Plantes aquatiques et palustres, ces méconnues

Jacques Haury

Les végétaux aquatiques, amphibies et palustres sont très divers du point de vue de leur morphologie, de leur biologie, de leur écologie et des végétations qu’elles forment : il s’agit bien d’un monde particulier à découvrir pour les botanistes …


Feuilles aplaties flottantes du Nénuphar blanc - © J. Haury

Feuilles aplaties flottantes du Nénuphar blanc - © J. Haury


Les plantes aquatiques et palustres correspondent aux végétaux que l’on va trouver dans les plans d’eau et les marais, d’une part, et les cours d’eau, d’autre part. Nous nous limiterons aux plantes vasculaires, donc à l’exclusion des bryophytes et des algues et ne considérerons pas non plus les espèces marines ou saumâtres. Classiquement, les plantes aquatiques et palustres comprennent des hydrophytes, des hélophytes, et entre ces deux types, les amphiphytes. Moins inféodées à l’eau, les hygrophytes sont des plantes de milieu humide non submergé, comme la Renoncule rampante.

- Les hydrophytes vivent submergées comme les Myriophylles ou bien présentent des organes flottant à la surface de l’eau, que les plantes soient enracinées comme les Nénuphars, ou soient libres flottantes comme les Lentilles d’eau.

- Les hélophytes sont les plantes de marais qui « vivent les pieds dans l’eau et la tête hors de l’eau », comme le Roseau commun ou les Massettes.

- Les amphiphytes sont les plantes qui peuvent vivre dans ou hors de l’eau ; elles différencient parfois des formes aquatiques comme la Sagittaire à feuilles en forme de flèche : feuilles rubanées submergées, feuilles flottantes ovales, feuilles émergées en forme de hallebarde, d’où son nom.

 

Des espèces adaptées à la contrainte « eau »

Les particularités des biotopes aquatiques sont la pauvreté en gaz dissous, que ce soit l’oxygène ou le dioxyde de carbone, une relative inertie thermique et des conditions de densité et de mouvement de la masse d’eau qui diffèrent fortement des milieux terrestres. Plusieurs impératifs pour la réalisation du cycle de développement et le maintien des populations apparaissent de façon assez particulière pour les plantes aquatiques et palustres :

 

Se maintenir et s’ancrer dans le milieu

Pour les hydrophytes ancrées dans le substrat, la réduction des tissus de soutien est assez générale, le xylème primaire étant partiellement remplacé par des lacunes aérifères (par exemple chez le Nénuphar blanc), l’eau assurant le support des organes et ses mouvements imposant à la fois une résistance à la traction, mais aussi une possibilité de « suivre » le courant, comme pour la Renoncule flottante. Pour les hélophytes, notamment les hélophytes sociales comme le Roseau commun, à l’inverse, les tissus de soutien sont bien développés, mais flexibles (le fameux Roseau de la fable). La flottaison peut aussi être assurée par des organes spécialisés comme les flotteurs de la Jacinthe d’eau. Les racines des hydrophytes sont souvent restreintes (voire nulles pour la Lentille sans racine), et assurent essentiellement une fonction d’ancrage, un ancrage traçant dans le substrat permettant de résister au courant. Les hélophytes présentent très souvent des rhizomes abondants qui assurent à la fois une forte prospection et une stabilisation des substrats meubles qu’elles colonisent.


 

Respirer et réguler son évapotranspiration

Pour les hydrophytes, mais aussi certaines hélophytes, une circulation d’air pour assurer la respiration se fait grâce à des parenchymes aérifères, et chez les plantes à feuilles ou frondes à la surface de l’eau, les stomates sont situés à la face supérieure. Pour les hélophytes, la moelle du Jonc diffus par exemple, permet une circulation d’air. Un cas particulier correspond aux racines adventives qu’émettent certaines hélophytes (comme le Lycope d’Europe) à proximité de la surface de l’eau lorsque la zone d’ancrage est trop anoxique, l’extrême étant représenté par la formation de racines aérifères à barotropisme négatif (elles remontent à la surface) chez la Grande Jussie. Les hélophytes et les hygrophytes sont adaptées à un engorgement du sol, leur système racinaire étant aéré par les parties émergées, si bien qu’un milieu moins anoxique se crée à proximité de ce système racinaire.


Effectuer sa photosynthèse

Le déficit en CO² dans l’eau nécessite une augmentation de la surface d’échange pour les organes submergés (limbes minces ou très découpés – Myriophylles ou Renoncule en pinceau –, l’étalement des limbes ou des frondes pour les organes situés à la surface de l’eau (Nénuphars, Lentilles), avec un dimorphisme foliaire selon la position des organes par rapport à l’eau comme pour la Renoncule précitée. La photosynthèse des plantes submergées se fait également par toute la surface qui peut absorber le dioxyde de carbone dissous.


Assurer son alimentation minérale

L’alimentation minérale de beaucoup d’hydrophytes provient uniquement des échanges entre l’épiderme et l’eau qui se font par toute la surface de la plante. Selon la richesse respective de l’eau ou des sédiments, les amphiphytes, mais aussi certaines hydrophytes submergées à fort système racinaire (comme le Nénuphar jaune) prélèvent une part plus ou moins grande d’éléments minéraux dans ces deux compartiments. Enfin les hélophytes prélèvent leurs nutriments, mais aussi leur eau dans les sédiments, l’évapotranspiration assurant la circulation de la sève et donc l’alimentation minérale.


Rhizome de Grande Glycérie, Glyceria aquatica - © J. Haury

Racines aérifères de Jussie à grandes fleurs - © J. Haury

Feuilles découpées du Myriophylle en épi - © J. Haury

1: Rhizome de Grande Glycérie, Glyceria aquatica, 2: Racines aérifères de Jussie à grandes fleurs, 3: Feuilles découpées du Myriophylle en épi - © J. Haury



Se reproduire et/ou se multiplier

La reproduction sexuée des hydrophytes peut s’effectuer au sein de la masse d’eau (pour certains Callitriches et Renoncules ou la Zannichellie par exemple), mais le plus souvent elle a lieu à la surface de l’eau (Renoncules à dimorphisme foliaire, Nénuphars). Le pollen est rarement transporté dans ou à la surface de l’eau, mais la pollinisation entomophile est assez fréquente pour les hydrophytes ou amphiphytes à fleurs colorées (Renoncules, Nénuphars, Jussie). Pour les gazons amphibies, il faut attendre l’émersion pour qu’il puisse y avoir floraison : c’est par exemple le cas pour la Littorelle à une fleur. Pour les hélophytes sociales (Roseau commun), la pollinisation se fait par le vent. La multiplication végétative est un phénomène assez général pour les plantes aquatiques et palustres ; elle est même exclusive pour beaucoup de plantes dioïques introduites comme les Élodées. L’extension des colonies s’effectue par bourgeonnement (Lentilles), stolons (Flûteau nageant, Ache), rhizomes (Roseau commun par exemple). Le bouturage peut s’effectuer par bris naturel pour les hydrophytes, en raison des mouvements de l’eau ou de la fragmentation par les animaux.
 

Se maintenir durant la « mauvaise » saison

La mauvaise saison correspond à l’hiver pour la majorité des plantes aquatiques et palustre. Il y a alors disparition des organes épigés. La conservation hivernale se fait dans le substrat pour la majorité des espèces enracinées. Les hydrophytes forment des bourgeons hivernaux denses qui coulent au fond (hibernacles), ces bourgeons assurant le redémarrage lorsque les conditions deviennent favorables. De façon différente, pour toute une série d’espèces annuelles colonisant les bas niveaux topographiques des vases exondées, la mauvaise saison peut être très longue (plusieurs années), et la conservation s’effectue uniquement avec la banque de graines. C’est notamment le cas pour le Scirpe ovoïde. Il en résulte des types éco-morphologiques très différenciés marquant toutes ces adaptations aux contraintes des milieux aquatiques et palustres (Haury et al., 2008).
 

Les principales végétations et les milieux colonisés

Les végétations formées correspondent aux gradients écologiques de ces milieux aquatiques et palustres : profondeur d’eau, taille des milieux, dynamique d’assèchement. Elles peuvent être également décrites avec les dominances ou mélanges d’un ou plusieurs types éco-morphologiques et traduisent souvent une pluri-stratification des organes chlorophylliens. En cours d’eau, les végétaux ne sont pas les mêmes selon que l’on considère des ruisseaux ou de grandes rivières : on parle d’une zonation longitudinale des végétations, qui s’accompagne d’une augmentation de taille des hydrophytes depuis la zone des sources jusqu’aux grands cours d’eau. Les hélophytes sont présentes dans le lit en tête de bassin versant et se réfugient en pied de berge à l’aval. A l’échelle locale, la végétation des biotopes courants est caractérisée par des végétaux rhéophiles comme la Renoncules flottante ou la Renoncule en pinceau ; celle des milieux plus lents est caractérisée par le Nénuphar jaune, la Cornifle (Cératophylle), le Rubanier aquatique ou les Potamots.


Stolon de l'Ache, Apium nodiflorum - © J. Haury

Scirpe ovoïde, Scirpus ovatus - © J. Haury

Hydrophytes (Renoncules et Callitriches) dans la zone courante, hélophytes (Ache) en pied de berge - © J. Haury

1: Stolon de l'Ache, Apium nodiflorum, 2: Scirpe ovoïde, Scirpus ovatus, 3: Hydrophytes (Renoncules et Callitriches) dans la zone courante, hélophytes (Ache) en pied de berge - © J. Haury



Ceintures sur un étang : Potamots submergés (en fleurs), Nénuphar jaune, Laîches, Roseau puis forêt hydgrophile - © J. Haury

Ceintures sur un étang : Potamots submergés (en fleurs), Nénuphar jaune, Laîches, Roseau puis forêt hydgrophile - © J. Haury

Le cas des étangs

En étang, le gradient de profondeur sélectionne des formes biologiques différentes, les végétations formant des ceintures. Depuis les zones profondes vers les biotopes jamais submergés, on trouve d’abord des hydrophytes submergées (Myriophylle, Naïade, Zannichellie), puis les hydrophytes à dimorphisme foliaire (Potamot graminée ou le Flûteau nageant, espèce protégée) ou à feuilles flottantes (Nénuphar blanc) avec parfois un voile de petites pleustophytes (Lentille bourgeonnante, Petite Lentille d’eau). Une alternative des milieux pauvres en nutriments et à substrats sableux dans les zones peu profondes correspond aux tapis d’Isoétides comme la Littorelle à une fleur ou la rare Lobélie de Dortmann. Dressées au-dessus des eaux, on trouvera soit les espèces des cressonnières (Cresson ou Ache), soit les Juncides (Scirpe des marais ou Jonc diffus), puis les Laîches en nappe (Laîche vésiculeuse) ou en touradons (L. paniculée), et enfin les roselières sociales (Roseau commun ou Massette) en mélange avec les dicotylédones du groupe des Oenanthides (Oenanthe safranée, Lysimaque, Salicaire, …). La dynamique d’assèchement saisonnier se traduit aussi par un gradient de colonisation et de floraison, dépendant de la nature des substrats : dans les zones les plus profondes, les végétations éphémères à Scirpe ovoïde ou en épingle, Souchet brun et Joncs annuels se mêlent aux pelouses à Littorelles qui peuvent alors fleurir ; à des niveaux topographiques supérieurs, la Menthe pouillot et la rare Gratiole se mêlent à la Potentille des oies avant de retrouver les végétation des petites amphiphytes et hélophytes. Sur substrats vaseux dénudés, s’installent des végétations parfois très denses dominées par les Bidents (tripartite, à fruits noirs). Sur ces substrats émergés, beaucoup d’hydrophytes ou d’amphiphytes différencient des formes d’émersion.


Des espèces et des communautés protégées face à des macrophytes invasifs

Les plantes aquatiques, amphibies et palustres sont à la fois diversifiées, très adaptées aux milieux qu’elles caractérisent, et forment des végétations très diverses du point de vue de leur morphologie et de leur physionomie. Trois aspects complémentaires sont à envisager sur ces végétaux : les espèces protégées et les communautés d’intérêt patrimonial, d’une part (Bensettiti et al., 2002 a et b ; Muller & Haury, 2008) et, d’autre part, les espèces exotiques envahissantes (espèces invasives), ces différents éléments posant des problèmes spécifiques de gestion. Les espèces aquatiques protégées au niveau national sont assez rares. Signalons quelques ptéridophytes dont la Pilulaire à boules et les Isoètes, et pour les phanérogames, la Littorelle, le Flûteau nageant, le Faux Cresson de Thore (Caropsis verticillé inondé), …et localement le Faux Nénuphar jaune, … En revanche, les espèces amphibies ou palustres protégées sont beaucoup plus abondantes, depuis la Gratiole, l’Etoile d’eau ou la Grande Douve, ainsi que 18 espèces de Laîches.


Le Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolons - © J. Haury

Grande Douve, Ranunculus lingua - © J. Haury

1: Le Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolonsLe Flûteau nageant, Luronium natans, avec ses fleurs à 3 pétales, ses feuilles flottantes ellipsoïdes et ses stolons
2: Grande Douve, Ranunculus lingua - © J. Haury

 

Du Flûteau nageant…

Prenons l’exemple du Flûteau nageant, Luronium natans. Cette Alismatacée stolonifère à fort dimorphisme foliaire (feuilles submergées graminoïdes, feuilles flottantes longuement pétiolées à limbe ellipsoïde), est considérée comme aquatique à amphibie, car elle supporte une émersion, avec dans ce cas disparition des feuilles graminoïdes et forte réduction du pétiole des feuilles ellipsoïdes. Vivant plutôt en eau stagnante, on peut la retrouver en rivières assez lentes et exceptionnellement sur des radiers de petits cours d’eau. Caractéristique des eaux oligo-mésotrophes, on peut la trouver dans des conditions oligotrophes jusqu’à des situations méso-eutrophes. C’est une pionnière qui supporte assez mal la fermeture du milieu, et des perturbations modérées (entretien des fossés, curage des zones sans Flûteau) semblent à préconiser (Bensettiti et al., 2002b). Les pelouses à Littorelle peuvent se retrouver sur l’ensemble des zones sablonneuses ou limono-sableuses des étangs et lacs oligotrophes à oligo-mésotrophes (Bensettiti et al., 2002a). Outre la destruction directe de l’habitat (comblement, travaux sur les berges), les menaces sur ces pelouses correspondent à l’eutrophisation qui favorisera des espèces plus compétitives, et l’envasement. Ces communautés s’avèrent donc indicatrices de l’état trophique des eaux.

 

… à la Jussie

Parmi les végétaux aquatiques et palustres, certains prolifèrent, qu’ils soient indigènes (comme le Cornifle ou le Myriophylle en épi), ou introduits (Jussies à grandes fleurs et faux pourpier – voir encart, Egérie dense –). Les causes des introductions des plantes aquatiques sont diverses : pour raison ornementale (Jussies), pour favoriser la reproduction du poisson (Myriophylle du Brésil), ou correspondent à des vidanges d’aquarium (Egérie dense, Elodées, …). La dispersion se fait souvent par bouturage, en raison de la continuité hydrologique entre les masses d’eau et les cours d’eau. Des manuels de gestion (Haury et al., 2010 ; Matrat et al., 2012) donnent des orientations et préconisent essentiellement une attitude de prévention, une surveillance étroite des milieux sensibles, ainsi qu’une formation et information des publics et professionnels, notamment de l’Horticulture.


Pelouse à Littorelle avec de nombreuses Baldellies - © J. Haury

Prolifération d'Egérie dense dans la Vendée dans le centre-ville de Fontenay-le-Comte - © J. Haury

3: Pelouse à Littorelle avec de nombreuses Baldellies
4: Prolifération d'Egérie dense dans la Vendée dans le centre-ville de Fontenay-le-Comte - © J. Haury

 

Isnardia palustris - © J. Haury

Ludwigia grandiflora ssp. hexapetala - © J. Haury

Ludwigia peploides ssp. montevidensis - © J. Haury

5: Isnardia palustris - © J. Haury, 6: Ludwigia grandiflora ssp. hexapetala, 7: Ludwigia peploides ssp. montevidensis

 
Les Jussies invasives : saga d’un problème en expansion.

Il y a en France deux espèces de Jussies exotiques et une Jussie indigène Ludwigia palustris (L.) Elliot, désormais appelée Isnardia palustris Poir. qui a des feuilles opposées et des fleurs discrètes verdâtres. Les deux Jussies exotiques sont : la Jussie à grandes fleurs Ludwigia grandiflora (Michx.) Greuter & Burdet ssp. hexapetala (Hooker & Arn.) Nesom & Kartesz et la Jussie faux-pourpier L. peploides (Kunth) P.H. Raven ssp. montevidensis (Spreng.) Raven. Les deux espèces ont été introduites pour des raisons ornementales, après, au moins pour l’une d’entre elles, une acclimatation dans le jardin botanique de Montpellier. Résumons dans un tableau leurs différences:

Caractères/Espèces Ludwigia grandiflora ssp. hexapetala L. peploides ssp. montevidensis
Milieux Tous milieux humides depuis des zones aquatiques lentes, jusqu'à des prairies inondables
Tige Verte Rougeâtre et glanduleuse
Feuilles Allongées aigües, vert mat Oblongues peu aigües, vert luisant
Racines aérifères Fréquentes Peu fréquentes
Stipules et bractée du fruit Aigüs, triangulaires, noirs Obtus (en forme de rein), larges, verts à bruns
Pétales Larges et recouvrants Relativement larges et pas ou peu recouvrants
Fruit (capsule) Long > 1,5 à 2 cm Court < 2 cm
Nombre chromosomique 80 (décaploïde) 16 (diploïde)
Reproduction Allogame (stricte ?) Autogame

Tableau représentant la différences entre les deux espèces de Jussies


Présentant d’abord une forme aquatique, les Jussies se redressent ultérieurement au dessus de l’eau et la floraison s’effectue sur les tiges dressées. Si le milieu devient trop anoxique, elles peuvent différencier des racines aérifères blanches. Ces deux espèces posent tellement de problèmes de gestion (blocage des fossés, envahissement des étangs et désormais implantation comme une adventice redoutable sur les prairies inondables qui perdent ainsi leur fonction de pâturage et les aides qui leur sont liées, qu’un arrêté du 2 mai 2007 (JORF, 2007) stipule que « sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, le colportage, la mise en vente, la vente, l'achat, l'utilisation ainsi que l'introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence de tout spécimen » des deux espèces de Jussies. La dispersion s’effectue essentiellement sous forme de boutures, avec une dynamique d’expansion très rapide (par exemple en Brière – Haury et Damien, 2012). Mais désormais, la reproduction sexuée est avérée, y compris pour la Jussie à grandes fleurs (photo 10), si bien que les stratégies de gestion doivent intégrer ce risque supplémentaire. La gestion se fait exclusivement par arrachage manuel ou mécanique. Une fois les prairies colonisées, il n’est plus possible de l’enlever, si bien que les agriculteurs sont extrêmement inquiets. Certains parlent même d’arrêter leur exploitation située sur les marais, à cause de la Jussie.


Forme dressée de la Jussie à grandes fleurs - © J. Haury

Racines aérifères en milieu anoxique (sans oxygène) - © J. Haury

Blocage de fossé - © J. Haury

Envahissement d'un étang - © J. Haury

Envahissement d'une prairie humide : seuls quelques Joncs survivent - © J. Haury

Une capsule de Jussie avec des germinations - © J. Haury

8: Forme dressée de la Jussie à grandes fleurs, 9: Racines aérifères en milieu anoxique (sans oxygène), 10: Blocage de fossé, 11: Envahissement d'un étang, 12: Envahissement d'une prairie humide : seuls quelques Joncs survivent, 13: Une capsule de Jussie avec des germinations - © J. Haury


A lire

Haury J., Damien J.-P., 2012. Les invasions biologiques dans le Parc naturel régional de Brière : présentation d’une recherche-action. Sciences Eaux et Territoires n° spécial Invasions biologiques 06-2012 : 26-33.

JORF n°114 du 17 mai 2007 page 9673 texte n° 157. Arrêté du 2 mai 2007 interdisant la commercialisation, l'utilisation et l'introduction dans le milieu naturel de Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides

Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002a. « Cahiers d'habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d'intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/ MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. http://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/tome3.pdf

Bensettiti F., Gaudillat V., Malengreau D. & Quéré E. (coord.), 2002b. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 6 - Espèces végétales. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 271 p. + cédérom. http://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/tome6.pdf

Haury J., Hudin S., Matrat R., Anras L. et al., 2010.  Manuel de gestion des plantes exotiques envahissant les milieux aquatiques et les berges du bassin Loire-Bretagne. Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, Orléans. ISBN 978-2-95130981-4 : 136 p. http://centrederessources-loirenature.com/mediatheque/especes_inva/manuel/manuel_complet.pdf

Haury J., Thiébaut G., Coudreuse J., Muller S. 2008. 2 - Les Lichens, Bryophytes, Ptéridophytes et Phanérogames aquatiques. N° spécial Ingénieries E.A.T – Plantes aquatiques d’eau douce : biologie, écologie et gestion : 23-36.

Matrat R., Haury J., Anras L., Lambert E., Lacroix P., Guédon G., Dutartre A., Pipet N., Bottner B. et al., 2012 (2004, 1ére édition). Gestion des plantes exotiques envahissantes – Guide technique. Comité des Pays de la Loire de gestion des plantes exotiques envahissantes, Agence de l’Eau Loire-Bretagne, Forum des Marais atlantiques, DREAL des Pays de la Loire &: Forum des Marais atlantiques - 4ème édition revue et augmentée : n. p. doc. uniquement téléchargeable. http://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr/gestion-des-plantes-exotiques-a811.html

Muller S., Haury J., 2008. 9 - Conservation des macrophytes et habitats aquatiques rares et protégés sur le territoire français. N° spécial Ingénieries E.A.T – Plantes aquatiques d’eau douce : biologie, écologie et gestion : 125-133.

Raynal-Roques, A., 1980. 2 – Les plantes aquatiques (Plantes à fleurs et Fougères), 90 p. téléchargeable : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_6/Idt/00553.pdf