Plantes sauvages, délicieuses mais parfois dangeureuses

Michel Botineau

Avant de consommer des plantes que vous avez récoltées dans la nature, vous devez veiller à respecter cinq principes :

  • bien déterminer l’échantillon récolté ;
  • vous méfier des risques de confusions ;
  • choisir le bon degré de maturité de la plante ;
  • la consommer avec prudence
  • et éviter certains lieux de récolte.

Bien déterminer l’échantillon récolté

Rien ne remplace l’observation des caractères botaniques qui permettent d’identifier une plante. Mais, s’agissant d’une jeune pousse, ceux-ci ne sont souvent que partiels, ne disposant pas en particulier des fleurs qui s’épanouiront plus tard.

L’examen des feuilles doit être rigoureux : sont-elles disposées de façon isolée, opposées (fixées par 2 à un même nœud telles les Lamiacées comme les menthes), voire verticillées (fixées à un même nœud par 3, ou plus comme l’aspérule odorante) ?

Le limbe est-il entier et allongé comme chez l’ail des ours (Allium ursinum) ou le plantain lancéolé (Plantago lanceolata), entier et en forme de cœur comme chez le tamier (Dioscorea communis), denté comme chez l’ortie (Urtica dioica) ou l’alliaire (Alliaria petiolata), crénelé comme chez le lierre terrestre (Glechoma hederacea), profondément découpé comme chez de nombreuses Apiacées, divisé en folioles (3 chez le fraisier, l’oxalis ou les trèfles, davantage chez les cardamines)… ?

Il peut être également utile d’observer si la jeune pousse est glabre (tamier) ou velue (toucher rude chez le houblon, doux chez la bryone toxique).

Allium ursinum, l’Ail des ours : feuilles insérées par 2 à la base d’une courte tige, brillantes dessus, à odeur d’ail très prononcé au moindre froissement. © M. Botineau
Convallaria majalis, le Muguet. 2 feuilles à long pétiole inséré à la base, assez mates, sans odeur, toxique ! © M. Botineau

Sentir avant de choisir

L’odeur dégagée lors du froissement de la feuille peut être un critère déterminant pour l’identification. Ainsi, chaque apiacée dégage un parfum qui lui est spécifique : odeur « de céleri » pour l’ache à odeur forte (Apium graveolens), anisée pour le cerfeuil musqué (Myrrhis odorata) et le fenouil des Alpes (Meum athamanticum), de myrrhe pour le maceron (Smyrnium olusatrum)… Il en est de même pour les Lamiacées (les diverses espèces de menthes diffèrent entre elles aussi par leur parfum : éviter ainsi de consommer la très odorante menthe pouliot qui est hépatotoxique par la présence de pulégone).

L’odeur d’une autre lamiacée, l’épiaire des bois (Stachys sylvatica) est assez surprenante : musquée et un peu repoussante chez la plante fraîche, remplacée par une agréable odeur de cèpe après une cuisson prolongée !

Lysimachia (= Anagallis) arvensis, le Mouron rouge, toxique. Fleurs à 5 pétales entiers rouges ou parfois bleus. Feuilles ponctuées, au dessous, de nombreuses taches brunes. © M. Botineau
Stellaria media, le Mouron des oiseaux, comestible. Fleurs à 5 pétales blancs, profondément divisés. Feuilles non ponctuées au dessous. © M. Botineau

Se méfier des risques de confusion

Certaines plantes comestibles peuvent avoir des « sosies » toxiques. Il convient donc d’être très prudent.

Les photos illustrant cet article sont des exemples assez démonstratifs.

Il faut être particulièrement prudent avec les représentants de la famille des Apiacées qui comprend quelques espèces très dangereuses, comme la grande ciguë (Conium maculatum) mais aussi l’oenanthe safranée (Œnanthe crocata) au tubercule rappelant un navet.

Stachys sylvatica, l’Épiaire des bois. Feuilles velues, douces au toucher, malodorantes, comestibles. © M. Botineau
Digitalis purpurea, la Digitale pourpre. Feuilles au toucher velouté très doux, inodores. Toxique ! © M. Botineau

Choisir le bon degré de maturité de la plante

Il faut souvent préférer une plante jeune à une plante âgée, particulièrement si l’on souhaite la consommer crue : de nombreuses plantes deviennent fibreuses et la cuisson devient alors nécessaire. Egalement, en vieillissant, la plupart des espèces de la famille des Astéracées vont concentrer des principes amers, mais qui disparaîtront à la cuisson. C’est le cas de la chicorée sauvage (Cichorium intybus), du laiteron maraîcher (Sonchus oleraceus), de la laitue sauvage (Lactuca serriola), ou du pissenlit (Taraxacum officinale). Mais, parfois, la cuisson peut au contraire accentuer l’amertume. Tel est le cas des feuilles de l’alliaire (Alliaria petiolata) cueillies après la floraison.

Consommer avec prudence

Il est désormais établi qu’un certain nombre de plantes, traditionnellement considérées comme comestibles, élaborent des substances dont l’absorption répétitive peut être à l’origine de graves troubles hépatiques. C’est le cas des plantes contenant des alcaloïdes pyrrolizidiniques. Ces principes se rencontrent particulièrement dans la famille des Boraginacées. Ainsi, il vaut mieux s’abstenir de consommer leurs feuilles et surtout leurs racines, en particulier celles de consoude (Symphytum officinale). Par contre, les fleurs de bourrache (Borago officinalis) sont a priori non hépatotoxiques et peuvent continuer à colorer les salades.

Attention aux allergies

N’oublions pas le problème des allergies potentielles. Les personnes allergiques au salicylate de méthyle ou à l’aspirine devront éviter la consommation de reine-des-prés (Filipendula ulmaria). Les Astéracées élaborant des lactones sesquiterpéniques (principes amers) sont également allergisantes par ces molécules.

Soyons prudents lors de la récolte des Apiacées : nombre d’entre elles élaborent des furocoumarines (comme le bergaptène ou le psoralène), ce qui les rend potentiellement photosensibilisantes, à l’origine de brûlures au niveau des zones de contact (mains, bras, etc.). Les plus souvent mises en cause sont la grande-berce (Heracleum sphondylium) et le panais (Pastinaca sativa), pourtant comestibles.

Beaucoup de végétaux accumulent dans leurs tissus de l’oxalate de calcium sous forme de cristaux qui peuvent être irritants pour l’appareil urinaire. Certaines plantes en sont particulièrement riches comme l’oxalis petite-oseille (Oxalis acetosella), le tamier (Dioscorea communis), le chénopode bon-Henri (Chenopodium bonus-henricus), les oseilles sauvages (Rumex acetosa).

Enfin, une consommation importante de plantes du littoral est susceptible d’apporter une quantité notable d’iode : les salicornes (Salicornia div. sp.), l’obione (Halimione portulacoides) ou la criste marine (Crithmum maritimum), entraînant en cas d’excès des troubles de la thyroïde.

Éviter certains lieux de récolte

On n’y pense guère, mais il faudrait prêter attention aux amendements apportés au terrain de récoltes. De nombreuses plantes – telles les orties – sont de bonnes fixatrices de nitrates et de nitrites, toxiques pour l’organisme. De même les anciennes décharges, pouvant héberger notamment amarantes et chénopodes, sont susceptibles de leur rétrocéder des métaux lourds. Naturellement, c’est un effet cumulatif qui est ici potentiellement dangereux.

Soyons également prudents lorsque l’on récolte dans des prés humides pouvant être pâturés par les moutons : ici, le cresson sauvage (Nasturtium officinale) ou la cardamine des prés (Cardamine pratensis) peuvent être les vecteurs de la douve du foie et, pour éviter cette redoutable parasitose, il est recommandé de faire cuire ces herbes.

Richesse et pièges

La Nature qui nous entoure peut donc être source de richesses et de diversité, mais aussi de pièges. Il est donc nécessaire de bien la connaître, en évitant par exemple cette proposition faîte récemment par un célèbre auteur d’ouvrages grand public :
« la fleur de millepertuis a un effet anti-dépresseur, mais je n’ai jamais réussi à trouver quelqu’un qui en fasse quelque chose en cuisine « , ce qui ne serait pas sans risque…

Du reste, le millepertuis n’est pas autorisé en tant que complément alimentaire !

Deux ouvrages à lire …