L’intelligence artificielle en serriculture

L’intelligence artificielle apporte de nouveaux outils et bouleverse les processus de conception, réalisation et gestion dans de nombreux domaines. Il en est de même en production sous serre.

Fabrication et distribution des solutions nutritives adaptées aussi bien à des légumes fruits sur substrat qu’à des légumes feuilles en hydroponie - © D. Veschambre
Réguler l’organisation du travail en déplaçant les modules de production vers les travailleurs… qui ne vont plus vers les cultures. Un prélude à la robotisation de la récolte? © D. Veschambre

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle (IA) est une branche de l’informatique qui vise à créer des machines et/ou des programmes informatiques capables de réaliser des tâches qui nécessitent normalement des capacités humaines. Elle comprend plusieurs sous-domaines tels que l’apprentissage automatique, la vision par ordinateur, le traitement du langage naturel et la robotique, ce dernier point étant majeur pour le sujet traité ici. L’objectif de l’IA est donc de créer des machines « intelligentes » capables d’effectuer des tâches répétitives, qui soulagent d’autant l’agriculteur, de manière autonome, et de prendre des décisions en fonction des données recueillies.

Les applications de l’IA sont nombreuses et variées, allant de la reconnaissance vocale et faciale à la recommandation des produits en passant par la conduite autonome et la détection des fraudes. L’objectif de l’IA est de créer des machines qui peuvent résoudre des problèmes et prendre des décisions comme peuvent le faire les humains. Néanmoins, il convient de noter qu’elle ne saurait remplacer complètement l’homme dans toutes ses tâches car elle a encore, à ce jour, des limites et des biais.

Enfin, l’intelligence artificielle permet de développer des outils d’optimisation des flux de travail pour la mise en place de processus visant à un meilleur rendement. Cependant, si la prévisibilité et la compétitivité sont deux des défis majeurs du secteur de la serriculture, le respect de l’environnement l’est tout autant. L’agriculteur doit désormais parvenir à produire davantage et surtout mieux.

Quels sont les besoins de l’intelligence artificielle?

Pour être optimale, l’IA a besoin:
• de données de qualité, en grandes quantités pour « apprendre » et s’améliorer car plus les données sont précises et variées, plus l’IA sera performante ;
• d’algorithmes d’apprentissage automatique, clé de voûte de l’IA car ils lui permettent de fonctionner à partir des données reçues ;
• de capacités de traitement des grandes quantités de données utilisées ;
• de ressources informatiques suffisantes et nécessaires pour les calculs

Assurer la climatisation en optimisant le stockage géothermique et le fonctionnement des pompes à chaleur © D. Veschambre

Assurer la prophylaxie en surveillant toutes les issues… et la ventilation, si besoin © D. Veschambre

Gérer le blanchiment ainsi que le déblanchiment des toitures en fonction de l’ensoleillement © D. Veschambre

Quelles données nécessaires à l’IA en serriculture?

Comme pour toute agriculture, la serriculture, qu’elle soit relative à la culture légumière ou à l’horticulture, nécessite des informations sur le milieu (température, humidité, lumière), l’état du sol, la composition du substrat et/ou de la solution nutritive drainante ainsi que l’état sanitaire et de développement des plantes.

Ces données sont générées par des capteurs appropriés qui peuvent être basiques (mesures simples de température, humidité…) mais qui peuvent déjà faire appel à l’intelligence artificielle pour des données plus complexes à acquérir telles que la mesure du développement des plantes (hauteur, nombre de feuilles, coloration des feuilles…) ou l’état sanitaire de celles-ci (détermination précoce de maladies, d’insectes nuisibles…).

Sans oublier bien sûr les robots, qui interviennent plutôt dans la phase de récolte (il existe aujourd’hui un robot qui récolte les tomates en grappe, en fonction de leur maturité, et qui les conditionne) et qui, eux aussi, doivent être équipés de très nombreux capteurs pour une analyse en temps réel lorsqu’ils sont en activité.

Avantages et inconvénients de l’intelligence artificielle dans la serriculture

Les avantages que l’on peut tirer de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la serriculture (sur sol et hors sol) sont nombreux et dans des domaines variés. Nous retiendrons pour l’essentiel que l’IA peut aider à :
• optimiser la production en permettant une surveillance continue et une analyse précise de l’environnement de culture;
• réduire les coûts de production en optimisant l’utilisation des ressources telles que l’eau, l’énergie, les éléments nutritifs et les produits phytosanitaires ;
• améliorer la qualité des produits en intervenant sur plusieurs facteurs tels que l’environnement, l’arrosage, les traitements, l’intensité et la qualité de la lumière (des essais réalisés sur des cultures de basilic ont montré l’importance du spectre de la lumière dans la teneur en éléments volatils et donc de son impact sur les qualités organoleptiques) et ce, seulement quand c’est nécessaire (voir l’article sur les LED dans ce même numéro);
• automatiser certaines tâches et réduire ainsi la charge de travail des agriculteurs.

Comme toute nouvelle technologie, surtout naissante, il existe un certain nombre d’inconvénients qui devraient d’ailleurs aller en diminuant avec sa maturité croissante. Les inconvénients les plus prégnants sont:
• le coût initial élevé d’une installation plus ou moins complexe et sophistiquée ;
• les compétences requises pour l’utilisation optimale d’une telle installation;
• les risques de défaillance du système duquel tout dépend.

Cela dit, l’introduction et l’usage de l’intelligence artificielle dans la serriculture connaissent un développement très important, tant pour les serres « intelligentes » que pour les startups, montrant la primauté des avantages sur les inconvénients.

Quel avenir pour la serriculture ?

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il y aura deux milliards de bouches supplémentaires à nourrir d’ici à 2050, mais les surfaces cultivables ne pourront augmenter que de 4 %. Pour alimenter l’humanité, il ne s’agit donc pas tant de cultiver plus que de cultiver mieux.

Face à ce postulat la serriculture est à même d’apporter, sinon la solution, du moins de grandes possibilités, et principalement la serriculture hors sol (aquaponie, hydroponie…) pour laquelle l’utilisation de l’intelligence artificielle devrait permettre un très fort développement, et cela dans des zones où les conditions climatiques sont difficiles, voire rédhibitoires, pour la culture en plein champ.

L’utilisation de serres verticales répond à l’objectif d’économiser de l’espace et de satisfaire aux besoins des zones densément peuplées.
Enfin la prochaine et ultime (?) étape dans l’évolution de la serriculture est bien la serre autonome, qui fonctionne sans intervention humaine, grâce à des systèmes d’intelligence artificielle avancés.

Elle sera équipée des moyens nécessaires à la surveillance et au contrôle en permanence des conditions de croissance et à leur ajustement en temps réel. Ces systèmes avancés permettront également de prédire les rendements futurs en fonction de différents paramètres, ce qui aidera les agriculteurs à planifier leur production.

Cependant, les serres autonomes nécessiteront un investissement important en termes de coûts et de ressources, ainsi que des compétences techniques fortes pour la mise en place et la gestion de ces systèmes. Sans oublier les questions éthiques et sécuritaires qui pourraient apparaître, liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la production des aliments.

 

Michel Crousilles
Membre du Comité de rédaction de Jardins de France