L’utilisation de l’éclairage LED en horticulture

L’éclairage artificiel pour contrôler la croissance des plantes, leur ramification ou leur floraison rentre aujourd’hui dans une nouvelle dimension avec l’usage des LED. Ces lampes de nouvelle génération permettent une émission lumineuse contrôlée plus finement, et donc des résultats plus précis, tant en horticulture qu’en maraîchage.

Spectres lumineux de lampes HPS et de la combinaison de LED blanches, rouge clair et rouge lointain (d’après Runkle et Both, 2017).

Des LED à la place des lampes HPS

L’éclairage artificiel, en complément de la lumière naturelle ou non, est depuis longtemps utilisé en horticulture, que ce soit en serre ou en enceinte close. Il est généralement fourni par des lampes High Pressure Sodium (HPS) caractérisées par un large spectre lumineux, efficace pour promouvoir la photosynthèse et contrôler la floraison. Récemment, un nouveau type d’éclairage, basé sur des diodes électroluminescentes (LED selon l’abréviation anglaise), est apparu sur le marché. Comparé aux lampes HPS, il présente plusieurs avantages : une meilleure efficacité énergétique, une durée de vie cinq fois plus longue, une faible émission de chaleur et la possibilité d’émettre dans une bande spectrale précise.

Une LED est un semi-conducteur constitué d’un composant chargé positivement et d’un autre chargé négativement. Lorsque le courant est bien orienté, les électrons passent du premier au second composant en émettant un photon. En modifiant la composition de la LED, le fabricant choisit la longueur d’onde d’émission, et donc décide de la « couleur » de la lumière émise, ce qui entraîne une grande diversité de modèles de LED Comme les photons de différentes longueurs d’onde n’apportent pas la même quantité d’énergie, la lumière produite par les lampes horticoles est caractérisée par son flux photonique exprimé en micromole par seconde, c’est-à-dire le nombre de photons dont la longueur d’onde est comprise entre 400 et 700 nm émis en une seconde par la source lumineuse. De plus, l’efficacité photonique des LED actuelles atteint 2 µmol/s par watt contre 1,16 µmol/s par watt pour les lampes HPS standard.

Cette bonne efficacité énergétique est couplée à une température de fonctionnement relativement faible. Il est ainsi possible de positionner les LED près des plantes et donc de maximiser l’interception de la lumière par les feuilles. Comme l’intensité de photons reçue par les feuilles diminue avec le carré de la distance à la lampe, le positionnement des sources lumineuses au niveau des plantes est un levier d’amélioration important dans la diminution de la consommation électrique.

 

Mieux contrôler la croissance, la ramification et la floraison

La valeur commerciale des plantes maraîchères dépend du rendement (production de biomasse) et de la qualité du produit (aspect visuel et valeur nutritionnelle) © Nejron Photo-Adobe Stock

L’utilisation des LED présente une nouvelle opportunité pour l’horticulture. Ce type d’éclairage permet en effet de contrôler non seulement la durée et l’intensité de la lumière, mais aussi le spectre des longueurs d’onde qui la compose. Il est donc envisageable de mieux contrôler la croissance (photosynthèse), mais aussi la ramification et la floraison (photomorphogenèse), processus induits par les lumières bleues (B), rouge clair (Rc) et rouge sombre (Rs) via les photorécepteurs de la plante (cf. figure ci-contre).

La valeur commerciale des plantes d’ornement en pot, cultivées pour la décoration d’intérieur et le jardin, repose sur leur qualité esthétique, et notamment leur forme. Très généralement, cette forme doit être compacte et ramifiée. Elle résulte de la construction architecturale de la plante, qui dépend des processus de croissance et de ramification. La qualité du produit dépend donc des longueurs d’onde perçues par la plante qui contrôlent la photomorphogenèse, en particulier le B et le rapport Rc/Rs. La maîtrise de ces processus est donc primordiale pour l’horticulteur.

Ainsi pour le poinsettia cultivé en serre, par exemple, l’utilisation d’un éclairage LED supplémentaire (80 % R: 20 % B) a permis de réduire significativement la longueur des tiges (-34 %, comparé à un éclairage HPS), évitant ainsi l’utilisation de régulateurs de croissance de synthèse. La valeur commerciale des plantes commercialisées en fleurs dépend également du processus de floraison, incluant la date de mise à fleurs et le nombre de boutons floraux. Ainsi, chez le muflier cultivé en enceinte close, l’apport de rouge sombre en plus du bleu et du rouge clair accélère la floraison de 12,5 jours par rapport à un témoin sans apport de rouge sombre.

 

Rosiers cultivés en enceinte close climatique, éclairés par un dispositif composé de LED blanches, bleues et rouges – © L. Crespel

L’éclairage des plantes maraîchères

Quant aux plantes maraîchères, leur valeur commerciale dépend du rendement (la production de biomasse) et de la qualité du produit (aspect visuel et valeur nutritionnelle). La production de biomasse dépend directement de la photosynthèse, donc de la quantité de rayonnement photosynthétiquement actif interceptée et absorbée par les feuilles, tandis que la qualité du produit dépend beaucoup des longueurs d’onde perçues par la plante, en particulier le B et le Rc/Rs.

Ainsi, pour le concombre et la tomate cultivées en serre, l’utilisation d’un éclairage LED supplémentaire de lumière bleue, rouge clair et rouge sombre a conduit à une augmentation significative du poids de matière sèche (de +21 % pour le concombre et +15 % pour la tomate, comparé à un éclairage HPS). Cet effet positif est également observé pour la valeur nutritionnelle du produit. Ainsi, chez le brocoli cultivé en enceinte close, sous lumière bleue et rouge (80 % R: 20 % B), les concentrations en caroténoïdes totaux, en macro élément (le magnésium par exemple) et en oligo-éléments (le fer par exemple) sont augmentées significativement (de +33,6 %, +78,1 % et +71,0 % respectivement, comparé à un éclairage avec des lampes fluorescentes et incandescentes).

Les performances techniques et économiques des LED sont en constante progression, ce qui permet d’envisager un développement rapide de ce type d’éclairage en horticulture. Si le coût des installations reste une limite à l’utilisation des LED, il est rapidement contrebalancé par les économies d’électricité permises par une meilleure efficacité énergétique des installations. De plus, elles ouvrent d’autres champs d’investigation : l’application de longueurs d’onde efficaces, dans une séquence appropriée, pour influencer la croissance, la ramification et la floraison, l’amélioration de la résistance des plantes aux agents pathogènes et aux organismes nuisibles par l’application d’un éclairage UV-B, et, enfin, l’amélioration génétique, avec la sélection de plantes plus sensibles au rapport Rc/Rs, pour obtenir, par exemple, des plantes plus compactes et ramifiées.

 

Étienne Chantoiseau
Enseignant-chercheur en énergétique, transfert de masse et d’énergie, et bioclimatologie, AgroCampus Ouest, département Milieu physique, paysage, territoire (MilPPaT),

Laurent Crespel
Équipe Arch-E (architecture et environnement), enseignant chercheur AgroCampus Ouest.

 

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE

Runkle, E et A.J. Both: 2017 Delivering Long-Day Lighting – Technology Options and Costs. R. Lopez et E. Runkle (eds), Light management in controlled environments, Meister Media Worldwide, Willoughby, OH, USA.