.

Les normes de pureté variétale sont particulièrement élevées pour les espèces à certification obligatoire (grande culture) : 99,7 % pour les semences certifiées de céréales, 98 % pour les betteraves, 95 % pour celles de tournesol … Pour les semences potagères, la certification est facultative. La réglementation stipule cependant qu’elles doivent « posséder suffisamment d’identité et de pureté variétale »

L’informatique au secours de la gestion des parcelles

Afin de gérer au mieux les isolements entre les parcelles de multiplication de semences, une organisation a été élaborée au fil des années avec :

– un logiciel spécifique de cartographie qui permet de décrire très précisément et de placer sur un fond de cartes IGN toutes les parcelles de multiplication de semences concernées (image 1, 2 et 3)

– une charte de bonnes pratiques pour l’utilisation de l’outil de cartographie

– la visualisation des parcelles cartographiées par les techniciens et les agriculteurs-multiplicateurs accessible par Internet.

– de nombreuses discussions entre les professionnels concernés en tenant compte du mode de fécondation de l’espèce (allogamie/autogamie), du type de pollinisation (entomophile, anémophile), des types variétaux (population, hybrides…)

– des validations des procédures par des accords interprofessionnels

Cette gestion cartographique a été mise en place au départ dans quelques départements (Maine-et-Loire, Eure-et-Loir, Aude, Drôme …), puis a été étendue dans toute la France

Image 1 : Localisation par cartographie des parcelles de production de semences. Chaque espèce ou sous espèce est identifiée par une couleur différente – © Gnis

 

definition d'une zone tampon 1500m
Image 2 : Définition d’une zone d’isolement autour d’une parcelle de multiplication de radis Aucune autre parcelle de la même espèce ne doit être implantée dans cette zone – © Gnis
mesure distance radis
Image 3 : Mesure précise (à droite) de la distance entre 2 parcelles de semences de radis – © Gnis

Les espèces cartographiées

– 31 espèces ou types d’espèces florales sont enregistrées avec des distances minimum comprises entre 500 et 1 500 m

– 48 espèces potagères et betteraves sucrières et fourragères sont listées avec des distances minimum variant entre 100 m (pois) et 5 000 m (carottes de type différents)

Distances minimum entre deux cultures : l’exemple de la carotte

– entre populations de même type : 1 000 m

– entre population de types différents, ou entre population et F1 de même type, ou entre F1 de même type : 1 500 m

– entre populations et F1 de types différents ou entre F1 de types différents : 2 000 m

– entre potagères et fourragères : 5 000 m

Des réunions régionales sont organisées chaque année auxquelles participent les techniciens des établissements, les représentants des agriculteurs multiplicateurs, l’animation étant assuré par des responsables du GNIS[1].

Il s’agit de valider les déclarations de culture placées par les établissements sur la cartographie, d’entériner les demandes d’isolement particulier, de repérer les cas de défauts d’isolement, de résoudre des difficultés telles que des parcelles non déclarées, ou déclarées trop tardivement…

Le cas particulier des betteraves

Près de la moitié de la production de semences de betteraves pour toute l’Europe est produite en France, principalement dans le Lot-et-Garonne (zone protégée par arrêté préfectoral). C’est une espèce à pollinisation anémophile, avec un pollen qui peut voyager sur de très grandes distances (supérieures à 20 km). D’où des risques de pollution qui nécessitent la destruction de toutes les betteraves montant à graine dans le périmètre et la création de zones tampons (>20 km) à l’ouest de ces productions (vents dominant).

Attention aux montées à graines

Les agriculteurs- multiplicateurs disposent des ruches dans leurs champs de multiplication de semences pour faciliter, comme, ici, la fécondation des fleurs de carottes - © Gnis
Les agriculteurs- multiplicateurs disposent des ruches dans leurs champs de multiplication de semences pour faciliter, comme, ici, la fécondation des fleurs de carottes – © Gnis

Rien n’empêche les jardiniers amateurs de produire et récolter pour leur propre usage les semences de toutes sortes d’espèces à l’exception des productions réglementées (tabac, cannabis, …). Mais ils ne doivent pas laisser monter à graines des espèces proches de champs de multiplication de semences sélectionnées.

A titre d’exemple, les carottes sauvages semées sur les bordures d’autoroutes empêchent les agriculteurs multiplicateurs de produire des semences sur des surfaces importantes par risques de contaminations polliniques.

Dans la zone protégée « betteraves », les jardiniers et les municipalités qui sèment et laissent monter à graines des plantes de l’espèce « Beta vulgaris » telles que les betteraves potagères mais aussi les bettes ornementales jaunes, oranges ou rouges peuvent compromettre des champs de multiplication situés à des distances assez importantes. Les agriculteurs multiplicateurs organisent des tournées, pour demander la destruction des plantes avant floraison et offrir, en compensation, des semences de cette plante.

La culture d’espèces très mellifères, telles que la phacélie utilisée comme engrais vert, à proximité de champs de multiplication de semences peut poser des difficultés si le multiplicateur a volontairement placé des ruches pour en faciliter la fécondation. Dès que les phacélies fleurissent les abeilles pollinisatrices viennent les butiner au lieu de féconder les fleurs de la culture à multiplier.

[1] GNIS Groupement national interprofessionnel des semences et plants – www.gnis.fr

 

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