Plantes dépolluantes : action limitée

Damien Cuny

L’atmosphère de nos environnements intérieurs contient de nombreux polluants issus de multiples sources telles que le tabac, les appareils à combustion, les matériaux… Ces polluants exercent des effets sur notre santé et il est nécessaire de limiter leur présence, ce qui peut se faire en aérant les locaux et en diminuant autant que possible la présence des polluants. D’autres moyens ont été recherchés pour réduire la présence de polluants tels que l’utilisation des végétaux. Disposer des plantes chez soi peut-il limiter la présence des polluants ? Les travaux scientifiques montrent que les plantes possèdent des propriétés d’accumulation de certains polluants mais les rendements d’épuration, des plantes une fois disposées dans des environnements réels, se révèlent insuffisants pour que les plantes aient une action significative.

© Office Hollandais des FleursNous passons près de 80% de notre temps à l’intérieur d’un local. Nos environnements intérieurs contiennent de nombreuses sources de polluants (appareils à combustion, matériaux de construction, de revêtements et d’aménagement. Produit d’entretien et de bricolage…). De plus, la contribution de ces sources peut être aggravée par certains comportements (tabagisme, utilisation non rationnelle des produits, absence de ventilation/aération…). Il existe ainsi dans l’atmosphère des locaux un cocktail de polluants possédant des effets sanitaires à court comme à long terme de plus en plus documentés.

 

Un cocktail de polluants

Face à cette situation, de nombreuses solutions de remédiation sont étudiées. En amont, les stratégies consistent à limiter la pollution (arrêt du tabac, utilisation rationnelle des produits, entretien des appareils à combustion…) et à assurer une bonne aération des locaux (aération et ventilation). En complément de ces deux points fondamentaux, il est envisageable de recourir à des systèmes de traitement (par filtration, photocatalyse…) ou encore à la phytoremédiation.


La phytoremédiation a été envisagée dans les années 80. Elle se décline en deux grandes applications ; la biofiltation qui consiste à faire passer de l’air dans le substrat des végétaux (celui-ci pouvant ou non être enrichi de matériaux type charbon actif) ; et la phytoextraction foliaire, passive basée sur l’absorption des polluants au niveau foliaire.

Ce sont les travaux de Wolverton, réalisés dans les années 80 pour l’agence spatiale américaine qui marquent le début des recherches sur l’utilisation des végétaux pour la dépollutiondes environnements intérieurs. Ceux-ci ont été menés en laboratoire et se sont finalement beaucoup axés sur la biofiltration. Depuis, quelques travaux ont été menés à travers le monde, presque exclusivement en laboratoire, consistant à exposer les végétaux au sein d’enceintes de tailles variables à des polluants afin d’observer la diminution des concentrations. Tous ces travaux ont été mis en évidence les propriétés intrinsèques des végétaux à accumuler certains polluants. Il faut signaler que nos environnements peuvent contenir un cocktail très diversifié de polluants. Pour autant les travaux menés avec les plantes se sont focalisés dans leur immense majorité sur des polluants gazeux, organiques (tels que le benzène, le trichloréthylène…) ou non  (tel que le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote …). Ainsi, même s’ils sont très fréquents, les polluants testés ne représentent qu’une petite partie de ceux qui sont potentiellement présents.


Des plantes qui accumulent

Les récents travaux menés en France sur la phytoextraction foliaire ont été réalisés à la fois en laboratoire et en maison test (Programme PHYTHAIR). Les travaux menés en laboratoire l’ont été selon des protocoles très similaires à ceux qui sont décrits dans la littérature scientifique. Les plantes ont été exposées dans des enceintes de 300 à 1000 litres, durant 24 heures, à des polluants tels que le benzène, le formaldéhyde et le monoxyde de carbone. Une des originalités de ces travaux était d’une part non-seulement les concentrations étaient suivies mais aussi les effets polluants sur les végétaux. Ceci explique pourquoi la durée des expositions a été  fixée à 24 heures, afin d’éviter que d’autres paramètres, indépendants des modes d’exposition ont été progressivement affiné (diminution des doses et injection continue) afin d’avoir des conditions d’exposition de plus en plus réalistes. 

Les résultats ont montré que les végétaux ont des propriétés d’accumulation de certains polluants. Cependant, toutes les plantes ne peuvent accumuler tous les polluants. Il existe en réalité une certaine spécificité et donc il n’y aura pas de plante miracle, capable d’accumuler d’une manière non spécifique non spécifique tous les polluants. Ces recherches ont également permis d’observer que le substrat, même si l’on ne fait pas volontairement passer à l’intérieur comme en biofiltration, joue un rôle très important dans la diminution des polluants.

 

Evaluer les performances

La seconde originalité des travaux menés en France est qu’ils ont inclus des expositions dans une maison équipée pour suivre les expositions des végétaux et les variations des concentrations des polluants. Cette dernière phase a clairement permis de mettre en évidence que même si les végétaux possèdent des propriétés d’épuration, celles-ci ont un rendement très insuffisant pour avoir une réelle efficacité pour dépolluer une pièce d’habitation.

De toutes ces recherches, nous pouvons conclure que dépolluer l’intérieur des locaux, d’une manière passive en apportant des végétaux dans les locaux, n’est pas une solution efficace. Il reste à développer les travaux d’ingénierie concernant les systèmes de biofiltration qui seront tester selon les normes précises afin d’en évaluer les performances en situations réelles. Au-delà, même si les végétaux ne décontaminent pas notre environnement intérieur, il ne reste pas moins vrai qu’ils possèdent de nombreuses autres propriétés dont celle d’embellir notre cadre de vie, propriété très importante que l’on ne discutera pas…

 

Remerciements

L’auteur tient à associer à ce texte les membres bu programme de recherche PHYTAIR : M.A. Cuny (A.P.P.A), B. Hanoune (PC2A-USTL), G. Bulteau, M. Nicolas, J. Guilhot (CSTB) ainsi que l’ADEME, les fonds FEDER et Conseil Régional Nord-Pas de Calais.