Mon jardin, un écosystème

Jean-Paul Thorez

La tendance est à la reconnaissance des processus naturels qui sont à l’oeuvre dans tout jardin...

Quoi de neuf au jardin ? L’abeille sauvage, la guêpe ichneumon, la punaise anthocoride sont reconnues comme de sympathiques auxiliaires. On leur offre des « hôtels à insectes » composés de tiges creuses pour leur nidifi cation. On sème à leur intention des fl eurs nectarifères…
La « mauvaise herbe » est désormais qualifi ée, au pire, d’herbe simplement « indésirable ». On lui trouve, à côté de quelques inconvénients, tout un tas de vertus écologiques. Elle couvre et ameublit le sol, héberge des auxiliaires… Le vocabulaire jardinier évolue, comme les mentalités !Papillon Aporia crataegi

 

La fantaisie du jardinier

Le lombric est, lui aussi, une révélation, en tant que recycleur de déchets. Le lombricompost se vend à prix d’or et le vermicompostage des épluchures se pratique dans toutes les bonnes cuisines. L’insertion du jardin dans les cycles écologiques semble aller de soi au XXIe siècle, et il ne viendrait, par exemple, à l’idée de personne de ne pas chercher à récupérer l’eau de pluie pour arroser.
Bref, durant les dernières décennies, suite aux, excès du tout-chimique, le jardin est progressivement apparu comme un écosystème qu’il fallait respecter. Mais un écosystème un peu spécial, entièrement soumis à la fantaisie du jardinier. Tel mélange fl eurs et légumes, tel autre fait un potager en carré ou cultive un bac sur son balcon, d’autres plantent sur des buttes ou deviennent, à tort ou à raison, des adeptes du BRF[1] ou du « lasagna bed[2] ». Beaucoup ont renoncé aux produits chimiques… Chacun peut dire : c’est mon écosystème !

 

Nouvelle frontière

Gros progrès que cette mise en cohérence des pratiques jardinières avec les enjeux planétaires, les exigences d’un développement durable. Alors, maintenant que l’écologie est plus ou moins entrée dans les esprits, quelle pourrait bien être la nouvelle frontière du jardinage ? C’est un jardinier qui a beaucoup pratiqué, essayé, lu, vu et entendu qui vous le dit : dans l’« agroécosystème » jardin, si la partie écosystème mérite d’être choyée, la partie agrosystème – la production de légumes, de fruits, de fleurs… – ne doit pas être négligée pour autant. Un jardin doit nous apporter des satisfactions. Or, négliger la partie « agro » du système conduit à des déceptions.

Concrètement, ce serait par exemple :

  • au potager, ne pas semer la bonne variété au bon moment ;
  • au verger, tailler n’importe comment
  • travailler une terre trop humide outrop sèche ;
  • ne pas semer ou planter à la bonne profondeur.

Le savoir-faire rend le jardinage efficace, donc durable. L’avenir du jardinage, c’est donc plus que jamais des jardiniers compétents, dans tous les compartiments de leur art : l’écologie de base – qui mange qui –, les besoins des plantes, les secrets pour travailler le sol sans s’épuiser (et l’épuiser !), savoir hâter les cultures ou les protéger du gel sans se ruiner, multiplier les végétaux au lieu de les acheter, entretenir ses outils, etc. Bien sûr, il ne s’agit pas de revenir au jardinage de papa : les « bonnes pratiques » incluent maintenant les associations de plantes, les engrais verts,le compostage, les fl eurs et les nichoirs à insectes…

Retrouver une fonction de production

Ces compétences s’acquièrent tout naturellement en bavardant avec les voisins expérimentés, en échangeant sur Internet, en assistant à des cours, conférences, stages ou animations, ou bien encore en lisant les bons manuels et revues. Rien de nouveau sous le soleil, direz-vous ! Eh bien si ! Les savoir-faire jardiniers évoluent sans cesse, comme les connaissances à mettre en oeuvre. Saviez-vous que la quasi-totalité des produits compatibles avec l’écosystème-jardin n’existaient tout simplement pas il y a vingt ans ? Citons le fi let et le collier anti-insectes, le répulsif au géraniol, l’anti-limace à l’orthophosphate de fer, le piège à phéromones, le nichoir à bourdons, les semences pour bande fl orale, l’engrais vert de phacélie, l’huile insecticide végétale, les pommes de terre (presque) résistantes au mildiou…
Espérons qu’à une époque où beaucoup souff rent difficultés économiques, les jardiniers sauront redonner une fonction de production à leur écosystème. Produire une partie de sa nourriture, bouturer ses rosiers, pouvoir faire cadeau de graines et de plants « maison », apprendre des choses intéressantes à ses enfants, est autrement plus enrichissant que le jardinage consommation que nous avons connu dans les époques précédentes !

 

 


[1] Bois raméal fragmenté : technique nouvelle qui consiste à apporter sur le sol des rameaux broyés.

[2] Culture « en lasagne » : technique nouvelle qui consiste à cultiver des légumes sur des couches de divers matériaux organiques.