Paysages réactionnaires, petit essai contre la nostalgie de la nature

Federico Ferrari

Paysages réactionnaires.
Petit essai contre la nostalgie de la nature
de Federico Ferrari Éditions Eterotopia France,
collection Rhyzome, 2016. 96 pages – 10,50 €

Dans Paysages réactionnaires. Petit essai contre la nostalgie de la nature (Eterotopia, 2016), nous avons voulu questionner un thème de grande actualité : l’omniprésence de la nature esthétisée dans le projet architectural. Au nom de l’impératif écologique, des images « verdoyantes » dissimulent l’architecture en tant qu’objet minéral : murs végétaux, bois verticaux, pelouses en hauteur, potagers suspendus. Ce phénomène, étroitement lié à l’abus de la notion de paysage, révèle en réalité des problématiques culturelles profondes. Que nous révèle cette « nature », hégémonique dans le champ du projet ? Au-delà de la surface des choses, ces images véhiculent trop souvent des questions politiques décisives : le retour à l’identité, aux racines, au lieu. Politiquement très ambigus dans leurs implications, ces nouveaux mots d’ordre instrumentalisent une version banalisée de la beauté. C’est en ce sens que nous parlons ici de paysages réactionnaires

Forme impure

L’acception esthétisante et nostalgique du paysage transforme l’impératif écologiste en une idéologie dénuée de toute l’urgence politique que la question mériterait. Nous souhaitons au contraire affirmer une conception du paysage complexe et évolutive, synthétisant plusieurs questions (d’échelle, de temps, d’objectivité/subjectivité), contre toute rhétorique nostalgique de la « belle totalité perdue ». C’est l’apport « évolutif » de la nature qui nous intéresse, non le caractère nostalgique et pictural. Le « tiers paysage », tel que le définit Gilles Clément, le « tiers-espace » du théoricien Homi Bhabha, ou l’« acupuncture urbaine » de Teddy Cruz, constituent dans ce sens des approches possibles. Elles ont en commun la tentative d’inventer un nouveau type de projet – dont la forme est impure, mouvante, parfois difficile à saisir, qui affirme sans complexes son caractère artificiel.

« C’est l’apport « évolutif » de la nature qui nous intéresse, non le caractère nostalgique et pictural », explique Federico Ferrari qui nous commente « Paysages réactionnaires. Petit essai contre la nostalgie de la nature », ouvrage qu’il vient de commettre aux éditions Eterotopia…

L’illusion des images

Il s’agit d’une approche qui semble rappeler l’idée tragique de nature du poète Giacomo Leopardi : il faut assumer notre irréductible altérité et solitude face à la nature car, dans le paysage, nous sommes radicalement seuls. Cependant, la position léopardienne relève également d’une approche qui ne veut pas nier la nécessité des images, entendues comme projections de nos aspirations. Notre désir de nature en témoigne. Les images – les illusions – sont porteuses d’identité et donc vitales pour l’homme, malgré leur précarité et peut-être leur inexistence. Par ailleurs, qu’est-ce que le projet, sinon une illusion, fondée sur un présupposé utopique et irréel, cependant nécessaire à sa réussite ?