Plus de nature et plus de ville, un défi pour l’agglomération Bordelaise

Catherine Delaloy

Les conceptions de la nature et de la ville, multiples et contraires, se sont longtemps opposées. Pourtant, entre une ville moderniste ultra-minéralisée, d’où toute nature est effacée, et une nature rêvée, idéalisée en jardin d’éden, il existe un entre-deux où l’une et l’autre se développent en harmonie. Et quoi de plus normal, la nature n’étant pas extérieure à l’homme, ni celui-ci en dehors d’elle ?

Il ne s’agit plus de penser les relations de la nature et de la ville sur un mode exclusif mais, bien au contraire, réciproquement inclusif. C’est tout l’enjeu du dispositif 55 000 hectares pour la nature, véritable pendant du projet 50 000 logements autour des axes de transports collectifs de l’agglomération bordelaise. Car l’ambition de hisser notre territoire au rang des grandes métropoles européennes va de pair avec la volonté d’en préserver la haute qualité de vie, ce qui s’annonce un défi face aux changements climatiques à venir.

Compter avec la nature : la commande 55 000 ha

Coteaux, forêts, vallées, marais, plaines, prairies humides : multiples sont les paysages naturels et agricoles qui dessinent le territoire de la Communauté urbaine de Bordeaux (La Cub), devenue Bordeaux Métropole au 1er janvier 2015. Intégrés dans le tissu urbain ou étendus aux abords des villes, ils constituent plus de la moitié des 55 000 hectares du territoire, 58 000 hectares depuis 2013 avec l’intégration de Martignas-sur-Jalle dans la métropole bordelaise. À la fois inestimables et fragiles, la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel constituent l’un des grands défis à relever pour un développement durable de la métropole et pour son attractivité.

Le bassin de rétention de Bordeaux-Métropole : l’eau est un marqueur fort dans le paysage – © E. Fournier

Nature et biodiversité : au coeur du projet métropolitain

Voté en 2011, le projet métropolitain de La Cub a défini, parmi les grands chantiers à entreprendre sur le territoire, les « 55 000 hectares pour la nature ». La croissance démographique et la densification doivent être compatibles avec le respect et la valorisation de ces espaces de nature dans la métropole, pour le bien-être des hommes et le respect des impératifs biologiques des espèces animales et végétales. C’est la première fois que le rôle de la nature dans une agglomération est ainsi appréhendé, aussi bien dans ses fonctions sociales (loisirs, cadre de vie), qu’économique (agriculture urbaine, tourisme vert) ou environnementale (biodiversité). Il ne s’agit pas simplement de mener quelques réalisations exemplaires, mais de renverser la tendance actuelle d’étalement urbain, d’utiliser les valeurs de la nature comme bases de projets pour une agglomération équilibrée et riche d’une nature « à portée de vue et de main » de chaque habitant. C’est aussi un véritable défi dans la mesure où la nature répond à des dynamiques complexes, difficiles à circonscrire par les urbanistes et aménageurs du territoire, et dont les incidences et les modalités de préservation sont largement méconnues.

Une nature « à portée de vue et de main » pour chaque habitant, comme le parc Ausone à Bruges – © E. Fournier
Le parc Ausone à Bruges : il faut considérer la nature comme une source de valeurs et de valorisation du territoire – © E. Fournier

La nature fournit de nombreux services

Cultiver la diversité paysagère, préserver les services rendus par la nature et dépasser l’antagonisme ville-nature sont trois enjeux majeurs pour la Métropole. La valorisation des grands paysages bordelais, dont l’eau est un marqueur fort, constitue en effet un premier enjeu. La nature fournit gratuitement de nombreux services et aménités, tels que la gestion des eaux pluviales, le rafraîchissement de l’air ou la pollinisation des cultures, dont il faut aussi prendre conscience. Un cadre naturel préservé est propice au développement urbain. Une évolution durable de notre territoire doit permettre une articulation renouvelée entre les 50 % d’espaces urbains et les 50 % d’espaces de nature. Initiée en mars 2012, la démarche « 55 000 hectares pour la nature » répond ainsi à un objectif d’équilibre territorial.

La nature fournit de nombreux services

La démarche 55 000 ha de nature voulait donc démontrer que plus de nature allait de pair avec plus de ville. Elle s’est donc attachée à répondre aux questions suivantes :

  • Comment favoriser une prise de conscience de la biodiversité urbaine ?
  • Quels partenariats inventer pour rendre les grands territoires accessibles au public ?
  • Comment valoriser les zones humides ou inondables, en leur redonnant des usages par une diversité de publics ?
  • Par quels moyens encourager une agriculture locale viable ?
  • Comment mieux prendre en compte les continuités naturelles indispensables au maintien de la biodiversité, à l’infiltration de l’eau de pluie, à l’épuration des polluants et au rafraîchissement de l’air ?
  • Comment, enfin, aménager des projets Nature dans des friches inexploitées, des terrains en attente pour une nature utile ?
  • Comment faire émerger une identité territoriale à partir d’une trame verte et bleue renforcée ?
  • Comment donner une valeur économique aux grands territoires de nature ?
  • Comment faire pour que la nature soit le catalyseur de la ville dense ?

Propositions stratégiques

La démarche a produit un ensemble important de projets de territoire, d’outils opérationnels, et de méthodes.

Aujourd’hui, Bordeaux Métropole s’approprie ce matériau formidable pour engager une stratégie métropolitaine Zones Humides et Biodiversité, étudier des projets de reconversion de friches ferroviaires en voie verte. Il doit permettre de décider d’une stratégie foncière au service de la nature, définir une politique métropolitaine en matière d’agriculture durable et alimentaire.

Il s’agit aussi de réinterroger ses pratiques d’aménagement, en animant un groupe de réflexion sur le rapport entre Nature et Économie et sur les modes de financement de la nature, d’utiliser des outils d’aménagement au service des grands espaces naturels et agricoles (l’opération d’aménagement d’intérêt métropolitain).

Enfin, il faut considérer la nature comme une source de valeurs et de valorisation du territoire.